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Seconde bataille de Bapaume

Point stratégique occupé par les Allemands depuis le 26 septembre 1914, repris par les Britanniques le 17 mars 1917, Bapaume est de nouveau occupée par les Allemands depuis leur offensive du printemps 1918 dite "première bataille de Bapaume". La seconde bataille de Bapaume, qui se déroule du 21 août au 1er septembre 1918, s'inscrit dans le prolongement de la bataille d'Amiens (8-11 août). Elle oppose les divisions britanniques et néo-zélandaise du IVe Corps à la 17e Armée allemande, commandée par le général d'infanterie Otto von Below.

Objectif : profiter des victoires des Alliés à Amiens et poursuivre l’avancée

Après le succès des Alliés à Amiens, Sir Douglas Haig, commandant en chef de l'armée britannique, entend pousser l’avantage et poursuivre l'offensive : Si nous laissons l'ennemi refaire ses forces, il retrouvera son aplomb et il nous faudra recommencer les tactiques d'usure . Il décide de concentrer l'offensive sur le secteur de Bapaume. Le premier objectif, aujourd'hui dit "la bataille d'Albert" (Somme), consistait en une attaque sur un front de 15 kilomètres du village de Puisieux en direction du chemin de fer Albert-Arras. Le second objectif, prévu pour débuter le 23 août, visait à s'emparer de Bapaume et avancer ensuite vers l'est jusqu'à Riencourt-lès-Bapaume, Bancourt-Frémicourt et les hauteurs au-delà. Les Néo-Zélandais devaient jouer un rôle clé ; les première et deuxième Brigades d'infanterie de la Division néo-zélandaise, gardées en réserve, devaient être prêtes à exploiter toute percée sur le front.

Déroulement de la bataille

L'attaque britannique commence le 21 août à 4 heures 55, sur un front d'environ 15 kilomètres, avec une attaque lancée par les IVe et VIe Corps de la troisième Armée de Miraumont (Somme) à Moyenneville, dans l'intention de repousser les Allemands vers la ville de Bapaume. Cet endroit a été choisi pour lancer l'offensive en raison de son terrain relativement épargné par les bombardements et donc plus propice aux attaques mobiles avec support blindé. Appuyés par les tanks, les Britanniques enlèvent rapidement les défenses avancées allemandes. La lutte est particulièrement vive aux abords d'Achiet-le-Grand et du bois Logeast, mais la progression continue ; la voie ferrée d'Arras à Albert, principale ligne de défense adverse, est atteinte et 2 000 soldats ennemis sont faits prisonniers. Les troupes anglaises et néo-zélandaises s'emparent de Puisieux et capturent plus de 100 prisonniers. Bucquoy, Ablainzevelle, Moyenneville, Achiet-le-Petit et Courcelles-le-Comte sont également repris.

Le 22 août, peu de progrès sont réalisés, car le général Byng indique que l'objectif de la journée est de consolider les acquis et de préparer un nouveau mouvement pour le 23 août. L'inactivité relative de ce 22 août encourage le général von Below dans la conviction que les attaques de la veille étaient un échec. Cherchant à en profiter, il organise des contre-attaques.

Le 23 août, les opérations s'étendent sur presque tout le front de 53 kilomètres, du point de jonction avec les Français, au nord de Lihons, jusqu'à Mercatel (au sud d’Arras). Des bataillons anglais, écossais et de la garde s'avancent vers l'est et au-delà de la grande route d'Arras à Bapaume qui commence donc à être débordée par le nord. Les villages de Gomiécourt, Ervillers, Hamelincourt, Boyelles, Boiry-Becquerelle, Achiet-le-Grand et Bihucourt sont repris et 14 000 prisonniers ont déjà été capturés.

Carte postale. Photographie de 2 chars anglais au premier et second plan. Au fonds, des maisons de briques en ruines.

510. Les Ruines de la Grande Guerre. - Bapaume. - Tanks anglais dans les ruines de Bapaume. Carte postale, [1918]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 Fi 80/26.

Le 24 août, la Division néo-zélandaise, qui a joué un rôle de soutien sur le flanc droit de l'attaque principale dans les premiers jours de la bataille, avance vers Bapaume. En un ce seul jour, les Néo-Zélandais s'emparent du bois Loupart ainsi que des villages de Grévillers et de Biefvillers-lès-Bapaume. Ils atteignent Avesnes-lès-Bapaume. Sur la gauche du front, les divisions anglaises, écossaises et de la Garde combattent sur le front de Mory, Croisilles, Neuville-Vitasse et s’emparent de Saint-Léger-lès-Croisilles et Hénin-sur-Cojeul, ainsi que la colline à l’est de ce village. Au nord de la Scarpe, une partie de la ligne allemande située au nord-est de Fampoux tombe.

