
Texte imprimé sur lequel on lit : "Loi relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines ou ateliers, 22 mars 1841. Louis-Philippe Ier, roi des Français, à tous présents et à venir, salut. Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : Article 1. Les enfans ne pourront être employés que sous les conditions déterminées par la présente loi : dans les manufactures, usines et ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, et dans leurs dépendances ; dans toute fabrique occupant plus de vingt ouvriers réunis en atelier. Article 2. Les enfans devront, pour être admis, avoir au moins huit ans. De huit à onze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos. De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre, divisées par des repos. Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures du soir. L’âge des enfans sera constaté par un certificat délivré, sur papier non-timbré et sans frais, par l’officier de l’état civil. Article 3. Tout travail, entre neuf heures du soir et cinq heures du matin, est considéré comme travail de nuit. Tout travail de nuit est interdit pour les enfans au-dessous de treize ans. Si la conséquence du chômage d’un moteur hydraulique ou des réparations urgentes l’exigent, les enfans au-dessous de treize ans pourront travailler la nuit, en comptant deux heures pour trois, entre neuf heures du soir et cinq heures du matin. Un travail de nuit des enfans ayant plus de treize ans, pareillement supputé, sera toléré, s’il est reconnu indispensable, dans les établissements à feu continu dont la marche ne peut pas être suspendue pendant le cours des vingt-quatre heures. Article 4. Les enfans au-dessous de seize ans ne pourront être employés les dimanches et jours de fêtes reconnus par la loi. Article 5. Nul enfant âgé de moins de douze ans ne pourra être admis qu’autant que ses parens ou tuteur justifieront qu’il fréquente actuellement une des écoles publiques ou privées existant dans la localité. Tout enfant admis devra, jusqu’à l’âge de douze ans, suivre une école. Les enfans âgés de plus de douze ans seront dispensés de suivre une école, lorsqu’au certificat, donné par le Maire de leur résidence, attestera qu’ils ont reçu l’instruction primaire élémentaire. Article 6. Les Maires seront tenus de délivrer au père, à la mère ou au tuteur, un livret sur lequel seront portés l’âge, le nom, les prénoms, le lieu de naissance et le domicile de l’enfant, et le temps pendant lequel il aurait suivi l’enseignement primaire. Les chefs d’établissement inscriront : sur le livret de chaque enfant, la date de son entrée dans l’établissement et de sa sortie ; sur un registre spécial, toutes les indications mentionnées au présent article. Article 7. Des règlemens d’administration publique pourront : étendre à des manufactures, usines ou ateliers, autres que ceux qui sont mentionnés dans l’article 1er, l’application des dispositions de la présente loi ; élever le minimum de l’âge et réduire la durée du travail déterminés dans les articles deuxième et troisième à l’égard des genres d’industrie où le labeur des enfans excèderait leurs forces et compromettrait leur santé ; déterminer les fabriques où, pour cause de danger ou d’insalubrité, les enfans au-dessous de seize ans ne pourront point être employés ; interdire aux enfans, dans les ateliers où ils sont admis, certains genres de travaux dangereux ou nuisibles ; statuer sur les travaux indispensables à tolérer de la part des enfans, les dimanches et fêtes, dans les usines à feu continu ; statuer sur les cas de travail de nuit, prévus par l’article troisième. Article. Des règlemens d’administration publique devront : pourvoir aux mesures nécessaires à l’exécution de la présente loi ; assurer le maintien des bonnes mœurs et de la décence publique dans les ateliers, usines et manufactures ; assurer l’instruction primaire et l’enseignement religieux des enfans ; empêcher, à l’égard des enfans, tout mauvais traitement et tout châtiment abusif ; assurer les conditions de salubrité et de sûreté nécessaires à la vie et à la santé des enfans. Article 9. Les chefs des établissements devront faire afficher dans chaque atelier, avec la présente loi et les règlemens d’administration qui y sont relatifs, les règlemens intérieurs qu’ils seront tenus de faire pour en assurer l’exécution. Article 10. Le gouvernement établira des inspections pour surveiller et assurer l’exécution de la présente loi. Les inspecteurs pourront, dans chaque établissement, se faire représenter les registres relatifs à l’exécution de la présente loi, les règlemens intérieurs des livrets des enfans et les enfans eux-mêmes ; ils pourront se faire accompagner par un médecin commis par le Préfet ou le Sous-Préfet. Article 11. En cas de contravention, les inspecteurs dresseront des procès-verbaux, qui feront foi jusqu’à preuve contraire. Article 12. En cas de contravention à la présente loi ou aux règlemens d’administration publique, rendus pour son exécution, les propriétaires ou exploitans des établissements seront traduits devant le juge-de-paix du canton et punis d’une amende de simple police qui ne pourra excéder quinze francs. Les contraventions qui résulteront, soit de l’admission d’enfans au-dessous de l’âge soit de l’excès de travail, donneront lieu à autant d’amendes qu’il y aura d’enfans indûment admis ou employés, sans que ces amendes réunies puissent s’élever au-dessus de deux cents francs. S’il y a récidive, les propriétaires ou exploitans des établissemens seront traduits devant le tribunal de police correctionnelle et condamnés à une amende de seize à cent francs. Dans les cas prévus par le paragraphe second du présent article, les amendes réunies ne pourront jamais excéder cinq cents francs. Il y aura récidive, lorsqu’il aura été rendu contre le contrevenant, dans les douze mois précédens, un premier jugement pour contravention à la présente loi ou aux règlemens d’administration publique qu’elle autorise. Article 13. La présente loi ne sera obligatoire que six mois après sa promulgation. Fait au palais des Tuileries, le 22e jour du mois de mars, l’an 1841. Signé : Louis-Philippe. Par le roi : le Ministre Secrétaire d’État de l’agriculture et du commerce, signé : Cenin-Gridaine".