La chicorée
La chicorée, produit du Nord, vient d’être grevée d’un impôt de 30 francs par cent kilos, égal à la surtaxe dont on vient de frapper le café.
D’autre part les prix de taxation pour la vente au détail sont fixés ainsi qu’il suit :
- Chicorée en grains : 2 francs le kilo.
- Chicorée en poudre : 1 fr. 60 le kilo.
De l’avis de tous les fabricants consciencieux, il sera impossible aux épiciers de livrer à leurs clients la chicorée au prix de cette taxe.
Le consommateur ne peut obtenir à ce tarif que des mélanges - en terme technique des compositions - provenant des bas produits de la fabrication ou de la torréfaction de glands doux, de grains et de maïs avariés, mais pas de chicorée pure. (On reconnaît facilement ces produits de mauvaise qualité, ces chicorées dites américaines, à ce fait qu’elles ne se dissolvent pas dans l’eau froide et se déposent au bout de quelques instants dans le fond du verre choisi pour l’expérience).
Naturellement ce sont les régions du Nord et du Pas-de-Calais qui supporteront surtout le nouvel impôt. On nous signale déjà un vif mécontentement parmi les mineurs. Ces ouvriers ne peuvent emporter lorsqu’ils vont au travail ni bière ni vin en raison de la température élevée des galeries. Ils ont l’habitude de se désaltérer avec une infusion de marc de café et de chicorée. Grands consommateurs de chicorée, les mineurs se demandent pourquoi le législateur a voulu augmenter encore ce produit déjà cinq fois plus cher qu’en temps de paix !
Il faut espérer que l’impôt excessif qui grève la chicorée ne sera pas maintenu.
C’est l’avis de ce député qui disait avec mépris en parlant des nouvelles taxes établies à tort et à travers :
- Quand vous verrez une loi datée du 31 décembre, ne vous en faites pas ; on s’apercevra qu’elle est idiote avant Pâques ou la Trinité…
La France du Nord, mardi 23 janvier 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.
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Union des Sociétés Agricoles du Nord non envahi
Le péril de la chicorée
J’ai démontré déjà que pour obtenir des récoltes rémunératrices en blé, en betteraves, il était indispensable d’obtenir en temps convenable, en quantité suffisante et à des prix abordables des nitrates. C’est, en effet, l’absence de ce produit azoté qui a été la cause déterminante du regrettable abandon de ces cultures au profit de la chicorée.
"La chicorée à quoi cela sert-il ? m’écrivait il y a 48 heures un de nos aimables correspondants… à gâter le bon café !"
Sans partager entièrement la manière de voir de ce disciple de Brillat-Savarin, je dois reconnaître que la chicorée n’est qu’un colorant, un adjuvant et que sa culture ne doit par suite exister qu’à titre de complément.
C’était d’ailleurs la situation avant la guerre.
En effet, la chicorée n’était point, jusqu’en 1914 emblavée par la grande culture. Elle était l’apanage, le complément de la récolte des maraîchers qui la faisait succéder à celle de la pomme de terre hâtive en la plantant concurremment avec elle et entre les mottes.
Hélas ! 1917 n’a pu voir continuer à s’engraisser nos champs. Les engrais ont fait défaut. Il en fût de même en 1916. Le résultat fut l’abandon partiel par la grande culture du blé, de la betterave, au profit de la chicorée. Alors qu’avant 1914 le Nord aujourd’hui aux 3/4 envahi ne comptait que 7.000 hectares de chicorée, la partie libre en accuse 2.500 et une augmentation d’environ 1.000 hectares. Cela se comprend d’autant mieux que la spéculation s’y met par suite de la disparition des cultures de Belgique et du Sud du département du Nord. La racine verte vit son prix décuplé et porté à 150 francs voire 180 francs la tonne.
D’autre part, comme je l’ai dit, la chicorée se nourrit surtout à l’air et ne demande pas d’engrais, double raison pour que son emblavement se généralisât. À tous points de vue, c’est regrettable. En effet, la chicorée n’est point une plante sarclée comme la betterave, facilitant le nettoyage des terres, et contrairement à cette dernière, et aux céréales, elle ne laisse rien dans le sol.
Dans l’intérêt supérieur de la Patrie il faut donc que les efforts de tous tendent à enrayer cette "marche à l’étoile" des cultivateurs.
Déjà le prix du blé, grâce à nos énergiques et réitérées réclamations, a été porté à 40 francs le quintal. Le nitrate promis va nous arriver incessamment. Les Pouvoirs publics se préoccupent de taxer la racine chicorée pour enrayer la spéculation.
