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Mort accidentelle du capitaine Paul Deron

Le 20 juillet 1916, Paul Deron, capitaine de la 24ième compagnie au sein du 233ième régiment d'infanterie, est tué en lançant ses soldats à l’assaut au Bois Étoilé, secteur d’Herleville, sur le champ de bataille de la Somme.

Né le 11 juin 1884 à Aubers, Paul Théodore Auguste Deron est le fils de Théodore Deron, juge de paix à Vitry-en-Artois, et de Louise Défontaine, cultivatrice domiciliée à Chérisy. Incorporé le 8 octobre 1905 comme soldat de 2ième classe au 33ième régiment d’Infanterie à Arras, il est nommé caporal le 10 avril 1906, puis sergent le 18 septembre, avant d’être envoyé en disponibilité avec un certificat de bonne conduite et de passer dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1908. Il obtient son certificat d’aptitude à l’emploi de chef de section en 1909 et est promu sous-lieutenant de réserve au 33ième RI par décret et décision ministérielle paru au Journal officiel du 12 décembre 1910.

Rappelé à l’activité le premier jour de la mobilisation, il rejoint le 33ième RI d’Arras le 2 août 1914. Parti en campagne avec le 6ième bataillon, il est promu lieutenant à titre définitif par décret présidentiel du 22 janvier 1915.

Blessé deux fois dans des circonstances où il montre une vaillance admirable, cité deux fois à l’ordre du jour, il vient d’être élevé au grade de capitaine, par décret en date du 5 juillet 1916 (feuillet matricule n° 465, classe 1904).

Les années arrageoises de Paul Deron ont été particulièrement fécondes entre 1908 et 1914 : secrétaire du député-maire de Fresnoy-en-Gohelle Henri Tailliandier à l’Action libérale, puis président de la Jeunesse catholique et directeur du secrétariat social d’Arras, il devient rédacteur en chef du Courrier du Pas-de-Calais au début de 1914, suite à la démission de Georges Lenoir.
Il appartient à la génération qui a milité dans l’Association catholique de la jeunesse française et les secrétariats sociaux sous Mgr Williez : avec lui, c’est une classe d’âge tournée vers l’avenir plus que vers le passé qui prend les rênes du journal. Ce dernier cesse de paraître durant la guerre jusqu’en mars 1920.

Chrétien convaincu, Paul Deron s’est donné sans compter à la défense de sa foi et de la patrie, tout comme son épouse Marie-Antoinette Lequette, qui dirige une ambulance de la Croix-Rouge et a courageusement poursuivi ses fonctions charitables après l’arrivée des Allemands à Bapaume.

Le 20 juillet 1916, la 24ième compagnie du 233ième RI s’engage dans la corne sud-ouest du Bois Étoilé à Herleville, près de Vermandovillers (Somme). À la tête de ses hommes, Paul Deron s’élance dans une tranchée ennemie et engage un duel avec un Allemand. À l’arrière, un brigadier aperçoit l’ennemi et jette une grenade, sans se douter que celle-ci allait mortellement blesser son capitaine.

Le journal de marche du 233ième RI relate ses derniers instants :

La  24ième compagnie nettoie la 2ième ligne et expédie vers l’arrière 75 prisonniers. Pendant cette opération, le brave capitaine Deron qui stimulait ses hommes est mortellement atteint par une grenade. En tombant il dit à ses soldats : "Prévenez le lieutenant Bayart que je suis touché ! Adieu, je meurs pour la France"

Le capitaine Paul Deron, rédacteur en chef du "Courrier", vice-président de l'A.J.C. : mort au champ d'honneur  

Une information nous parvient, à laquelle nous voudrions ne pas croire : Paul Deron aurait été frappé à mort dans un de ces derniers combats de la Somme et aurait rapidement succombé. La perte est grande, et cruelle.

L’homme d’œuvres, le conférencier, le rédacteur en chef du "Courrier du Pas de C.", dont les débuts affirmaient la maîtrise, le catholique dont le zèle était nourri par une piété de religieux, l’ami si dévoué, si simple, si chaudement sympathique, avait fait un admirable soldat. Mobilisé avec le galon de sous-lieutenant de réserve, il arrivait ces jours derniers au grade de capitaine, il se voyait promettre pour bientôt la croix de la Légion d’honneur. Ses deux citations, ses deux blessures, sa bravoure d’entraîneur d’hommes comme son joyeux courage à supporter les souffrances de la guerre de siège, lui avaient acquis, sur la compagnie qu’il commandait depuis de longs mois, la plus complète influence.

Il obtenait tout de ses soldats, à force d’en être admiré et aimé. C’était le jeune chef, dans la plus noble et la plus séduisante acception du mot. Sa vie et sa mort sont un témoignage en l’honneur de la Religion. On se sent le cœur brisé par cette fin soudaine.

Tant d’espérances s’évanouissent sous un pareil coup ! Recourons à la pensée surnaturelle, à ce rayon supérieur qui illumine le départ de nos martyrs, des victimes de choix vers un monde d’où ils protégeront le pays et les foyers où ils sont tant pleurés !

Nous offrons nos profondes et pieuses condoléances à sa mère, à son frère, le lieutenant, à son beau-frère M. l’abbé Lequette. Que Dieu soutienne sa jeune femme restée à Bapaume quand lui parviendra la déchirante nouvelle.

À ces lignes déjà parues dans notre édition hebdomadaire, ajoutons la lettre suivante, envoyée du front par M. le Baron C. de S. :

Voici encore un deuil bien douloureux qui nous atteint : notre cher confrère et ami Paul Deron se repose en Dieu de sa vie militante.
L’une de mes joies dans cette division de réserve du Nord, était de le rencontrer souvent ; je constatais avec bonheur l’autorité toujours plus grande qu’il prenait sur ses hommes, puis sur ses officiers lorsqu’il prit le commandement de la compagnie où il avait débuté en sous-ordre. Tous étaient désolés de le perdre lorsqu’il fut évacué après avoir été blessé à la tête devant Verdun ; et lorsqu’à son retour on lui rendit son ancien poste, c’est avec enthousiasme qu’ils l’accueillirent. Et voici que, providentiellement protégé à Tahure et à Verdun contre les balles allemandes (son revolver avait été faussé dans sa main lui servant de bouclier), il est tombé frappé malheureusement par une grenade française dans une tranchée ennemie où il avait précédé ses hommes.
Où il puisait la force morale qui s’imposait à son entourage, vous le savez comme moi, il travaillait généreusement à sa perfection spirituelle. Dès le commencement de la campagne il avait réalisé le désir qu’il avait formé à Arras de se faire recevoir au Tiers-Ordre de Saint-François

La Croix, dimanche 30 juillet 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.