Archives - Pas-de-Calais le Département
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À Liévin

Le 28 août 1914, le maire François Plouvier abandonne ses fonctions en prenant la fuite avec ses fils devant l’arrivée des troupes allemandes. Le premier adjoint, François Selame, et les conseillers municipaux supplient alors le député Arthur Lamendin, dont la liste avait échoué aux élections de 1912, de rester auprès d’eux pour s’occuper de la gestion communale et défendre la population auprès de l’occupant.

Arthur Lamendin (1852-1920) est une grande figure du syndicalisme minier du département. Mineur à douze ans, il devient en 1889 secrétaire général de l’Association syndicale des mineurs du Pas-de-Calais. En 1892, il est élu député, siège qu’il occupe jusqu’en 1919. Il gagne les élections municipales de Liévin en 1905 mais, lors du renouvellement de 1912, se fait battre par Pierre Leroy, qui démissionne de ses fonctions l’année suivante. Toujours attaché à sa terre natale, il fait néanmoins de fréquents allers-retours entre Paris et Liévin.

Le 4 octobre 1914, les Allemands envahissent la ville et mettent en place un régime de terreur. L’occupant, qui a installé sa Kommandantur à la brasserie Leroy, exige très vite des indemnités de guerre.

Arthur Lamendin s’implique alors dans l’administration de sa ville, endosse le rôle de médiateur pour négocier avec l’ennemi et contribue par son action personnelle à faire régler les lourds tributs réclamés ce dernier.

Au printemps 1915, la ville est ravitaillée grâce à la Commission for Relief in Belgium. Lamendin participe activement à cette opération, en assurant entre autres le transport des vivres de Carvin à Douai et Liévin. Épuisé, il est rapatrié à Paris en décembre 1916, via la Suisse, sur les instances de la Croix-Rouge internationale.

Début 1917, les Liévinois sont évacués face à la violence des bombardements alliés. Les 14 et 15 avril, les Britanniques entrent finalement dans la ville, ruinée par ces années d’occupation. 

À Liévin 

Le député de Liévin, M. Lamendin, est de retour parmi nous, malade et vieilli.

̶  Liévin, dit Mme Hayez, sa nièce, est soumis depuis deux ans à un bombardement ininterrompu. Toutes les maisons sont en ruines. La mairie, l’église, le château ne sont plus qu’un amas de décombres. Bien que la ville depuis la prise de Souchez, se trouve sur la ligne de feu, près de la moitié de la population, qu’on peut évaluer à 12 000 habitants, s’est refusée à s’éloigner. On vit terré dans les caves, qu’on s’est ingénié à fortifier pour les mettre à l’abri des obus, en recouvrant le rez-de-chaussée de deux mètres de terre et en les boisant à l’instar des mines. Beaucoup ont même creusé des souterrains.

En dépit des précautions, les victimes sont nombreuses. En mai dernier on comptait déjà dans la population civile 400 tués et 600 blessés.

Le spectacle le plus douloureux est celui qu’offrent les fillettes et les garçons amputés d’une jambe ou d’un bras.

Une ambulance française a été organisée. C’est là que les blessés reçoivent les soins dévoués des docteurs Picte et Lequête et d’une femme de grand cœur, Mme Liétard.

La solidarité des habitants est admirable. M. Lamendin, qui à un moment avait été emprisonné comme otage, fut relâché avec mission de recueillir les fonds nécessaires au payement de la somme de 500 000 francs d’indemnité de guerre imposée à la ville. Le député, après avoir donné une conférence, organisa une collecte. De pauvres femmes de mineurs, réduites au dénuement, ne cessaient, dit Mme Hayez, de m’apporter leur modeste obole. L’une me donnait quatre sous, l’autre six sous. Nous réunîmes ainsi cent mille francs, dont les Allemands se contentèrent.       

La disette chez nos ennemis est réelle. Nombre de soldats tentent d’obtenir la rétrocession des vivres que le comité assure aux habitants, pour les envoyer à leur famille.

La Croix, dimanche 24 décembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.