Espérons que tous ces efforts réunis amèneront le résultat espéré.
J’ai foi, à juste titre, dans le patriotisme, je dirai plus : dans l’esprit de sacrifice de nos vaillantes populations rurales.
J’y veux voir le meilleur atout en faveur du retour au blé qui nourrit nos braves poilus, à la betterave qui leur fournit la poudre qui servira avant peu à tirer les salves de la Victoire.
Paul DUFOUR,
Président
Le Télégramme, jeudi 15 février 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.
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Le prétendu "péril de la chicorée" et ses causes
Les Pouvoirs Publics ayant compris [censure] que l’affaiblissement de l’agriculture est un affaiblissement de notre force défensive, en même temps qu’une diminution de notre puissance et de notre sécurité nationales, [censure].
En 1916 timidement ils ont accordé une prime de 3 francs par quintal, promettant 6 francs en août 1917 et s’apercevant tardivement de leurs fautes, ils parlent de l’élever à nouveau, mais trop peu encore.
L’agriculture qui depuis 1915 produit du blé à perte a été heureuse dans le Nord non envahi et dans une partie du Pas-de-Calais de trouver dans la chicorée une récolte qui faite en petit dans la plupart des cas, a pu atténuer par son prix les pertes résultant de la culture du blé.
Mais de grâce que l’on ne transforme pas cette légère évolution en "péril de la chicorée". Car il ne faut pas oublier que la chicorée ne peut remplacer le blé et la betterave dans les terres compactes où son arrachage est trop difficile. Dans les terres de consistance moyenne elle peut, là seulement, s’y substituer. Dans les terres légères où le blé et la betterave végètent difficilement, sa place tout indiquée ne leur nuit en aucune façon. De plus dans la généralité des cas, elle ne peut se faire qu’en petite culture, nécessitant beaucoup de main-d’œuvre tant pour les soins culturaux que pour l’arrachage.
Quant à son prix il a été en 1916 de 100 à 160 francs alors que le prix moyen était avant la guerre de 30 à 40 francs, le décuple du prix est donc loin d’être atteint.
Les raisons invoquées pour la généralisation des emblavements de chicorée sont fausses. Il n’y a que les légumineuses qui tirent en partie leur nourriture de l’azote de l’air, la chicorée n’est pas dans ce cas. Quant à dire qu’elle ne demande pas d’engrais, c’est une erreur, car si l’on désire un rendement rémunérateur, tout en ne voulant pas épuiser le sol, il faut lui en servir, aucune plante ne prospérant sans rien. De plus la chicorée est une plante sarclée comme la betterave et comme cette dernière elle laisse au sol ses feuilles, les collets seuls allant avec la racine à la sécherie.
Si l’agriculture a fait en 1916 plus de chicorée c’est pour se couvrir des pertes qu’il faisait en produisant du blé taxé et insuffisamment protégé. Ceci ne serait pas arrivé si l’on avait consulté les hommes de métier plus aptes à indiquer le remède de la diminution des surfaces en blé, car ils connaissaient la cause du mal. Malheureusement les avocats priment aux chambres et ailleurs. C’est cependant, depuis le 2 août 1914, le moment ou jamais, où les rhéteurs devraient disparaître devant les praticiens.
Si une prime de blé suffisante avait été établie en temps et en heure, la malheureuse chicorée ne serait pas sur le point de faire l’office de bouc émissaire de l’heure présente.
Les industriels et les commerçants travaillant pour l’armée s’enrichissent. Il est tout à fait équitable que l’agriculteur qui nourrit l’armée et le pays ait aussi sa juste rémunération par l’élévation suffisante du prix de ses produits et notamment du blé, car le bois, le fer, le cuir, les engrais, le charbon ont plus que doublé et la main-d’œuvre a considérablement augmenté. L’agriculteur ne doit pas redevenir ce qu’il était jadis, le taillable et le corvéable à merci.
Émile Schadet,
Ingénieur agronome I. N. A.
Le Télégramme, dimanche 18 février 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/27.
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La taxe sur la chicorée
On nous communique la note suivante :
M. Klotz, ministre des Finances, a saisi la Chambre d’un projet de loi tendant à élever de 30 à 150 francs l’impôt sur la chicorée. Dans l’exposé des motifs de son projet, M. Klotz fait observer qu’il n’y a pas à craindre que le relèvement de l’impôt se traduise pour le consommateur par un renchérissement du produit, car le prix de vente au détail de la chicorée, du café, du poivre, a comme limite maxima celui du café et cette limite se trouve dès à présent atteinte.
