Les archives départementales sont le dernier des services de la préfecture à quitter Arras et à se replier sur Boulogne-sur-Mer, après le bombardement incendiaire de leurs locaux.
Un déménagement dans l'urgence
À Boulogne, leur installation a été improvisée dans une dépendance du musée de la ville. Quatre salles sont aménagées pour recevoir 2 007 cartons d'affaires courantes, mais 1 029 mètres de rayons ne suffisent pas à organiser la centaine de tonnes de dossiers arrivés dans un état plutôt défectueux.
Le personnel dresse d'urgence un répertoire numérique pour chacune des quatre divisions de la préfecture, afin qu’elles puissent retrouver les documents nécessaires à leurs missions. À l’époque en effet, les archives départementales ont en charge la conservation des archives historiques, comme aujourd’hui, mais forment également le service des archives de la préfecture.
Les agents des archives doivent se résoudre à revenir sur Arras pour mener une deuxième opération d’évacuation. Il reste encore, en effet, de nombreux documents récents, toujours utiles à l’administration, dans l’annexe de la rue des Fours. D’autre part, on en profite pour emporter les archives hospitalières, qui comprennent treize fonds anciens (XIIe-XVIIIe siècles).
Du 2 au 13 décembre 1915, seize camions autos font la navette durant la nuit pour un embarquement à la même gare que la première fois. Ce travail est interrompu deux fois par des rafales de projectiles qui atteignent l'église Saint-Nicolas, la préfecture, et achèvent la destruction de la chapelle du Saint-Sacrement. Trois wagons sont expédiés sur Paris, un autre à Montreuil-sur-Mer, et un cinquième pour la préfecture à Boulogne-sur-Mer.
Complications quotidiennes dans les missions des archivistes
À côté des opérations de sauvetage, les archivistes doivent continuer leurs missions quotidiennes : classement, tri et élimination, inspections communales, recherches administratives, etc.
L’enrichissement de la bibliothèque n’est pas négligé. Une attention particulière est portée aux ouvrages et estampes concernant la guerre en Artois. La bibliothèque s'est également enrichie de vues photographiques des villages du front, obtenues de la section photographique de l'armée.
À Boulogne-sur-Mer, la préoccupation matérielle principale est de trouver de la place pour loger les archives provenant d’Arras et celles produites par les services de la préfecture. De petites sommes sont régulièrement dégagées pour élever de nouveaux rayonnages et l’employé-concierge Domart s’ingénie lui-même à concevoir des rayonnages afin de réduire les coûts et d’optimiser l’espace. Mais cela n’empêche pas de devoir se résoudre à d’incessants chassé-croisé de documents afin d’accueillir la production croissante de l’administration.
Les archives départementales participent à la recherche de documentation sur les localités détruites, afin d’en faciliter la reconstruction le temps venu. En application d’une instruction du 12 novembre 1916, le service dépouille méthodiquement toutes les séries pour constituer une collection de plans de toute nature sur les localités détruites. C'est ainsi que 2 500 plans ou croquis, concernant 239 communes, sont prélevés dans 11 200 liasses du dépôt et dans 500 cartons des divisions de la préfecture. Il faut y ajouter l'ensemble des plans cadastraux refaits (rouleaux), mais aussi les épreuves photographiques prises en avion, de 1914 à mai 1915, obtenues pour 48 communes du service des fabrications de l'aviation militaire.
Les recherches et communications demandées par divers services, notamment par celui de la Reconstitution des communes du front, par le service technique, par la mission française près des armées britanniques et les officiers anglais recherchant la topographie souterraine, s'élèvent à 2 105 pour l’ensemble du conflit.
Malgré les difficultés de circulation, les inspections des archives des sous-préfectures, des communes et des hospices se sont poursuivis. Une tournée spéciale a été faite auprès des villes et communes bombardées, l’archiviste devant bien souvent se contenter de constater la destruction de la mairie et la disparition des archives.
Les dernières évacuations
De la fin mars à la fin avril 1918, dans une ultime tentative de percer le front d’Artois, les Allemands lancent toutes leurs forces présentes dans le secteur (offensives Michael, 21 mars au 5 avril et Georgette, du 9 au 29 avril).
Dans un premier temps, la percée est spectaculaire et fait craindre le pire. Le préfet organise l’évacuation des populations des villages susceptibles de tomber. Le transport des archives communales (principalement les registres d’état civil et les documents cadastraux) est également mise en œuvre, pour près de 150 communes.
Un millier de caisses occupant neuf wagons de train sont envoyées à Saint-Josse-sur-Mer, avant d’être redirigées sur le château de Chambord. Elles reviennent dans le Pas-de-Calais après l’armistice, en décembre 1918. Elles sont ensuite réparties dans dix centres dans le département, afin que les communes puissent venir les rechercher.
Parallèlement, 180 ml de dossiers de biens communaux, évacués des archives du Pas-de-Calais aux Archives nationales, sont convoyées, en juin 1918, jusqu’aux archives départementales de la Haute-Garonne, d’où ils ne reviennent qu’au cours de l’année suivante.
Voir aussi le portrait du personnel des archives pendant la guerre.