Dans la lignée de la célèbre famille Breton, notre homme du jour s’appelle Jules-Louis. Fils de Louis, maire de Courrières de 1867 à 1891, et neveu de Jules et d’Émile, peintres reconnus, Jules-Louis s’affranchit très tôt de son illustre patronyme pour tracer son propre chemin.
Scientifique passionné, il fait également une brillante carrière politique et devient en 1920 le premier locataire du tout jeune ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale.
Des éprouvettes aux bancs de l’Assemblée
Né le 1er avril 1872 à Courrières, Jules-Louis grandit dans une famille très versée dans la politique, puisque quatre de ses membres se sont succédé à la mairie de Courrières.
Élève en chimie à Lille, vivement intéressé par l’étude scientifique en général et les inventions en particulier, il ne termine cependant pas son cycle d’études et devient préparateur au Collège de France où il crée en 1891 le "groupe des étudiants socialistes révolutionnaires internationalistes de Paris".
Dès lors, il s’engage dans le militantisme politique, sous l’étiquette socialiste. Proche d’Édouard Vaillant, membre du parti socialiste révolutionnaire qui le pousse dans son département d’origine, le Cher, il y est élu député en 1898 à l’âge de 26 ans. Il renouvelle systématiquement ce mandat jusqu’à son entrée au Sénat le 9 janvier 1921.
Durant ses années d’initiation politique, ses idées évoluent. Moins radical, plus pondéré, il se rapproche du parti républicain socialiste où il rencontre Albert Thomas et Paul Painlevé, qui deviendront ses collaborateurs durant la Première Guerre mondiale.
Un réformateur actif
Il est alors l’auteur et le rapporteur de nombreuses lois sociales, touchant divers domaines : en premier lieu la santé, puisqu’il donne son nom à une loi votée en 1898 sur les dommages causés par les maladies professionnelles. Puis il apporte son expertise technique dans une loi de 1909, interdisant la céruse (à base de plomb) dans les peintures des bâtiments.
S’intéressant à la démographie, il se positionne en faveur de réformes favorables aux enfants et aux familles nombreuses, et milite pour l’amélioration des logements ouvriers.
Son efficacité, son engagement et ses amitiés politiques lui permettent d’accéder rapidement une ascension rapide.
Le scientifique au service de la Grande Guerre
Donnant la parole au scientifique qui l’habite, Jules-Louis Breton présente en 1914 un prototype "d’appareil autonome blindé et armé pour le passage des réseaux de fil de fer et des tranchées et à circulation en terrain varié", autrement dit le premier modèle de char d’assaut.
Fin 1916, il est nommé sous-secrétaire d’État aux Inventions intéressant la Défense nationale, puis en 1917 sous-secrétaire d’État des Inventions, Études et Expériences techniques (direction des inventions et des expériences techniques, DIEET). Tous les services techniques militaires passent désormais sous ses ordres directs.
L’après guerre
Cet organisme devient en 1919 la direction des Recherches scientifiques et industrielles et des Inventions (DRSII), toujours sous son patronage. En 1922, il est encore à la tête de sa mutation en tant qu’Office national des Recherches scientifiques et industrielles et des Inventions (ONRSII), considéré comme le précurseur du CNRS.
En 1920, il est élu membre libre de l’Académie des Sciences. Cette année coïncide avec son accession (il est nommé le 20 janvier 1920) au tout nouveau ministère de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale, poste qu’il quitte un an plus tard le 12 janvier 1921 pour entrer au Sénat.
La recherche scientifique, son dernier combat
Ses années d’après-guerre ne brilleront pas par son activité politique. Affaibli par une maladie handicapante qui aura raison de lui vingt ans plus tard, il se recentre sur sa passion première, la science.
Cette dernière l’a habité toute sa vie et lui vaut d’être un auteur prolixe, vaillant partisan de la vulgarisation scientifique ; en 1897-1899, il publie déjà une Encyclopédie scientifique et industrielle de l’année. Puis en 1910, une Encyclopédie parlementaire des sciences politiques et sociales, alliant ces deux passions.
En 1923, il crée à Paris le premier Salon des arts ménagers, qui porte alors le nom de Salon des Appareils Ménagers, afin de récompenser les inventeurs des meilleurs appareils ménagers
. Cette vitrine du progrès de la science appliquée, chère à son cœur, remporte un franc succès. Car depuis longtemps il porte l’idée qu’un pan de la réforme sociale passe par la diffusion du progrès technique. Il est d’ailleurs lui-même l’inventeur d’un lave-vaisselle innovant, peu consommateur en énergie, qu’il commercialise via une société créée avec ses fils.
De plus en plus affaibli par la maladie qui le paralyse presque totalement, il se retire dans sa propriété de Bellevue où il s’éteint le 2 août 1940. Néanmoins, malgré son infirmité, ses dernières années ont été consacrées à l’élaboration de machines qui lui ont permis d’accomplir plus de quatre-vingt gestes par le simple pincement de ses lèvres.