Le 25 août, la 2e Brigade d'infanterie se déplace au nord de Bapaume. Son flanc gauche est protégé par la 37e Division. L'objectif est d'encercler Bapaume et d'obliger les Allemands à abandonner la ville, évitant ainsi des combats coûteux. Malgré les menaces des avancées Alliées, les Allemands tiennent la ville. Les Alliés enlèvent la route Albert-Bapaume et s'emparent de Warlencourt, Eaucourt, Martinpuich et Le Sars. La 2e Division s'empare de Sapignies et de Béhagnies et font fait de nombreux prisonniers. La 62e Division chasse les Allemands de Mory. Dans la soirée, après un long combat décousu, la 37e Division nettoie Favreuil.

Le 26 août, à trois heures du matin, les Canadiens, les troupes écossaises et britanniques attaquent le secteur de Croisilles jusqu'aux environs de Gavrelle. Les hauteurs de Croisilles et Héninel sont prises. De violentes contre-attaques ont lieu à High-Wood et Ligny-Thilloy. Les Néo-Zélandais s'emparent des faubourgs nord de Bapaume.

Le 27 août, Arras est dégagé. L'ancienne ligne Hindenburg est traversée en plusieurs points. Les Canadiens prennent Chérisy et Vis-en-Artois ; les Ecossais prennent Fontaine-lès-Croisilles, Greenland Hill et Gavrelle ; les Anglais prennent Arleux-en-Gohelle et Beugnâtre avec les Néo-Zélandais. Les Alliés ont fait plus de 23 000 prisonniers depuis le 21 août.

Le 28 août, Croisilles, Boiry-Notre-Dame et Pelves sont repris.

Le 29 août, les positions allemandes sur l'ancien front de 1916 sont devenues intenables. Dans la matinée, l’armée du général von Below marque un mouvement de repli et évacue Bapaume. Aussitôt, les Néo-Zélandais du IVe Corps de la IIIe Armée entrent dans Bapaume, dont ils tenaient déjà les lisières. Au nord de Bapaume, les 56e et 57e Divisions pénètrent les positions ennemies jusqu'à Riencourt-lès-Cagnicourt. Mais les troupes ne peuvent se maintenir dans ce village et le front s'établit aux lisières ouest et nord de Bullecourt et d'Hendecourt. Des violents combats ont lieu aux environs de Vaulx-Vraucourt, Ecoust-Saint-Mein et Hendecourt-lès-Cagnicourt. Les troupes de Londres et du West-Lancashire prennent Bullecourt et Hendecourt-lès-Cagnicourt. Dans la soirée du 29, au nord de Bapaume, les troupes anglaises et écossaises occupent les villages de Bullecourt et d'Hendecourt ainsi que les puissants systèmes de tranchées dépendant de l'ancienne ligne Hindenburg.

Les Allemands se replient du nord de Bapaume à la Somme, sur le front Cléry, Combles, Frémicourt, Bullecourt, Hendecourt. Menacé à la fois au nord de la Somme par les armées britanniques et sur les rives de l'Oise par les armées françaises, ils amorcent leur repli dans la boucle de la Somme.

Le 30 août au soir, le front des IVe et IIe Armées, au nord de la Somme, passe par Cléry-sur-Somme, Combles, Lesboeufs, Bancourt, Frémicourt, Vraucourt, lisière ouest d'Ecoust-Saint-Mein, Bullecourt et Hendecourt. Toute avance ultérieure devait menacer la ligne ennemie au sud de Péronne, le long de la rive est de la Somme sur laquelle les progrès, au nord du fleuve, avaient déjà forcé les Allemands à se retirer.

Le 31 août, Le Télégramme relate la reconquête de Bapaume :

Dans Bapaume reconquis

Du correspondant de guerre du Télégramme

Front britannique, 30 août

Les allemands tiennent encore aux lisières orientales de Bapaume nous annonce-t-on ce matin, mais on ajoute que certains signes semblent indiquer qu'ils ont l’intention de continuer leur retraite. Ils ont tiré très violemment, dans la soirée du 29 et dans la nuit du 29 au 30, sur toute la région de Beaulencourt et dans la matinée du 30, sur Ligny-Thilloy, beaucoup d'obus de 50, comme d'habitude et pendant la nuit, un nombre tout à fait anormal de projectiles de 77.

Cette consommation inutile ne peut s'expliquer que si l'ennemi brûle les munitions qu'il est incapable de ramener avec lui.

- Si j’étais à votre place, je n'irais pas à Bapaume , nous conseille l'adjudant-major du régiment en ligne le long de la route de Bapaume à Péronne.
- Allons toujours voir .

