Syndicat des vins et spiritueux de l’arrondissement de Saint-Pol
Séance du vendredi 3 septembre 1915
Présidence de M. Léopold Catelin
Étaient présents : L. Catelin, président. MM. Desmarest, secrétaire ; Georges Philippe d’Auxi, membre du bureau ; Boutleux, d’Aubigny, Lemaître, Flahaut et Lefranc, Delplace, Monnier, Hidelaine.
Excusés : MM. Cattenet, Goilly-Masson, Louchet et Delpierre, Henri Catelin, les autres au front faisant leur devoir.
Le Président en ouvrant la séance est heureux de constater, que malgré les grandes occupations et les difficultés, nombre de collègues ont répondu à son appel. Il les en remercie.
M. Catelin donne connaissance d’une circulaire du Syndicat national, ayant trait à la réquisition des alcools par l’administration de la guerre. Le Président du S.N. a fait des démarches auprès de M. le Ministre du Commerce. Il espère qu’elles seront couronnées de succès ; dans tous les cas le Président du Syndicat de Saint-Pol s’élève contre cette mesure que ne justifient pas les besoins des poudres, si on s’en rapporte à la consommation depuis un an. Cette mainmise gêne beaucoup le commerce, il est nécessaire qu’on intervienne au plus vite pour faire cesser cette situation très préjudiciable à tous.
Projet du Gouvernement sur l’alcool
- Augmentation du droit porté à 500 fr.
- Surtaxe des apéritifs 100 fr. en plus de la taxe actuelle.
- Suppression du privilège des bouilleurs.
L’augmentation de 500 francs, si est elle est votée, sera un fiasco pour les budgets futurs, nous ne voulons pas discuter.
La surtaxe sur les liqueurs et les apéritifs, sera "un nid" à procès et une grande gêne pour le commerce. Pourquoi ne pas adopter un chiffre unique et le calcul aux degrés ?
Ces mesures prohibitives seront la ruine du commerce des liquides. L’État n’y trouvera pas son compte ̶ si on veut nous supprimer qu’on nous le dise et qu’on nous donne l’indemnité qui nous est due, comme aux absinthiers ̶ pas de demi-mesure.
Si on veut véritablement "réprimer l’alcool" qu’on ait le courage de supprimer toutes ventes d’alcool et qu’il n’y en ait plus ni pour le pauvre ni pour le riche ! pas de milieu l’alcool est un poison… soit ! mais qu’il soit poison pour tout le monde. Car c’est l’ouvrier qui paiera la surtaxe et le gouvernement, lui, prendra par la perception de ce droit exorbitant le plus pur de son salaire. Ce sera alors bien plus la ruine pour la famille. Nous verrons, dit-il, si tout cela passera "comme un obus dans du beurre".
Les déductions
Le Président proteste contre le projet qui supprime toutes les déductions.
Ce serait une nouvelle iniquité contre laquelle nous protestons dès maintenant. Il est impossible de transvaser, mélanger, conserver en magasin des quantités d’alcool sans qu’il y ait contraction, affaiblissement de degré et pertes de toute sortes.
Mais comptons sur le S.N. en cette circonstance. Nous serons là aussi, l’arme au pied.
Les bouilleurs de cru
Ah ! dit le Président, voilà le dada des batailles ! voilà quarante-cinq ans qu’il trotte ! qu’il va au pas ! quatre fois couronné ! Mais toujours debout ! cette fois il est vieux ; après tout c’est la guerre… Il est à terre ! Pas pour longtemps hélas ! Dix ans – le temps voulu pour que les impôts reviennent toucher à nouveau ce fameux bouilleur – Dix ans d’exonération d’impôts ! et pourquoi ? Est-ce que quand je cultive ma betterave, qui est aussi honorable que ton raisin mal venu cette année, dis-tu que je ne paie pas l’impôt de ma terre ?
Espérons que de tout cela sortira moins de tracasseries, moins de vexations de la part de l’administration et une juste équité quant à l’impôt et aux mesures qui seront prises pour l’application de cette loi nouvelle.
La rentrée de l’or
Le Président pense qu’il est du devoir de tous d’appuyer de suite la proposition de notre éminent sénateur M. Ribot, "Le Grand Français", celui qui se dévoue tant. Il fait un vibrant appel patriotique à tous ses collègues.
Le moment est critique, dit-il, nous devons verser cet or que nous avons amassé pendant 40 ans de paix.
Il faut qu’il sorte aujourd’hui pour le bien de tous, il faut qu’il s’échappe et coule à flots des tirelires, des bas de laine, des coffres-forts où il reste encore timide et caché !
Il faut qu’il aille de suite dans les caisses de l’État et donne confiance.
Il faudrait considérer comme criminels et traîtres à la patrie ceux-là même qui conserveraient cet or, si nécessaire et si indispensable à la libération des pays envahis.
Il faut que, si notre âge ne nous permet plus de porter un fusil, nous fassions tous aussi bien notre devoir.
Quand viendra le jour de la libération qui sera celui de la victoire, nos collègues, nos amis des Flandres et du Nord, reconnaissants, nous diront que nous avons bien mérité de la Patrie et tous nous crierons toujours : Vive la Liberté ! Vive la France !