Comme on le voit, il s’agit là d’une question présentant le plus grand intérêt au point de vue des petits ménages dont la chicorée constitue aussi bien en ville que dans les campagnes une des principales ressources.
Nous y reviendrons d’ailleurs en détail dans un prochain numéro.
Quand les vins furent menacés d’une surtaxe on vit tous les députés du Midi unis dans un même mouvement protestataire.
Il y a lieu d’espérer que ceux du Nord ne se montreront pas moins énergiques dans une campagne qui intéresse au premier chef nos départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme.
La France du Nord, samedi 19 janvier 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/98.
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L’impôt sur la chicorée
Une erreur économique
Comme nous le disions hier, on ne saurait trop regretter dans l’intérêt de nos départements du Nord que M. Klotz ait conçu le projet de frapper la chicorée d’un impôt de 150 francs les cent kilos, soit 8.000 à l’hectare.
Le prétexte invoqué à l’appui de cette décision par le Ministre des Finances est la nécessité de modérer l’extension que prendrait dans quelques départements sous l’influence de cours très élevés la culture de la chicorée au détriment de celle de la betterave et par conséquent de la production sucrière.
Le ministre ajoute qu’il n’y a pas à craindre que le relèvement de l’impôt (de 30 fr. à 150 fr.) se traduise pour le consommateur par un renchérissement du produit car le prix de vente au détail de la chicorée a comme limite maxima celui du café et cette limite se trouve dès à présent atteints.
C’est là une erreur manifeste ainsi que le fait de prétendre que la culture de la chicorée exerce une influence sérieuse sur les autres cultures, notamment celle de la betterave, dont la taxe produit seule la raréfaction.
Nous ne saurions mieux faire, pour placer la question sur son véritable terrain, que de publier le passage suivant du compte-rendu d’une réunion tenue le 15 courant par l’Union des Planteurs de chicorée.
Le Secrétaire y parle en ces termes de la taxe proposée :
"La question de la chicorée est à nouveau à l’ordre du jour, dit-il. Sous l’influence du Comité des sucres comme le dit l’"Officiel" du 9 novembre, on veut restreindre la culture de la chicorée, et la frapper d’une taxe de consommation de 150 francs, mesures absolument contraires aux intérêts de la culture et de la classe ouvrière.
Avant la guerre, étaient cultivés en chicorée 9.000 hectares répartis dans le Nord et le Pas-de-Calais. L’invasion a fait tomber ce chiffre à 4.000. Il est remonté cette année à 7.000, et nous avons 2.500.000 hectares de bonnes terres incultes.
À l’"Officiel" du 31 décembre dernier, il est dit que toute la main d’œuvre agricole (militaire, prisonnier, indigène), sera impitoyablement refusée aux cultivateurs de chicorée.
Le même "Officiel" à la date du 31 décembre, cite un projet de loi visant une augmentation des droits de consommation, dont est frappée la chicorée.
Or, par les 30 francs de taxe de consommation qui existent déjà, nos terres à chicorée sont imposées de 1.500 francs environ à l’hectare. Et l’on veut encore porter cet impôt à 8.000 francs !
Voyez, par exemple, la vigne ; on accorde toute la main-d’œuvre demandée pour les nouvelles plantations que l’on fait en ce moment, plantations qui ne donneront que dans 3 ou 4 ans.
De plus, les vignerons ont le droit de planter toutes leurs terres en vigne et, par conséquent, de ne pas faire de blé.
Quant à l’impôt, l’hectolitre de vin ne paie que 5 francs de droit de circulation, c’est-à-dire qu’un hectare donnant 40 à 50 hectolitres de vin n’est frappé que de 200 à 250 francs de droit.
Voilà des terres donnant deux boissons bien françaises, traitées bien différemment ! Est-ce là l’Union sacrée ? Est-ce ainsi que nos représentants au Parlement nous défendent ?
On dit que la chicorée prend la place du blé ! Tout cultivateur sait bien qu’après une année de chicorée, l’on obtient 30 à 35 hectos de blé à l’hectare l’année suivante ! Or, voyez dans les régions où les plantes sarclées sont inconnues : Le Ministre du Ravitaillement a avoué avoir donné 7 hectolitres de semences, alors que la récolte n’en a donné que 10 et la moyenne de la France cette année n’est que de 8 hectolitres à l’hectare.
