Il y a 110 ans, le 9 décembre 1905, sous l’impulsion du député socialiste Aristide Briand, est promulguée la loi de séparation des Églises et de l’État, mettant fin au régime du Concordat en vigueur depuis 1801. La notion de "culte reconnu" disparaît dès lors, et les Églises deviennent des associations de droit privé. En pratique, l’État n’intervient plus dans la nomination des ministres du culte et ne les salarie plus ; les établissements publics du culte sont remplacés par des associations cultuelles, appelées à recueillir les biens immobiliers et mobiliers nécessaires au culte.
Le pape Pie X (Giuseppe Melchiore Sarto) méconnaît le caractère de conciliation de cette loi et dénonce immédiatement la rupture unilatérale du Concordat. Il est vrai que l’anticléricalisme du gouvernement Combes (1902-1905) a conduit à rompre les relations diplomatiques depuis mai 1904 et à faire de la Papauté l’épouvantail des anticléricaux.
La chanson est, pour ces derniers, une forme d’expression et une arme particulièrement efficace par sa diffusion populaire. Deux habitants de Nœux-les-Mines se saisissent ainsi de ce sujet d’actualité qui promet quelques belles recettes, une fois l’autorisation du préfet Jules Duréault obtenue…
Monsieur Duréault.
Mon cher Monsieur, je vous écrit cest quelque mot en vous demandont ci vous ne pourriez pas nous faire un permis pour chanter une chanson sur la séparation de l’Église et de l’État composer par le citoyen Lampira. La saison d’hiver i atant trop mauvaise pour nous et le travail ne marchant pas et étant chanteur et mon camarade étant violonniste, c’est on vous remerciemt que nous attondons des réponses. Nous espérant qu’el seront bonnes. Je vais vous dicté la chanson sur ce papier ci-dessu. Je vous remait un timbre dont la lettre pour lettre de réponses.
La séparation de l’Eglise et de l’Etat, paroles du citoyen Lampira
Premier couplet
On vien d’appliquer la séparation de la République et d’la calotte,
Ce qu’il on regimber, cest brave jésuite, en criant que l’Etat les vol !
Il croyait poutant qu’on ariverait pas à leur envollait cette bonne galette
Que Marianne donnez toujours sons compter : les v’là dégavé, plaignent les curés.Refrain
Il est trop tard, saint père, maintenant sur nous de vous mettre en colère,
Nous ne grainiant plus vos bulles stupide, vous trucs de jésuites ;
Nous appliqueriont la séparation dans toutes sa largesse, nous ferions
La messe sur l’othel de la République.2e couplet
Le pape Sarto a dit "No de no ! Enn faut j’escommunil la bande rouge
Ou bien suciter une bonne guerre pour leur donner une pettite frousse".
Mais Marianne, bonne fille, fourbit cest canons et "En avant, dit-elle, j’mettrait
Les p’tit frères et tous cest bon noir à grosse bedaine, il parreront les
Coups de mes p’tits pioupious" !(au refrain)
3e couplet
S’qu’il aurait falus à tous cest cafart, [c’est] les oubligé au mariage. De
Cette façon, il n’aurrait pas pus continuer de nou cornart, mais dans
Quelques temp, s’ils veulent boullotté, il feront comme nous, il
Iront travaillé.(refrain)
[4e couplet]
Comme consolation nous leur donnerons une bonne ménagère,
Ainsi il pourront comme nos dignes pères repeupler la France.
Qu’on en fasse des hommes, alors nous verront tous cest rattichons
Reniant leurs croyonce, il serviront la République.(Fin)
Ont attendont vos réponses, recevez nos mellieur salatation.
Voici notre adresse : Eugène Delespaul, chez M. Clodoré, boulanger à Nœux-les-Mines, Pas-de-Calais.
C’est en vous remerciont à l’avance que nous finison votre lettre.
Archives départementales du Pas-de-Calais, 15 V 393.