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Le char britannique

En 1912, un inventeur civil australien, Lancelot de Mole, présente au ministère britannique de la Guerre le projet d’un engin blindé à chenilles, pouvant transporter des soldats à travers les tranchées et les barbelés sans craindre les tirs ennemis. Malheureusement, son projet est rejeté.

Naissance des blindés

Photographie noir et blanc montrant un char d'assaut.

Combles (près). Char d'assaut anglais, décembre 1916. Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Albums Valois, VAL 439/180.

Deux ans plus tard, en octobre 1914, le colonel Ernest Dunlop Swinton de la British Army, alors correspondant de guerre sur le front Ouest, comprend que la combinaison de la guerre des tranchées et de la mitrailleuse exige un véhicule armé, blindé et à chenilles. Il soumet cette proposition aux autorités militaires britanniques. Mais il faut attendre le mois de janvier 1915 pour que le Premier Lord de l’Amirauté, Winston Churchill, s’intéresse à la suggestion et en comprenne l’intérêt. La conception en est confiée à Walter Gordon Wilson, de la Royal Naval Armoured Car Division, avec l’aide de l’ingénieur agricole William Tritton, directeur de la William Foster & Co Ltd, une entreprise de Lincoln. Promu lieutenant-colonel, Ernest Swinton, quant à lui, se voit confier la responsabilité des premières unités.

Le char naît ainsi à Londres, au sein de la marine britannique, sous la direction du Landships Committee, constitué pour ce faire dès février 1915. Une maquette en bois est présentée au comité le 15 septembre 1915 et un prototype, appelé "Mother", effectue ses premiers essais le 2 février 1916 devant le roi et les hautes autorités gouvernementales.
Le char est en conséquence commandé à 100 exemplaires sous la dénomination "Mark 1" et sa construction débute à Lincoln et Birmingham. Soucieux d’en garder le secret, les Britanniques proposent d’abord de les appeler Water Carrier (porteur d’eau), en proclamant qu’ils sont destinés au ravitaillement en eau de l’armée britannique de Mésopotamie. Plusieurs autres appellations sont envisagées avant que le colonel Swinton, à la fin de l’année 1915, utilise le nom de "Tank" (c’est-à-dire réservoir d’eau).

Les 100 premiers exemplaires sont prévus pour être équipés du canon de six livres à tir rapide de marine. En avril 1916, sous l’égide des services techniques de la Royal Navy, la production des premiers Mark 1 débute, sous le nom de code de "Water Tanks". Il est décidé de construire des exemplaires uniquement équipés de mitrailleuses (appelés Female par opposition aux chars Male armés de canons), destinés à défendre les chars Male contre les fantassins ennemis.

Mark 1

Le Mark 1 (MK 1) britannique est le premier char d’assaut opérationnel. Il est destiné à soutenir les offensives de l’infanterie dans les tranchées.

Photographie noir et blanc montrant des soldats autour d'un char d'assaut.

Flers (près). Char d'assaut britannique utilisé comme quartier général de brigade, septembre 1916. Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Albums Valois, VAL 435/130.

Avec sa forme rhomboïde, il est conçu pour franchir une tranchée de près de 4 mètres de large. En raison de son poids (30 tonnes), sa vitesse de pointe est à peine supérieure à celle d’un homme au pas. Il mesure 9,75 mètres de large, 4,12 mètres de longueur pour les Male et 4,30 mètres pour les Female, et sa hauteur est de 2,41 mètres.
Il est équipé d’une tourelle, dispose d’une coque et d’un gouvernail à l’arrière. Son autonomie ne dépasse pas 40 kilomètres et environ tous les 80 kilomètres, les chenilles doivent être remplacées.
Le Mark 1 est propulsé par un moteur à essence de 105 chevaux ; son réservoir a une contenance de 350 litres de carburant. Il faut 100 litres d’eau pour le refroidissement du moteur, 15 kg de graisse, 10 litres d’huile à boîte de vitesse et 50 litres d’huile pour lubrifier le moteur. Ce dernier est placé dans le même habitacle que l’équipage, qui respire ainsi un mélange malsain au monoxyde de carbone, et la température peut y atteindre 52 degrés.

