Remise Solennelle des Canons Allemands à la ville d'Arras
Nos lecteurs n’ont pas oublié la magnifique lettre par laquelle le Maréchal Sir Douglas Haig a bien voulu promettre à M. le Maire quelques-uns des canons qui bombardaient Arras.
La remise solennelle en a eu lieu, [censure] sous un ciel magnifique où ronflaient les avions, le dimanche 22 juillet, à 11 heures du matin.
Depuis des heures, des obus allemands tombaient sur Arras, où ils avaient fait une victime ; mais ces circonstances ne pouvaient qu’ajouter à la gravité de la belle fête qui commençait.
[censure] on devine les monstres d’acier recouverts de bâches comme un monument qu’on va inaugurer.
À droite, M. le Maire, entouré des conseillers municipaux, des membres de la Chambre de Commerce, de la Commission des Hospices et de diverses personnalités d’Arras ; le colonel commandant d’Armes, [censure], des officiers français et alliés.
Devant eux, le général commandant la ...ième division anglaise arrive, suivi de son état-major et la cérémonie commence.
Dissimulés dans un bâtiment voisin, de peur que les accents guerriers n’attirent l’aile sinistre des avions allemands qui tout-à-l’heure rôdaient au-dessus de la ville, la fanfare attaque une marche militaire.
Le général s’approche du Commandant d’Armes qui le conduit vers le Maire, et tous trois défilent devant le front des troupes.
Puis le général prend la parole et d’une voix forte il annonce qu’au nom de son gouvernement et du maréchal Haig, il remet à la Ville d’Arras quelques pièces conquises par les troupes britanniques lors de la dernière victoire. Il explique que certaines de ces pièces, situées dans la Batterie Valley, près de la chapelle de Fruchy, ont résisté jusqu’à l’arrivée des troupes britanniques qui les ont enlevées d’assaut.
Ces canons resserreront les liens qui unissent la ville d’Arras au peuple britannique en même temps qu’ils seront pour nos enfants un souvenir des souffrances et du courage de leurs pères.
Quand les applaudissements se sont tus, M. le Maire prend la parole en ces termes :
Mon Général,
Messieurs,
Au nom du Conseil Municipal de la ville d’Arras, au nom de tous ses habitants, j’ai l’honneur d’adresser à M. le Généralissime des Armées Britanniques, sir Douglas Haig, en même temps que nos respectueux hommages, l’expression de notre plus profonde gratitude pour l’insigne faveur qu’il a bien faire à notre pauvre ville martyre en lui confiant la garde des engins de destruction que nous avons sous les yeux et qui y ont semé [censure] les ruines et la mort.
Nous lui donnons l’assurance que ces trophées de victoire seront religieusement gardés.
Sans doute, ils nous rappelleront de tristes souvenirs, mais ils resteront aussi pour les générations futures comme une sorte de page d’histoire parlante qui leur redira les crimes dont se sont rendus coupables nos barbares ennemis partout où ils ont passé, et qui leur dictera leur devoir.
Nous n’oublierons jamais, Messieurs, que c’est grâce au courage, à la vaillance de nos braves Alliés britanniques que nous devons la délivrance de notre chère Cité.
Si, en vous saluant respectueusement, mon Général, je salue les armées britanniques tout entières, je suis heureux d’adresser tout particulièrement aux officiers et soldats et à l’éminent chef qui commande la ...ième division, nos chaleureux remerciements et nos vives félicitations pour les succès obtenus. Ils ont été, en effet, les glorieux artisans de notre délivrance, et c’est à leur courage que nous devons les trophées de victoire dont la garde nous est confiée.
En attendant, Messieurs, la victoire définitive, désormais certaine, disons :
Vive la France !
Et vive nos vaillants Alliés Britanniques !
Des applaudissements unanimes soulignèrent ces paroles tandis que la fanfare britannique, très harmonique, un peu traînante, attaquait la Marseillaise.
Les soldats découvrirent alors les pièces : huit canons de tous modèles ; quelques-uns semblent à peine touchés ; un autre est criblé d’éclats ; un autre a la gueule emportée ; devant eux deux mortiers de tranchée dont un d’un calibre d’au moins 250.
Aux principales pièces, nos alliés ont fixé une plaque de cuivre portant en relief les indications du jour et du lieu où elles ont été capturées, avec la désignation de l’unité victorieuse.
Le public a été unanime à admirer l’état dans lequel ces pièces ont été présentées et la générosité de nos alliés qui ne savent pas être aimables à demi.
C’est un cadeau splendide que la Grande-Bretagne vient de faire à notre ville ; la population d’Arras lui en est, lui en sera profondément reconnaissante.
Et la cérémonie prit fin, après l’hymne, mi-national du God save the King.
G. A.