Le document reproduit ci-dessous est conservé dans le fonds des chartreux du Val-Saint-Esprit de Gosnay, sous la cote 29 H 7 (dossier 24). Il s’agit d’une quittance de droits seigneuriaux accordée aux chartreux de Gosnay par le seigneur d’Hesdigneul, rédigée sur papier et datée du 12 décembre 1503.
L’expression "droits seigneuriaux", en Artois, désigne les droits de mutation perçus sur un bien foncier au profit du seigneur à l’occasion d’un changement de propriétaire. Ce droit est appelé "relief" quand il est perçu sur l’héritier, suite au décès du propriétaire. Dans le cas des biens appartenant à une personne morale (qui ne meurt jamais), comme c’est le cas ici, le relief est dû au décès d’une personne physique choisie par le propriétaire : c’est ce que désigne l’expression homme vivant et mourant
.
Le relief, qui s’élève ici à 48 sous, concerne une terre située à Gosnay, près du monastère, mais tenue de la seigneurie d’Hesdigneul, consistant en deux manoirs
(c’est-à-dire deux enclos), que l’on a transformés en terre ahannable
(c’est-à-dire labourable), et contenant au total dix quartiers, soit deux mesures et demie (environ 1 hectare).
On sait par ailleurs, grâce à un "rapport et dénombrement" conservé dans le même dossier, daté de 1628, que cette terre, acquise par les chartreux en 1397, devait payer au seigneur une redevance annuelle de 6 sous 2 deniers parisis au jour de Saint-Rémy et dix chapons le jour de Noël, ainsi que le relief, fixé au dixième denier
, ce qui représente un dixième de la valeur du bien.
Cette quittance, soigneusement calligraphiée, a été manifestement écrite par un professionnel (probablement le greffier de la seigneurie), alors que la signature, tracée d’une main un peu plus maladroite, l’a été par le seigneur lui-même, comme l’atteste d’ailleurs la mention mon saing manuel
.
La présence d’une signature manuscrite au bas d’un acte, en lieu et place du sceau, est déjà tout à fait courante en ce début du XVIe siècle ; c’est une habitude qui s’est répandue dans la seconde moitié du XVe siècle et dont on pourrait citer de nombreux exemples.
Quittance de droits seigneuriaux accordée aux chartreux de Gosnay par le seigneur d’Hesdigneul, datée du 12 décembre 1503
Je, Jacques Desplancques dit Morlet, seigneur de Hesdignoeul, confesse et congnois
avoir eu et receu des prieur, couvent et monastère du Val Saint Esperit leez
Gosnay la somme de quarante huyt solz monnoie courante en Artois
pour le droit de relief à moy deu à cause de madite seignourie pour deux
manoirs ad présent estans et mis à usage de terre ahannable scitués derière la
cuisine desdits religieux , contenans ensamble dix quartiers d’héritage ou environ
et dont iceulx religieux de Gosnay me ont bailliet et dénommé homme
vivant et mourant de Hacquin de Hulleu, filz de Jehan de Hulleu, demourant
audit Hesdignoeul, duquel relief je me tieng pour content et bien paiiet.
Tesmoing mon saing manuel cy mis le XIIe jour de décembre anno mil
cincq cens et trois.[signé] J. Desplancques
Archives départementales du Pas-de-Calais, 29 H 7.