Archives - Pas-de-Calais le Département
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Les spahis, héros indigènes des batailles d’Artois

L’épopée "spahi" ou la succession de valeureux faits d’armes

Le 29 juillet 1917, les généraux Leconte, commandant le 33ième corps d’armée, et Guillemot, commandant la 77ième division d’infanterie, reconnaissent, par ordres respectifs n° 1072/1 et 534, la valeur et le bel esprit du 4ième régiment de spahis et regrettent son départ "vers de nouveaux et lointains théâtres d’opérations". 

De l'Empire ottoman au Pas-de-Calais

Carte postale noir et blanc montrant des cavaliers traversant une rue pavée.

Guerre 1914. Compagnie de spahis traversant Arras. Archives départementales du Pas-de-Calais, 38 Fi 2263.

Comme le suggère sa sonorité exotique, le mot spahi tient son origine du perse سپاهی sipâhi, qui signifie soldat de cavalerie. À la différence des mamelouks, des troupes régulières, et pour renforcer celles-ci, les "sibahis" voient le jour dans l’Empire ottoman au début du XIXe siècle. Ils sont alors des escadrons de cavaliers autochtones. S’en inspirant, l’Algérie donne naissance au modèle spahi que nous connaissons. Ceux-ci sont des unités de l’armée d’Afrique à recrutement indigène (algérien, avec encadrement français).

En 1886, à Sfax en Tunisie, est formé le 4ième régiment de spahis. Souvent nommés spahis tunisiens de par leur origine géographique, le 4ième régiment est en fait composé de troupes algériennes.

C’est aussi à Sfax qu’il embarque pour Marseille, le 1er septembre 1914, sous le commandement du colonel Couverchel. Il compte 31 officiers, 666 sous-officiers et spahis, 671 chevaux, 43 mulets (hybrides âne-jument) ainsi que 42 arabas (voiture couverte originellement tirée par des bœufs, utilisée en Turquie et dans l'Empire ottoman).

La reprise du château de Vermelles

Après une traversée du nord au sud faite de cantonnements et de batailles, le 4ième régiment de spahis se fixe le 12 novembre à Izel-lès-Hameau. Le 30, après trois attaques perdues en un mois et demi pour la reprise du château de Vermelles, il est décidé de confier aux spahis la prochaine offensive. Le commandement demande au colonel Couverchel l’envoi de quatre groupes de vingt soldats. Le 30 au soir, les spahis rejoignent à Mazingarbe un régiment d’infanterie territoriale : les instructeurs leur donnent des fusils ainsi que des baïonnettes, et leur en apprennent le maniement. Après une heure de formation et deux autres à attendre le signal, les spahis attaquent à 11 h le 1er décembre. Le début des hostilités est marqué par le lancement d’une mine, censée éventrer le mur d’enceinte. Les spahis s’élancent, franchissent tous les obstacles et finissent par reprendre le château. Le général Henri de Cadoudal de la 13ième division d’infanterie, stationné à Mazingarbe, n’en finit pas de louer leur bravoure.

Tableau couleur montrant des soldats en train de se battre devant un château.

Prise du château de Vermelles par les Français. Aquarelle de Galien Laloue. Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 Fi 682.

Après quelques jours de repos, les spahis s’installent à Bully-Grenay de décembre 1914 à avril 1915, avec pour objectif d’assurer le service des tranchées. L’hiver gris et pluvieux de 1915 entraîne beaucoup de pieds gelés pour ces hommes venus de contrées plus chaudes. Quelques jours seulement après la reprise du château de Vermelles, le 17 décembre, un groupe d’éclaireurs spahis détaché au 21ième bataillon de chasseurs à pied attaque, avec succès, les tranchées allemandes dans un bois près d’Aix-Noulette.

L'attaque des "ouvrages blancs" d'Angres

En mai 1915, une nouvelle attaque est décidée contre les "ouvrages blancs" d’Angres. Ceux-ci sont un ensemble de tranchées et de galeries creusées dans la craie, formant un labyrinthe et plusieurs bastions ; tenus par les Allemands, ils constituent une structure très organisée. Les spahis s’élancent à pied, massacrent tout ce qui se trouve sur leur passage et arrivent rapidement à la deuxième ligne de front. Les obus et grenades allemandes les font toutefois reculer et se maintenir sur la première ligne. Les spahis voient leurs effectifs réduits de moitié, mais les Allemands ayant repris la majeure partie des "ouvrages blancs", il sera impossible de connaître le nombre exact des pertes. Cet assaut leur vaut une élogieuse citation à l’ordre de la 10ième armée.

D'infatigables soldats

Carte postale noir et blanc montrant quatre hommes à cheval tenant un fusil, sur une route de campagne.

La Guerre de 1914. Spahis en patrouille aux environs d'Arras. Archives départementales du Pas-de-Calais, 38 Fi 2282.

À partir du 19 juin 1915, les spahis cantonnent à Pernes. Quelques jours plus tard, le 1er juillet, 200 d’entre eux sont mis à la disposition de la 4ième division d’infanterie, afin de demeurer dans des abris sur la ligne entre Servins et la lisière ouest du bois de Bouvigny. Ils y subissent d’âpres bombardements. Jusqu’au début de 1916, ils brillent par leur audace et leur héroïsme à de multiples reprises, comme le 15 septembre 1915, lorsqu’une patrouille de quatre spahis, équipés de mousquetons, se retrouve face à quinze Allemands dotés de fusil. Une lutte s’engage et le détachement allemand doit fuir, laissant cinq des siens à terre ; trois spahis ont été blessés et le quatrième, tué.

Retour des spahis en Afrique

L’hiver reparaît et le 4ième régiment de spahis continue à tenir les tranchées. Le 1er mars 1916, il quitte le Pas-de-Calais et ne cesse ensuite de voyager jusqu’à l’été 1917, où il regagne sa terre natale du Maghreb.

L’étendard du 4ième régiment de spahis porte, cousues en lettres d’or dans ses plis, l’inscription : "ARTOIS 1914-1915". Ces vaillants soldats se sont inscrits, à l’instar des Britanniques ou des Canadiens, dans l’histoire du Pas-de-Calais.