Les archives nous permettant de connaître le fonctionnement de la justice sous l’Ancien Régime dans les territoires qui ont formé le Pas-de-Calais, nous sont malheureusement parvenues de manière lacunaire. En effet, les fonds qui composent la série B (cours et juridiction) ont beaucoup souffert de l’incendie du 5 juillet 1915, qui a fait disparaître 85 % de ces dossiers. Le répertoire numérique réalisé par Pierre Bougard en 1967 donne l’état exact des 32 ml d’archives judiciaires qui nous sont parvenues.
De plus, les documents produits par les tribunaux d’Ancien Régime sont souvent difficiles d’accès pour des raisons paléographique et terminologique.
Sommaire
L’organisation judiciaire de la France et de l’Artois
Jusqu’en 1771, deux organisations différentes coexistent dans les territoires qui forment le Pas-de-Calais. Les régions côtières du Montreuillois, du Boulonnais et du Calaisis dépendaient directement du Parlement de Paris, tandis que l’Artois avait depuis 1530, le privilège d’avoir son propre Conseil provincial.
Pyramide judiciaire en France
Pyramide judiciaire en Artois
Le Conseil provincial d’Artois
Cette cour souveraine a été créée par Charles Quint en 1530, mais elle a pu être intégrée dans le système judiciaire français après la conquête de l’Artois en 1659 et 1678 et y est demeuré presque intacte jusqu’en 1790. Le Conseil d’Artois n’était pas réellement un parlement : en matière civile, elle avait un lien de subordination avec le Grand Conseil de Maline, puis après son rattachement à la France, au Parlement de Paris ; mais elle gardait une réelle souveraineté dans le domaine criminel.
Les épaves du fonds du Conseil d’Artois sont conservées dans la sous-série 1 B. La thèse de doctorat de Philippe Sueur, Le conseil provincial d’Artois (1640-1790). Une cour provinciale à la recherche de sa souveraineté, publiée dans les Mémoires de la Commission départementale des monuments historiques du Pas-de-Calais (cote BHC 2226/1-2) est indispensable pour qui veut comprendre cette institution atypique.
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Organisation du Conseil d'Artois
L’organisation d’un tribunal royal
Le tribunal fonctionne toujours avec un noyau immuable constituant le personnel judiciaire, à toutes les échelles :
- les juges du siège : ce sont les magistrats. Ils jugent l’affaire lors du procès. Ils ont acheté leur office et sont inamovibles ;
- les juges du parquet : ils représentent la loi et le roi et donnent des conclusions pour chaque affaire criminelle ou dans les affaires où le roi est partie. On les appelle avocat du roi et procureur du roi dans les bailliages, mais avocat général et procureur général dans les parlements ;
- le greffe : il est composé de greffiers aux différentes fonctions qui prennent en note les débats et les décisions et rédigent les actes définitifs pour les parties. Ce sont aussi des officiers qui ont acheté cher leur office et sont payés en grande partie par les droits pris sur la rédaction des actes ;
- les auxiliaires : procureurs, avocats, huissiers (dans les parlements) ou sergents (dans les bailliages).
Typologie des documents judiciaires
- Exploit d’assignation : document produit par le huissier, par lequel le défendeur est assigné à comparaître ;
- Affirmation de voyages : liste des témoins dressée par le procureur ;
- Rôle des causes : registre où sont consignés les affaires traitées par le tribunal. Les registres sont, souvent, les documents qui ont survécu à l’incendie de 1915 ;
- Arrêt de défaut : document produit avant le commencement du procès. Il est toujours composé de deux parties : la première rappelle les faits ; la seconde partie donne la décision ;
- Feuille d'audience tenue par le greffier plumitif : document qui aurait dû disparaître, puisqu’il était destiné à être recopié, mais que l’on retrouve parfois ;
- Arrêt interlocutoire : la chambre garde une copie papier (minute), les parties reçoivent un arrêt au milieu de la procédure (qui demande des pièces, par exemple). Pour retirer l’arrêt, il faut payer (pour continuer la procédure). Il se présente sous le format paysage ;
- Arrêt définitif : ce document commence par une formule du type : « Louis par la grâce de Dieu… ». Les décisions du juge sont introduites par le terme « Mandons… ». L’arrêt définitif est au format portrait et fait plusieurs pages.
Les sources complémentaires à la série B
La justice seigneuriale en série J
Selon les sources, entre 1 500 et 2 000 juridictions seigneuriales auraient existé en Artois. Toutefois, très peu de traces de cette justice nous sont parvenues. Les rares documents que nous possédons se trouvent dans la série J, qui regroupe les archives privées entrées par voie extraordinaire.
Par exemple, nous conservons encore un registre de la justice seigneuriale de Journy pour les années 1744 à 1770 (cote 1 J 606).
Une distinction est faite entre basse, moyenne et haute justice :
- Basse justice : également appelée justice foncière, en Artois. Le montant de l’amende n’excède pas 5 sols parisis ;
- Moyenne justice : ou justice vicomtière, en Artois. Le montant des amendes n’excède pas 60 sols. Particularité de l’Artois et de la Flandre, la moyenne justice peut ordonner des peines corporelles (fouet, carcan et même la mort), mais pas de bannissement ;
- Haute justice : gère toutes les affaires civiles et criminelles à l’exception des cas royaux dont le Conseil d’Artois était seul en possession. Elle peut ordonner des peines afflictives et infamantes.
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La justice ecclésiastique en série G
Chaque diocèse est doté d’un tribunal ecclésiastique appelé officialité. Les officialités jugent les affaires de contentieux entre deux congrégations religieuses, ou entre un laïc et une congrégation ou un diocèse. Elles gèrent aussi et surtout les affaires matrimoniales (dispenses de consanguinité, divorce, etc.).
Dans le Pas-de-Calais, nous ne conservons plus que l’officialité du diocèse de Boulogne (sous-série 1 G).
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L’infra-justice en sous-série 4 E
Les notaires, sous l’Ancien Régime se chargeaient également d’une part non-négligeable du traitement de la criminalité. Ils produisaient alors des actes de médiation. Lors d’un différend, il arrivait souvent que les partis entamaient un procès au bailliage. Le procès s’éternisant ou les frais devenant importants, un des partis choisissait de cesser le procès et de faire un arrangement privé, généralement passé devant notaire pour lui donner une valeur juridique.
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Les arrêts criminels les plus importants en bibliothèque
Des mémoires ou factum d’affaires importantes ont souvent été imprimés dans un but d’être diffusé auprès des bailliages et sénéchaussées. Ces documents se trouvent dans notre bibliothèque.
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Nota bene : Les archives du Parlement de Paris sont consultables au Centre historique des Archives nationales (série X). Quant aux archives du grand conseil de Malines, elles sont conservées aux Archives générales du Royaume à Bruxelles.