L’accusation portée est donc fausse".Après un échange d’observations, l’Union adopte à l’unanimité le vœu suivant :
"Les Planteurs de chicorée réunis le mardi 15 courant, protestent de toutes leurs forces contre les mesures vexatoires dont ils sont l’objet, et aussi contre la formidable augmentation des droits qui menace de ruiner l’industrie et par suite, la culture de la chicorée, boisson populaire.
Ils entendent sauvegarder leurs droits d’assoler leurs terres comme bon leur semble.
Toutefois, dans un but patriotique, ils veulent bien accepter l’obligation d’ensemencer en blé ou pommes de terre les terres qui auront produit la chicorée l’année précédente.
Que le Gouvernement prenne garde de décourager une région bonne productrice de blé grâce à la chicorée.
Ils décident en outre de faire protester énergiquement leur Conseil Municipal dans ce sens".
La France du Nord, dimanche 20 janvier 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/98.
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L’impôt sur la chicorée
Réfutations au projet de loi tendant à augmenter la taxe de consommation dont est frappée la chicorée en la portant de 30 à 150 frs. les cent kilos
Nous recevons de l’Union des Planteurs de chicorée, dont le siège est à Bourbourg (Nord) les indications suivantes, que nous insérons bien volontiers. Elles viennent à l’appui du compte-rendu de la dernière réunion tenue par l’Union et que nous avons publié dans notre numéro de samedi avec nos propres réflexions :
L’exposé des motifs dit que le premier but de l’impôt est de modérer l’extension de la culture de la chicorée prise par cette dernière au détriment de la betterave.
Pour mettre les choses au point, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire les statistiques des ensemencements de chicorée et de betterave données par l’Officiel :Betteraves de Sucrerie et de distillerie
- Avant la guerre, 300.000 hectares ;
- En 1917 95.000 hectares ;
- En moins : 205.000 hectares.
Chicorées
- En 1912 : 9.827 hectares ;
- En 1917, 6.220 hectares ;
- En moins : 3.607 hectares.
Comment peut-on dire que la culture de la chicorée prend de l’extension, alors que les ensemencements de cette année sont en déficit de 3.607 hectares sur ceux d’avant-guerre.
Et l’on prétend que les 6.220 hectares de chicorée de cette année ont pris la place des 205.000 hectares de betteraves manquant par suite de l’invasion. On en veut à la chicorée, et pourtant l’Officiel dit encore qu’indépendamment des betteraves à sucre, il s’est cultivé en France, en 1917, 549.695 hectares de betteraves fourragères ; dans beaucoup d’endroits, elles pourraient aller à la distillerie.Ces simples chiffres parlent d’eux-mêmes et se passent de tout commentaire.
L’exposé ajoute que le manque de betteraves ne peut que se traduire par une réduction de la production de sucre et d’alcool, denrées nécessaires, l’une au Ravitaillement, l’autre au besoin de la Défense Nationale.
Qu’il nous soit permis de dire que les consommateurs de chicorée, s’ils sont privés de sucre, en ont sous une autre forme puisque la chicorée en contient plus de 20 % que révèle mal son goût amer.
Et si l’alcool est nécessaire à la Défense Nationale ne serait-il pas préférable de faire venir les explosifs des pays alliés. L’on gagnerait ainsi un fret énorme actuellement nécessaire au transport des matières premières (charbon, coton, etc.) que l’on utilise en très grande quantité dans nos poudreries.
Néanmoins si l’on veut plus de betterave, qu’on la paie à sa juste valeur. Le prix consenti actuellement laisse la culture en perte, et c’est précisément pour ce motif que les plantations n’augmentent pas. Payons donc la betterave et nous aurons du sucre et de l’alcool.
L’on méconnaît la chicorée actuellement : On semble ne plus se souvenir que depuis 20 ans, les professeurs d’agriculture ont fait tout ce qu’ils ont pu pour développer cette culture. On oublie qu’elle apparut en France au moment des grandes guerres de l’Empire, en même temps que le sucre de betterave. Et nos Gouvernants de cette époque étaient bien heureux de l’apparition de ce produit qui permettait de remplacer avantageusement le café, ce dernier ne pouvant plus nous arriver par suite du blocus.
On préfère en ce moment étrangler un produit français dont la culture et l’industrie font vivre un grand nombre de femmes et d’enfants de mobilisés, et faire la fortune de l’Étranger auquel on envoie notre or pour obtenir du café, lequel exige beaucoup de fret pour arriver ici Réellement, on foule au pied les intérêts français.