Le MK 1 est conduit par huit hommes, dont deux sont chargés de manœuvrer chaque chenille. Les équipages subissent un entraînement hâtif. Ils se familiarisent avec la mécanique et les manœuvres essentielles. Pour protéger leur visage des éclats de métal se détachant de l’habitacle suite aux impacts du feu ennemi, on introduit une visière de protection en maille d’acier fixée à un masque de cuir.

Les Male sont dotés de deux canons légers de six livres et de quatre mitrailleuses Hotchkiss, tandis que les Female n’ont qu’une Hotchkiss et quatre Vickers. Leur rôle est de détruire les nids de mitrailleuses et d’écraser les défenses. Les chars sont répartis en six sections de A à F, chacune de vingt-cinq engins manœuvrant en quatre sections de six chars, moitié mâles et moitié femelles, avec un char de renfort par section.
Ils portent des noms de femmes ou de liqueurs "Cognac et Delila, Cordon rouge et Daphné". Ils sont camouflés en rouge, brun, jaune et gris mat. Sujet à de fréquentes avaries et vulnérable aux tirs d’artillerie, aux balles anti-blindage et aux grenades, le char d’assaut n’est pas aussi invincible qu’il le semble de prime abord.

Apparition des premiers chars sur la zone de combat durant la bataille de la Somme

C’est de Pozières (Somme) que les Britanniques engagent pour la première fois leurs chars le 15 septembre 1916. Ceux-ci appartiennent aux compagnies "C" et "D" du "D" bataillon des Heavy Branch of Machine Gun Corps (HBMGC), ou batteries lourdes du corps des mitrailleuses. Les chars sont attribués aux unités qui doivent rencontrer les difficultés les plus grandes sur le terrain. Ce même jour, trente-deux chars sont déployés lors d’une offensive sur Flers-Courcelette. Les véhicules disponibles ne sont pas assez nombreux pour obtenir un résultat décisif.

Photographie noir et blanc montrant un char d'assaut.

Champlieu. Terrain d'instruction : char d'assaut Saint-Chamond, 1916. Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Albums Valois, VAL 282/020.

Si l’apparition de ces monstres blindés exalte les Britanniques, elle provoque un impact psychologique réel sur les soldats allemands, qui s’enfuient. Mais la plupart des chars tombent en panne, s’enfoncent dans des trous d’obus ou sont détruits par l’artillerie allemande. Certains, toutefois, participent à la prise du village de Flers. Les Allemands, quant à eux, essayent de trouver des parades, notamment par le fusil anti-char, "Tankgewehr", qui se révèle inadapté, parce que déboîtant l’épaule du tireur. Il est ainsi vite abandonné.

Les Allemands se convertissent trop tard à la nouvelle arme. Leurs chars, fabriqués au compte-gouttes, embarquent dix-huit hommes d’équipage, mais ne parviennent pas à concurrencer les Britanniques. La première utilisation des chars d’assaut français aura lieu, quant à elle, sur le Chemin des Dames, le 16 avril 1917.

Au début de l’automne 1916, les pluies transforment la zone de combat en un véritable bourbier. Début novembre, malgré des conditions climatiques de plus en plus exécrables, les Britanniques tentent de poursuivre leur offensive au nord vers Bapaume. Mais la météorologie a raison de leurs dernières velléités. L’artillerie perd sa précision, l’infanterie est fortement ralentie par la boue dans ses déplacements, les chars deviennent inutiles, le champ de bataille est un immense marécage où les soldats disparaissent enlisés dans les trous d’obus.
Le 21 novembre 1916, le général Haig arrête toutes les offensives et met fin à la bataille de la Somme.

Un monument aux officiers, sous-officiers et soldats britanniques ayant servi dans les chars et tombés en 1916, 1917 et 1918, est érigé à Pozières, à la sortie du village, dans le sens Albert-Bapaume.

Photographie noir et blanc montrant des soldats autour d'un char d'assaut.

Thiepval, char d'assaut britannique Mark 1 "male", appelé C-15, septembre 1916. Imperial War Museum, Q 2486.

Pour aller plus loin

  • M. BOUTET et P. NIVET, La bataille de la Somme – L’hécatombe oubliée, 1er juillet-18 novembre 1916, Paris, éditions Tallandier, 2016.
  • A. DENIZOT, La bataille de la Somme – juillet-novembre 1916, Paris, éditions Perrin, 2006.
  • P. MIQUEL, Les Oubliés de la Somme, 1er juillet-19 novembre 1916, Paris, éditions Tallandier, 2013.

Webographie