Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Le maire d’Arras s’adresse au maréchal Haig

Le 13 mai 1917, Louis-Émile Rohard-Courtin, maire d’Arras de 1912 à 1919, publie dans le journal Le Lion d’Arras une lettre dans laquelle il invite le maréchal Douglas Haig à laisser à la ville quelques vestiges de guerre allemands, comme témoins non seulement des destructions mais aussi de la victoire alliée. La réponse du maréchal ne tarde pas à se faire connaître : à peine une semaine plus tard, dans un courrier du 20 mai, Haig accepte volontiers d’offrir, au nom de son armée, quelques canons à la ville.

Figurant au rang des villes-martyres, celle-ci a été en proie aux bombardements de l’artillerie allemande d’octobre 1914 à l’offensive d’avril 1917, avec la reprise des communes d’Athies et de Tilloy-les-Mofflaines le 10 puis de Monchy-le-Preux le 11. Le symbole était ainsi évident : le maréchal Haig cède à la ville d’Arras l’un des canons allemands à l’origine des tirs sur le beffroi. Ce canon se trouverait aujourd’hui au pied de l’Arc de triomphe de Paris.

Une lettre du maire d’Arras

Arras, le 13 mai 1917,

Le 9 avril, après trente mois de luttes à ses portes, Arras a vu l’armée britannique broyer les lignes formidables creusées par l’ennemi jusque dans notre sol.

Permettez, Monsieur le Maréchal, au maire de la pauvre ville-martyre, de vous dire et, par vous, à la grande nation britannique et à sa splendide armée, la joie profonde et la gratitude des enfants d’Arras.

Cette gratitude sera éternelle comme l’œuvre de paix que fonde en ce moment le succès de nos armes ; et point n’est besoin d’objets matériels pour en aviver le souvenir.

Mais, nous le savons, parmi les nombreuses batteries capturées le 9, celles du groupe OLGA – nord d’Athies - est de Tilloy – et une batterie lourde de Monchy-le-Preux avaient pour mission spéciale de bombarder la ville et ses faubourgs ; certains canons encore utilisables ont été emmenés vers l’arrière ; les autres demeurent sur le champ de bataille.

Daigneriez-vous, Monsieur le Maréchal, en souvenir de nos souffrances et de votre victoire, laisser à la ville d’Arras quelques-unes de ces pièces qui ont fait son martyre et sa grandeur ?

Mutilées par la mitraille anglaise, capturées par votre infanterie au soir du jour le plus glorieux de la campagne, elles resteraient chez nous, symboles de la force barbare brisée le 9 avril 1917 par la vaillance britannique.

Et demain, après le triomphe définitif, quand les fils d’Angleterre viendront pieusement visiter nos ruines, comment pourraient-ils se sentir étrangers dans cette ville défendue et sauvée par eux, devant ces canons conquis par eux, au prix d’un sang que nous vénérons à l’égal du sang français ?

Veuillez agréer, etc.

Ch. ROHARD,
Maire d’Arras.

Nous n’avons pas besoin de dire que nous applaudissons chaleureusement à l’initiative de M. Rohard et que nous souscrivons sans réserves aux idées exprimées dans sa lettre. Dès le 10 avril, nous avions posé la question ; mais, avec M. le Maire, d’ailleurs, nous ne pensons pas, comme les signataires de la pétition des réfugiés d’Amiens, que les canons allemands doivent être fondus pour servir à édifier le futur monument du Souvenir ; les modernes pièces d’acier ne se prêtent pas à cet usage comme les anciens canons de bronze ; au reste, ces canons ne constituent-ils pas eux-mêmes des monuments tragiques qui méritent d’être conservés ?

Le Lion d’Arras, mardi 15 mai 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.

Réponse du maréchal Haig au maire d’Arras

Armées britanniques en France, 20 mai 1917,

Monsieur le Maire,

Au nom des officiers, sous-officiers et soldats des armées sous mon commandement, je vous remercie de votre bonne et généreuse lettre.

Ses accents chaleureux et sincères, qui m’ont profondément touché, seront entendus avec reconnaissance par tous mes concitoyens et particulièrement par mes armées de France ; elles y trouveront une pleine récompense et une ample appréciation des sacrifices qu’elles ont eu le privilège d’accomplir sur le champ de bataille d’Arras pour la cause de la liberté et de la civilisation.

Je puis vous assurer que tous, officiers et soldats, sont fiers d’avoir été l’instrument qui a chassé l’ennemi des portes de votre noble cité.

Aussi est-ce avec le plus grand plaisir que j’accède à votre demande de remettre à la ville d’Arras quelques-uns de ces canons par lesquels l’envahisseur barbare cherchant à causer sa ruine, n’est parvenu qu’à l’illustrer.

Parmi tant de traces de son martyre, ils témoigneront à jamais du courage patient de ses habitants et du double triomphe de notre cause commune et de la France.

Croyez-moi, Monsieur le Maire,
Votre bien dévoué,

D. Haig.

La population d’Arras lira avec une vive gratitude la lettre du maréchal ; c’est un devoir pour le Lion d’Arras de se faire l’interprète de ses sentiments. Le sang français et le sang anglais en se mêlant sur notre sol d’Artois, y ont fait germer dans la plus atroce des guerres, une fraternité d’armes, de pensée, d’amour que la paix ne pourra qu’enraciner plus profondément.

