Rare exception dans cette guerre de position, l’offensive canadienne lancée contre la crête de Vimy le 9 avril 1917 est une victoire incontestable. En deux jours, les 20 000 hommes des quatre divisions canadiennes parviennent à s’emparer de cette position stratégique, pourtant extrêmement bien défendue par les Allemands et contre laquelle les assauts français avaient échoué.
Depuis, cette bataille est considérée comme un événement fondateur du Canada indépendant. Pour la première fois, des unités canadiennes mènent seules une bataille, affranchies de l’autorité britannique, et s’affirment en tant que nation indépendante sous les couleurs de leur drapeau.
L’engagement des troupes canadiennes
Bien qu’il ait acquis son indépendance en 1867, le Canada demeure un dominion du Royaume-Uni. À ce titre, il ne décide pas de sa politique étrangère et entre donc dans le conflit lorsque Londres déclare la guerre à l’Allemagne le 4 août 1914.
Ne disposant pas d’une armée permanente, le gouvernement a recours à l’enrôlement volontaire. Cet appel semble trouver une certaine résonance auprès des jeunes hommes puisqu’en octobre 1914, un premier contingent de 32 000 hommes embarque pour le vieux continent. Au total, ce sont plus de 300 000 hommes qui vont s’engager entre 1914 et 1917, pour un pays comptant seulement huit millions d’habitants.
Les premières unités à monter au front arrivent en février 1915 dans le secteur d’Armentières. En mars 1915, elles sont aux côtés des Britanniques lors de la bataille de Neuve-Chapelle, subissent de plein fouet les attaques chimiques de la deuxième bataille d’Ypres, sont de nouveau mises à contribution lors de la bataille de Festubert, puis participent à quelques attaques locales à Saint-Éloi et au mont Sorrel, avant de prendre part aux combats de la Somme.
La préparation minutieuse de l’offensive canadienne
Transférés en Artois fin octobre 1916, les Canadiens reçoivent l’ordre de s’emparer de la crête de Vimy lors des offensives prévues au printemps 1917.
Pour mener à bien leur objectif, ils préparent minutieusement l’attaque : ils aménagent des voies de communication, installent des infrastructures (comme des réservoirs d’eau par exemple) et réunissent le matériel nécessaire.
Puis, dans le plus grand secret, ils creusent onze tunnels depuis les lignes arrière jusqu’aux limites du no man’s land, afin de protéger les soldats de l’artillerie ennemie avant que ne débutent les opérations.
Enfin, l’entraînement intense des quatre divisions désignées pour l’offensive, réunies pour la première fois lors d’une attaque commune, bénéficie des renseignements précis des positions ennemies, glanés lors de raids nocturnes.
Afin d’utiliser au mieux ces informations, des maquettes reproduisant les tranchées ennemies sont construites et permettent à l’état-major de peaufiner sa stratégie.
L’attaque de la crête de Vimy
Le 9 avril 1917, à 5 h 30 du matin, 20 000 hommes s’élancent sur un front large de sept kilomètres, accompagnés par une dizaine de chars. En quelques minutes, 3 000 obus s’abattent sur les lignes allemandes. L’attaque précise et rapide prend de court les Allemands, qui tentent de garder leurs positions coûte que coûte.
Mais en à peine une demi-heure, les Canadiens parviennent à s’emparer d’une partie de la première ligne allemande. En milieu d’après-midi, ils contrôlent la majeure partie du plateau, bien que la côte 145 et le "bourgeon" résistent au nord.
Le lendemain, l’attaque reprend sur ces deux points et la résistance sur la côte 145 finit par céder. Le bourgeon est, quant à lui, pris le 12 avril.
Malgré les fortifications allemandes, les Canadiens ont donc réussi à s’emparer de leur objectif et ont fait, par la même occasion, plus de 4 000 prisonniers. Les Allemands sont contraints de se replier sur le bassin minier.
Le succès est total, bien qu’il ait coûté la vie de 3 598 Canadiens et causé plus de 6 400 blessés dans les rangs de cette même armée. Faisant fi de ces "détails", les états-majors alliés applaudissent l’éclatante victoire, largement relayée dans les colonnes de la presse.
La falaise de Vimy
La falaise de Vimy, dit très justement un rédacteur militaire, était une position véritablement formidable. L’ennemi y avait creusé des tunnels et des abris souterrains qui lui ont été du plus précieux secours. Il a fallu aux Canadiens commandés par le général Horne un héroïsme et une bravoure dignes de la plus profonde admiration pour être venus à bout d’une telle organisation.
À Vimy, comme d’ailleurs à Farbus et à Thélus, toutes les batteries allemandes étaient enfouies sous terre et protégées par des constructions bétonnées défiant le plus intense bombardement. Lors de l’attaque de septembre 1915 nous avions tiré sur Farbus cent coups de 350 sans parvenir à faire taire une seule des batteries adverses.
Farbus, au sud-est de la crête de Vimy, et Angres, au nord-ouest de cette crête, étaient les deux repaires de l’artillerie allemande, dont les feux convergents balayaient impitoyablement toutes nos positions ».
Le 9 avril, les Canadiens enlevaient la presque totalité de la crête. Dans la nuit du 9 au 10 ils poursuivaient leur succès et atteignaient le rebord est ; le 10 ils occupaient Farbus ; le 13, la prise de Petit-Vimy et Angres leur assurait la possession définitive de la falaise.
Le Lion d'Arras, vendredi 20 avril 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.