Aussi, nous ne comprendrons jamais que le Gouvernement puisse restreindre la culture de la chicorée, tant qu’il laissera libre la consommation du café pour lequel 300 millions de francs partent chaque année à l’étranger.
L’on veut réduire les 6.000 hectares de chicorée, alors qu’il y a 2.500.000 hectares de bonnes terres incultes en France. N’est-ce pas invraisemblable ?
A ce sujet, le Journal Officiel du 17 janvier nous rapporte que le Ministre du Ravitaillement a dit qu’il faut absolument encourager les initiatives privées. Or, nous connaissons des cultivateurs qui grâce à la chicorée ont pu remettre en culture une quantité assez respectable de terres incultes, lesquelles furent nettoyées à l’aide de cette plante. Ces terres donnent aujourd’hui du blé à la collectivité. Voilà une initiative à encourager, et ce n’est pas avec les mesures envisagées que pareils faits se renouvelleront.
L’exposé dit aussi : "La chicorée ne peut plus être le café du pauvre, puisqu’elle se vend aussi cher que le café". Cette affirmation est également fausse, puisque le café se vend actuellement 6 francs le kilo, et la chicorée se trouve de 3 à 4 frs. le kilo.
Si toutefois, l’on veut qu’elle baisse encore de prix qu’on laisse donc planter les 8.000 hectares de chicorée nécessaires à la consommation française. Les prix de la racine baisseront par suite de l’abondance et de plus, elle ne concurrencera pas les betteraves pour le prix.
Ajoutez à tout ce qui précède, que les terres à chicorée se trouvent déjà imposées de 1.500 frs. à l’hectare. L’hectare donnant 5.000 kilos de chicorée à 30 frs d’impôts aux 100 kilos). N’est-ce pas abusif ? Avec la nouvelle taxe, l’impôt serait de 6.000 frs. à l’hectare.
Or, le vin ne paie qu’un droit de circulation de 5 frs. par hectolitre, soit pour l’hectare de vigne qui donne de 40 à 50 hectolitres, 200 à 250 frs.
Voilà des terres donnant deux boissons bien françaises, traitées bien différemment.Pour terminer, constatons que le café des colonies ne paiera que 30 frs. d’impôts et la chicorée française 150 frs. Est-ce juste ?
Ensemencements de chicorée
Nord
- 1917 : 3.500 h. ;
- 1916 : 1.900 h. ;
- 1915 : 1.950 h. ;
- 1913 : 6.138 h. ;
- 1912 : 7.266 h.
Pas-de-Calais
- 1917 : 2.400 h. ;
- 1916 : 1.980 h. ;
- 1915 : 2.010 h. ;
- 1913 : 2.262 h. :
- 1912 : 2.241 h.
Somme
- 1917 : 120 h. ;
- 1916 : 110 ;
- 1915 : 150 ;
- 1913 : 186 ;
- 1912 : 242 h.
Aisne
- 1913 : 15 ;
- 1912 : 78 h.
Loiret
- 1917 : 200 h.
Totaux
- 1917 : 6.220 h. ;
- 1916 : 3.990 h. ;
- 1915 : 4.110 h. ;
- 1913 : 8.601 h. ;
- 1912 : 9.827 h.
P. S. ̶ Tous ces chiffres sont ceux donnés par le "Journal Officiel" même ceux de 1917 qui ont paru dans le numéro du 16 janvier 1918.
La France du Nord, jeudi 24 janvier 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/98.
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L’impôt sur la chicorée
Les délégués des planteurs et des fabricants exposent leurs doléances aux ministres de l’agriculture et des finances
Dans l’examen des nouveaux impôts demandés par le Gouvernement pour combler le déficit du budget, la Commission de législation fiscale a approuvé les propositions du ministre des finances élevant à 150 francs les cent kilos le droit de consommation sur la chicorée.
Pour les raisons que nous avons données dans de précédents numéros il serait déplorable que les Chambres adoptassent cette proposition. Ce serait là, en effet, une mesure anti-démocratique au premier chef, la chicorée étant dans toute la région du Nord la principale boisson des travailleurs tant de l’atelier que des champs.