Londres, 20 mai. – Le "Lion d’Arras" publie une lettre de remerciements des habitants d’Arras à l’armée britannique. Le maréchal sir Douglas Haig, à qui cette lettre fut adressée, en a fait donner lecture à ses troupes (Reuter).

Le Lion d’Arras, vendredi 25 mai 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.

Remise Solennelle des Canons Allemands à la ville d'Arras 

Nos lecteurs n’ont pas oublié la magnifique lettre par laquelle le Maréchal Sir Douglas Haig a bien voulu promettre à M. le Maire quelques-uns des canons qui bombardaient Arras.
La remise solennelle en a eu lieu, [censure] sous un ciel magnifique où ronflaient les avions, le dimanche 22 juillet, à 11 heures du matin.

Depuis des heures, des obus allemands tombaient sur Arras, où ils avaient fait une victime ; mais ces circonstances ne pouvaient qu’ajouter à la gravité de la belle fête qui commençait.

[censure] on devine les monstres d’acier recouverts de bâches comme un monument qu’on va inaugurer.

À droite, M. le Maire, entouré des conseillers municipaux, des membres de la Chambre de Commerce, de la Commission des Hospices et de diverses personnalités d’Arras ; le colonel commandant d’Armes, [censure], des officiers français et alliés.
Devant eux, le général commandant la ...ième division anglaise arrive, suivi de son état-major et la cérémonie commence.
Dissimulés dans un bâtiment voisin, de peur que les accents guerriers n’attirent l’aile sinistre des avions allemands qui tout-à-l’heure rôdaient au-dessus de la ville, la fanfare attaque une marche militaire.

Le général s’approche du Commandant d’Armes qui le conduit vers le Maire, et tous trois défilent devant le front des troupes.
Puis le général prend la parole et d’une voix forte il annonce qu’au nom de son gouvernement et du maréchal Haig, il remet à la Ville d’Arras quelques pièces conquises par les troupes britanniques lors de la dernière victoire. Il explique que certaines de ces pièces, situées dans la Batterie Valley, près de la chapelle de Fruchy, ont résisté jusqu’à l’arrivée des troupes britanniques qui les ont enlevées d’assaut.
Ces canons resserreront les liens qui unissent la ville d’Arras au peuple britannique en même temps qu’ils seront pour nos enfants un souvenir des souffrances et du courage de leurs pères.

Quand les applaudissements se sont tus, M. le Maire prend la parole en ces termes :

Mon Général,
Messieurs,

Au nom du Conseil Municipal de la ville d’Arras, au nom de tous ses habitants, j’ai l’honneur d’adresser à M. le Généralissime des Armées Britanniques, sir Douglas Haig, en même temps que nos respectueux hommages, l’expression de notre plus profonde gratitude pour l’insigne faveur qu’il a bien faire à notre pauvre ville martyre en lui confiant la garde des engins de destruction que nous avons sous les yeux et qui y ont semé [censure] les ruines et la mort.
Nous lui donnons l’assurance que ces trophées de victoire seront religieusement gardés.

Sans doute, ils nous rappelleront de tristes souvenirs, mais ils resteront aussi pour les générations futures comme une sorte de page d’histoire parlante qui leur redira les crimes dont se sont rendus coupables nos barbares ennemis partout où ils ont passé, et qui leur dictera leur devoir.

Nous n’oublierons jamais, Messieurs, que c’est grâce au courage, à la vaillance de nos braves Alliés britanniques que nous devons la délivrance de notre chère Cité.
Si, en vous saluant respectueusement, mon Général, je salue les armées britanniques tout entières, je suis heureux d’adresser tout particulièrement aux officiers et soldats et à l’éminent chef qui commande la ...ième division, nos chaleureux remerciements et nos vives félicitations pour les succès obtenus. Ils ont été, en effet, les glorieux artisans de notre délivrance, et c’est à leur courage que nous devons les trophées de victoire dont la garde nous est confiée.

En attendant, Messieurs, la victoire définitive, désormais certaine, disons :
 Vive la France !
Et vive nos vaillants Alliés Britanniques !

Des applaudissements unanimes soulignèrent ces paroles tandis que la fanfare britannique, très harmonique, un peu traînante, attaquait la Marseillaise.

Les soldats découvrirent alors les pièces : huit canons de tous modèles ; quelques-uns semblent à peine touchés ; un autre est criblé d’éclats ; un autre a la gueule emportée ; devant eux deux mortiers de tranchée dont un d’un calibre d’au moins 250.
Aux principales pièces, nos alliés ont fixé une plaque de cuivre portant en relief les indications du jour et du lieu où elles ont été capturées, avec la désignation de l’unité victorieuse.

Le public a été unanime à admirer l’état dans lequel ces pièces ont été présentées et la générosité de nos alliés qui ne savent pas être aimables à demi.
C’est un cadeau splendide que la Grande-Bretagne vient de faire à notre ville ; la population d’Arras lui en est, lui en sera profondément reconnaissante.

Et la cérémonie prit fin, après l’hymne, mi-national du God save the King.

G. A.

Le Lion d’Arras, samedi 21 juillet 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.