Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Décès du peintre Michel Cazin à Boulogne-sur-Mer

La mort de Michel Cazin, le 1er février 1917, alors qu’il est à bord de "La Rafale", un torpilleur amarré au quai Gambetta à Boulogne-sur-Mer, est annoncée dans la presse locale et nationale.

Sur les traces de son père

Document manuscrit et imprimé sur lequel on lit : "Je, soussigné, reconnais avoir reçu le brevet de chevalier de la Légion d'honneur, qui m'a été adressé par le Grand Chancelier. À Paris, le 2 juin 1907. M. Michel Cazin".

Pièce constitutive du dossier de légion d'honneur de Michel Cazin, 2 juin 1907. Archives nationales, LH/459/38.

Fils unique du peintre Jean-Charles Cazin et de Marie Guillet, Jean Marie Michel Cazin naît à Paris le 12 avril 1869.

Élève, comme son père, d’Horace Lecoq de Boisbaudran, il est d’abord attiré par la gravure, le dessin, la céramique et la médaille, mais se tourne peu à peu vers la peinture. Il y apporte un sentiment simple, une couleur légère et limpide, et  une réelle fermeté de construction. On lui connaît principalement des paysages et des marines.

Une reconnaissance internationale

Il participe aux expositions de la Société nationale des Beaux-Arts et de la Société des artistes français (1885), ainsi qu’aux expositions universelles de 1889 et 1900. En 1893, il est aux côtés de son père pour exposer 180 toiles à l’American Art Association de New-York.

En 1901, il épouse Berthe Yvart, une jeune artiste rencontrée dans l’atelier de son père. Elle est une lointaine parente du peintre ordinaire de Louis XIV, Baudrain Yvart.

En quête de nouveautés et sensible à la mécanique, Michel Cazin, qui vit à Équihen, se trouve en 1913 aux côtés de Louis Blériot autour d’un projet de construction d’aéroplage, un ancêtre du char à voiles dirigé au moyen d’un levier de commande, comme un avion.

Mobilisé

Mobilisé en 1914, il est placé en caserne pendant un an à l’ancien séminaire, et monte la garde entre Boulogne et Pont-de-Briques. Caporal-fourrier au 8ième régiment d’infanterie territoriale, il est affecté au service des gardes-voies et communications dans le Boulonnais.

Missionné pour participer à la préservation des œuvres d’art, Michel Cazin parcourt la France pour croquer son environnement, sous forme d’huiles et de pastels. Au retour de ce périple, il est affecté à Dunkerque.

Un tragique accident

Avant son départ, son épouse le rejoint à Boulogne, où ils sont invités à déguster une choucroute à bord du torpilleur "La Rafale" par un de ses amis, le lieutenant de vaisseau Erzbischoff. Vers 13h30, en montrant des grenades anti-sous-marines à des visiteurs, un marin en fait exploser près de 50 kilos et détruit l’arrière du bâtiment.

Le torpilleur éventré coule en quelques minutes et les deux navires amarrés à ses côtés sont avariés. Trois hommes,  dont Michel Cazin, sont tués, et dix autres grièvement blessés : c’est une plaie béante à la base du crâne qui a entraîné la mort sur le coup de l’artiste.

Son corps est transporté à la morgue de l’hôpital Saint-Louis : ses obsèques ont lieu dans la chapelle, en présence du maire Félix Adam, de notables locaux et de nombreux officiers d’état-major des armées de terre et de mer.

Un piquet lui rend les honneurs militaires en sa qualité de chevalier de la Légion d’honneur (par décret du 16 août 1900, rendu sur le rapport du ministre de l’Instruction publique) ; la médaille militaire et la croix de guerre lui seront décernées à titre posthume en 1922.

Après une longue convalescence des suites d’un décollement de rétine fatal pour un œil durant l’explosion, Berthe Cazin s’engage pendant la guerre comme infirmière à la Croix-Rouge. Elle organise un atelier dans les locaux du lycée Buffon à Paris, pour aider à la rééducation des blessés de guerre. Elle travaille la céramique, le métal ou encore le cuir et l’écaille, et expose aux salons de la Société nationale des Beaux Arts. Elle décède le 1er juin 1971 à Sèvres.

La mort du peintre Cazin dans Le Télégramme du 8 février 1917

Nous lisons dans les journaux de Paris :

On annonce la mort, dans un de nos ports de mer, d’un artiste connu, M. Michel Cazin, fils du peintre célèbre Charles Cazin, dit le "Temps".

M. Michel Cazin et sa femme, artiste comme lui, et qui s’est fait connaître, au salon de la Société nationale, par des travaux d’orfèvrerie d’une invention charmante et d’un très joli goût décoratif, se trouvaient [censure] lorsqu’une explosion s’y produisit, tuant trois hommes [censure] qui ont été aussitôt transportés à l’hôpital de la ville.
Comme son père, M. Michel Cazin faisait à la fois de la peinture et de la céramique, et dans ces deux formes d’art il avait conquis une notoriété légitime. Après avoir longtemps travaillé dans la formule de son père, il avait fini par se faire en peinture une personnalité qui s’attesta hautement, il y a six ou sept ans, dans une exposition d’ensemble organisée dans les galeries Georges Petit. Ses paysages se caractérisent par des harmonies de gris et de blancs d’une finesse délicieuse, et ses travaux de céramiste étaient de l’art le plus robuste et le plus sain. 

De son côté le "Journal des Débats" écrit :

Le peintre Michel Cazin vient de trouver la mort dans une explosion [censure]. Il a été tué sur le coup.
Mme Cazin, très grièvement blessée, a dû être transportée à l’hôpital, ainsi que onze autres personnes plus ou moins grièvement atteintes.
Les causes de l’explosion sont inconnues.

Le Télégramme, jeudi 8 février 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.