C’est d’ailleurs, ce qu’à très judicieusement fait valoir la délégation envoyée à Paris par l’"Union des Planteurs de Chicorée" et qui a été entendue le 1er février par les ministres de l’Agriculture et des Finances.Nous publions ci-après le texte de la pétition en espérant que les considérations solidement motivées sur lesquelles elle s’appuie suffiront à faire comprendre à nos parlementaires sur le véritable déni de justice et la faute économique que la Commission de législation fiscale voudrait leur imposer :
Les planteurs et les fabricants de chicorée, émus à juste titre du projet de loi tendant à porter à 150 frs. aux cents kilos, le droit de consommation sur la chicorée, décidèrent d’envoyer une délégation à Paris, avec la mission de défendre leurs droits auprès des pouvoirs publics.
Cette délégation fut, tout d’abord, reçue par les Parlementaires de la région du Nord qui acceptèrent, avec empressement, de défendre une culture et une industrie du Nord que l’on menace. Aussi ces Parlementaires ont-ils droit à toute la gratitude des intéressés et des consommateurs. Et quel est le ménage qui ne consomme pas de chicorée ?
Il fut convenu que la délégation, accompagnée des Élus précités, irait rendre visite au Ministre des Finances, et au Ministre de l’Agriculture. Ces derniers, d’accord avec les intéressés, nommèrent une Commission chargée de proposer une réglementation concernant la culture de la chicorée.
Quoique les plantations de 1917 n’aient été, d’après l’officiel, que de 6.220 hectares pour la totalité de la France, tout le monde était d’accord pour proposer une réglementation de la culture de la chicorée.
Les délégués des Planteurs et des Fabricants ̶ comme d’ailleurs ils en avaient reçu la mission de leurs commettants ̶ protestèrent contre la circulaire ministérielle interdisant aux détachés à la terre de cultiver un lopin de terre en chicorée, même si la chicorée était ensemencée en seconde récolte la même année après les pommes de terre par exemple.
Ils proposèrent que le cultivateur de chicorée fut tenu d’ensemencer en blé orge ou pommes de terre, toute terre qui avait porté la chicorée l’année précédente, et qu’une sanction de plusieurs milliers de francs à l’hectare serait appliquée au contrevenant. Ils demandèrent en outre que le cultivateur ne puisse ensemencer plus de 20 % de sa culture en chicorée : le contrôle en est facile dans chaque commune, le cultivateur devant faire sa déclaration à la Mairie comme il le fait pour le lin.
Par dérogation, il serait permis au cultivateur d’ensemencer la totalité de ses terres en chicorée ̶ laquelle a le grand avantage de nettoyer et d’assainir les terres ̶ si celles-ci se trouvaient en pays reconquis, où s’il était en présence de terres incultes depuis plusieurs années, mais avec l’obligation d’y cultiver le blé l’année suivante.
Cette réglementation aurait donc pour but de nous assurer le maximum de blé, tout en laissant la chicorée tenir la petite place qu’elle avait avant la guerre. Et il ne faut pas perdre de vue que la chicorée a l’avantage de concurrencer avantageusement le café et de rendre ainsi disponibles, quelques-uns des navires nécessaires à amener des denrées plus utiles ou les troupes américaines.
Les représentants du Ministre de l’Agriculture répondirent que ce dernier tenait absolument à faire respecter sa circulaire ayant trait à la main-d’œuvre, que les réglementations proposées seraient inopérantes, et que le droit de 150 frs. aux cent kilos était absolument urgent pour décourager le planteur de chicorée et l’inciter à planter de la betterave.
Il fut même ajouté que l’absinthe ayant été interdite, la chicorée devait s’estimer heureuse que pour elle, la mesure ne fut pas aussi terrible !!Qu’en outre, et pour compléter la série des mesures prises contre la chicorée, le projet de loi déposé en juin dernier, demandant la taxation de la racine, de la cossette, de la chicorée en paquets et des produits similaires en gros et en détail, devait être repris immédiatement.
Cette fois, avec l’augmentation toujours croissante des engrais, coke, charbon, papiers, bois de caisses, etc… et les aléas considérables que présentent cette culture et cette industrie du Nord déjà si éprouvées par l’invasion, et ce, au profit du café lequel nécessite des navires pour nous arriver et fait partir notre argent à l’étranger.
Lors du blocus continental, quand le café manqua, nos Ministres d’alors favorisèrent au contraire par tous les moyens, la culture et l’industrie de la chicorée.
On peut remarquer aussi qu’avec la hausse du vin, de la bière, la chicorée est la seule boisson à la portée de toutes les bourses.
Les cultivateurs, fabricants, et consommateurs de chicorée, comptent sur leurs représentants au Parlement pour être défendus énergiquement.
La France du Nord, lundi 11 février 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/97.
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