Au fur et à mesure que nous avançons nous interrogeons des soldats qui successivement déclarent Bapaume bombardé comme l'enfer, par trop bombardé, peu bombardé, puis pas bombardé du tout. Finalement un cantonnier placidement occupé à boucher un trou d'obus nous annonce que, sauf la sucrerie, à l'est de la ville et sur le faubourg de Péronne, il ne tombe rien absolument sur Bapaume. Il a raison, la ville s'étend devant nous et pas un seul projectile n'y éclate.

Bapaume, annonce une inscription gigantesque noire sur fond blanc, tout fraîchement peinte sur un pan de mur rouge. Bapaume n’est plus qu'une croûte de briques pilées où s'élèvent par endroits des squelettes de maisons. Cette croute est découpée en quadrilatères réguliers par des rues droites, nettes, propres, praticables, l'ennemi en a eu besoin jusqu'au dernier moment, pour sa retraite et il n'a pas eu le temps de les faire sauter.

Alors qu'aux environs tout est vie, tout est mouvement, ici, règne une tranquillité impressionnante. Sur les miettes de brique et de terre projetés par les obus nos pas eux-mêmes s'amortissent ; personne, personne : un chat noir aux pattes blanches qu'effraye notre approche, franchit en quatre bonds la rue et disparaît dans un soupirail de cave.

Fait étrange, un grand lièvre roux attiré par le calme impressionnant de ces lieux s'est réfugié près de la gare. Il détale à notre approche.

De tous côtés des inscriptions en allemands. L'une d'elle constitue un hommage à l'habileté des artilleurs britanniques : apposée au croisement des routes de Bapaume à Arras et de Bapaume à Albert, elle conseille de ne pas s'arrêter en cet endroit fort dangereux gefahr hier nicht Rasten .

D'autres inscriptions assez nombreuses à la gloire de l'aviation anglaise. Ce sont les indications des abris contre les bombardements aériens. Il y en a un au moins tous les deux cents mètres. Des cloches encore suspendues aux carrefours servaient à sonner l’alerte.

De l'hôtel-de-ville, que les allemands firent sauter au moyen d'une machine infernale, six jours après avoir abandonné la ville en 1917, il ne reste plus rien ; si, tout de même un tas de décombres moins haut que le socle de la statue de Faidherbe, sur lequel les allemands ont piqué une planchette portant l'inscription "Rathaus".

Parmi les innombrables indications en allemand, une énorme enseigne française accrochée, on ne sait comment, à une façade encore debout, par un miracle d'équilibre "Comptoirs Français". Tout le reste ne sont que des ruines anonymes.

L'allemand ne voulait cependant pas lâcher ce carrefour. Partout on voit des preuves qu'il voulait résister à outrance. Presque toutes les caves par-dessus lesquelles les maisons écroulées formaient un blindage à l'épreuve des grosses marmites avaient été transformées en nids à mitrailleurs, que décèlent seuls une minuscule embrasure.

Aux environs de la ville, l'ennemi a abandonné d'énormes dépôts du génie. Il y a notamment des planches en nombre suffisant pour construire des baraquements pour toute une division. Ah ! ah ! Ils voulaient hiverner ici le prussien. Hivernera-t-il seulement dans la ligne Hindenburg ? Ce n'est pas bien sûr.

Avant-hier ils avaient amené sur la route de Cambrai à Arras deux divisions pour arrêter notre progression, cela ne fut possible que pendant vingt-quatre heures, car hier des divisions anglaises montant à l'assaut ont ébranlé terriblement les défenses allemandes à l'est de Croisilles, puis de nouveau les Canadiens passant à travers les troupes du Lancashire et de Londres ont surgi. Elles ne se sont arrêtées qu'au-delà de la partie nord de la fameuse ligne Hindenburg.

Non seulement nous avons enlevé Boiry et Rémy mais maintenant nous tenons à l'est de Bullecourt, Hendecourt et Riencourt. Nous sommes plus à l'est que nous ne l'avons jamais été sur un front de 12 kilomètres. La fameuse ligne de résistance allemande, celle dont la presse allemande ne parle qu'avec respect, celle que tous les prisonniers allemands, même ceux qui clament leur joie d'être prisonniers déclarent imprenable, est entre les mains des britanniques.

Antoine MATAGNE

Le Télégramme (samedi 31 août 1918). Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/30.

Pour aller plus loin

  • G. DEGARDIN, La vie quotidienne de Bapaume dans la Première Guerre mondiale. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 1391.
  • DUPONT, Prise de Bapaume par les Armées Alliées (IIIème Armée, Général BYNG) du 21 août au 1er septembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, MS 168.