Archives - Pas-de-Calais le Département
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Application de la loi sur les huit heures de travail quotidiennes dans les mines

Effective depuis 1905 pour les seuls ouvriers intéressés à l'abattage du charbon, la réduction des journées à huit heures de travail pour tous les mineurs (boiseurs, chargeurs, rouleurs, palefreniers, cantonniers, poseurs de voies, etc.) est le fruit d'une longue lutte syndicale et politique.

Photographie noir et blanc montrant une foule d'hommes encadrée par la police. Certains brandissent des drapeaux.

Foule de grévistes et policiers rassemblés devant un immeuble à Lens, [1913]. Photographie retouchée. 125 x 180. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3585.

Due à la mobilisation de députés socialistes (Guesde, Millerand, Vaillant) ayant déposé plusieurs projets de loi (1892, 1896, 1900, 1910, 1912) et aux grèves et manifestations portées par la Confédération générale du travail, parfois durement réprimées (24 février 1889, 1er mai 1890, 1er mai 1906), le vote de la loi des huit heures sans limitation de salaire est obtenue le 31 décembre 1913 pour tous les mineurs.

De l'inquiétude

Dès la dernière semaine de juin, députés et délégués mineurs manifestent cependant leur inquiétude quant à l'application de la loi, prévue six mois après sa promulgation, soit le 1er juillet 1914.

Les compagnies minières ont en effet commencé à diffuser des consignes excluant du temps de travail la pause collective pour le casse-croûte et le temps de descente et de remontée, ce qui, pour les ouvriers, signifie un maintien de la durée de travail à dix ou onze heures, comme précédemment.

En outre, la loi accorde à l'exploitant de prolonger la journée de travail en cas de danger imminent , […], pour des nécessités exceptionnelles […], en cas de crise exceptionnelle due à la pénurie de combustible ou lorsqu'il s'agit de l'intérêt de la défense nationale (art. 12).

Texte manuscrit sur lequel on lit : Arras, le 4 juillet 1914. Le chef d'escadron Poitel commandant la Compagnie du Pas-de-Calais à Monsieur le Préfet du Pas-de-Calais à Arras. Le commandant de la Section de Lens m'écrit ce qui suit : « Les esprits sont de plus en plus tendus dans la concession de Liévin, principalement à la fosse n° 3 qui est considérée comme la plus dangereuse. Une réunion a été tenue hier à la maison du peuple. M. Bidart, délégué suppléant du n° 3 a invité les ouvriers à attendre les décisions du congrès de Denain : il a été peu écouté. Beaucoup de mineurs croient à un mouvement pour mardi matin, après la communication du compte rendu de Denain. Dans la nuit du 2 au 3, on a glissé sous les portes des logements des mineurs du n° 3 de Lens, à Liévin, le manifeste ci-joint. On croit aussi à un mouvement possible les 8 et 9 juillet, lendemains de quinzaine. Ce matin, les galibots de la fosse 4, de Lens, se sont groupés à la porte d'entrée de la fosse pour ne descendre qu'à 6 heures au lieu de 5 heures ½. Il a fallu l'intervention de l'ingénieur pour les faire descendre quelques minutes avant 6 heures. Le bruit court qu'un porion aurait giflé un galibot. Ce renseignement n'a pu être contrôlé. » Poitel

Gendarmerie nationale. Rapport au préfet du Pas-de-Calais sur l'état des esprits dans la section de Lens, 4 juillet 1914. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 2291.

Tandis qu'Émile Basly demande au ministre du travail de ne pas accorder son visa aux consignes des compagnies et exhorte les travailleurs à patienter jusqu'au congrès de la Fédération des mineurs de houille prévue à Denain le 5 juillet 1914 ("Le congrès de la Fédération des mineurs de houille", article du 6 juillet 1914 dans L'Humanité), les réunions publiques se multiplient et laissent à penser que la grève est inévitable.

Déclarant que toutes les lois bourgeoises sont mauvaises, et [qu’]il nous appartiendra d'appliquer celle qui nous intéresse dans le sens que nous lui donnons , des ouvriers des fosses des régions de Courrières et d'Hénin-Liétard, proches des milieux syndicalistes révolutionnaires, décident de se présenter en masse à l'extrême limite fixée pour les descentes.

À la contestation

Benoît Broutchoux, pour sa part, dénonce la loi des huit heures comme une "fumisterie" :

En s'en référant à ces dispositions, on pourra tous les jours vous faire faire des heures supplémentaires car le danger est permanent au fond des puits et il en est de même de la disette de charbon, car nous extrayons 38 millions de tonnes et nous en consommons 68 millions.

Il invite les ouvriers à ne pas se contenter du système parlementaire, mais à agir par l'action directe, et à ne surtout pas séparer cette revendication sur l'application de la loi des huit heures de celles sur le salaire minimum et la retraite des mineurs.

À la suite de l'intervention d'Antoine Durafour et Émile Basly, sur la situation dans les bassins miniers de Loire et du Nord-Pas-de-Calais, la Chambre des députés vote à l'unanimité sa confiance dans le ministre du travail pour faire appliquer le texte dans son esprit et dans sa lettre et de faire en sorte que les chronométrages soient faits en présence des représentants des deux parties.

Les débats sont interrompus par la Grande Guerre puisqu'il faut désormais, au contraire, compenser le déficit de main-d'œuvre par la mobilisation de la force de travail disponible.

Sources

Bibliographie

  • I. LERAY, "La réduction du temps de travail pour tous : la loi du 23 avril 1919 sur les huit heures", Deux siècles de droit du travail, sous la direction de Jean-Pierre Le Crom, Paris, Éd. de l'Atelier, 1998, p. 117-127 
  • Maitron.org, site d’histoire sociale, Chronologie indicative de l’histoire du mouvement ouvrier français, 1871-1913 et 1914-1939, en ligne