À la mobilisation, l’uniforme français n’est plus adapté à la guerre moderne. L’usage de nouvelles armes va obliger l’état-major à imaginer de nouveaux équipements de protection pour ses soldats.
Un uniforme bien trop visible
Les soldats sont habillés d’un képi (modèle 1884) à turban garance et bandeau bleu et d’un pantalon rouge garance qui fait d’eux des cibles idéales pour la mitraille allemande. Le képi est, certes, devenu au fil du temps un élément émotionnel fort pour les soldats et les civils, mais n’est accompagné d’aucune protection à la tête.
Dans l’urgence, l’armée distribue des couvre-képis (modèle 1913) et des couvre-pantalons de couleur bleu. Après plusieurs mois, soumise aux intempéries, la toile bleu clair dont est fait le couvre-képi est littéralement délavée, tachée par l’humidité. Toutes les nuances de bleu sont constatées et les poilus paraissent réellement disparates.
Modification progressive des équipements
Au lendemain de la victoire de la Marne, l’état-major adopte en conséquence une nouvelle teinte pour l’uniforme français, le "bleu horizon" ; mais le nombre d’hommes à équiper est considérable et la fabrication va être longue. Un nouveau képi bleu fait lui aussi son apparition (modèle 1915).
La même année, est développée une protection pour la tête destinée à l’ensemble de l’armée. En effet, devant le nombre important de blessures à la tête ayant pour cause le manque de protection (77 % des blessés le sont à la tête, et plus de 80 % de ces blessures sont mortelles), l’armée a décidé d’engager des recherches.
En attendant, on distribue des cervelières : ce ne sont que de simples coupelles métalliques à placer sous le képi. Ces calottes d’acier de 0,5 mm d’épaisseur ont été proposées en décembre 1914 par le sous-intendant militaire Louis Adrian et sont adoptées dès février 1915. Elles sont livrées en trois tailles et commandées à 700 000 exemplaires.
Mais rapidement, le constat est fait qu’il est assez difficile de placer la cervelière sous la basane du képi, comme le stipule le règlement. Elle est, en outre, très inconfortable et occasionne des maux de tête ; la calotte est ainsi portée à même le crâne ou directement par-dessus le képi, inclinée vers l’avant, lorsqu’elle n’est pas tout simplement utilisée comme ustensile de cuisine ou récipient à cartouches. Elles vont dès lors être remplacées par le casque Adrian M1915 ("modèle 1915").
Le casque Adrian
Un premier modèle est arrêté le 21 mai 1915 et commandé par le sous-intendant militaire Louis Adrian (dont il va porter le nom), à 1 600 000 exemplaires, aux usines Japy frères à Paris et à Beaucourt, près de Belfort ; il a été conçu à l’aide de Louis Kuhn, chef de l’atelier d’agrafage mécanique de ces établissements.
Le casque Adrian doit protéger les soldats des éclats des obus qui explosent au-dessus des tranchées. La présence d’un cimier est une réminiscence des casques de cavalerie ; il est destiné à amortir les chocs venant par le dessus (le cimier s’écrase, puis le choc est transmis à la bombe du casque).
Le casque s’inspire de la bourguignotte du Moyen Âge et n’est pas conçu pour arrêter directement une balle de fusil ou de mitrailleuse. Il est fabriqué à partir d’une plaque de 33 cm de diamètre dans une tôle d’acier laminé d’une épaisseur de 0,7 mm ; ne pesant que 670 à 750 grammes, il est plus léger que les casques allemands (Stahlhelm) et britanniques (Brodie), qui sont apparus par la suite (fin 1915 pour le casque anglais, février 1916 pour l’allemand).
De couleur bleu horizon, le casque est constitué de quatre pièces, le cimier, la coque, la visière avant et la visière arrière. Il possède une coiffe intérieure en cuir et une jugulaire réglable en cuir également.
À l’avant du casque, est agrafé par des pattes métalliques l’attribut caractéristique de l’arme : artillerie (grenade croisée de deux canons), chasseurs à pied, service de santé (caducée), génie (cuirasse), troupes d’Afrique (croissant de lune), la plus répandue étant celle de l’infanterie, une grenade surmontée d’une flamme, estampillée des initiales "RF" pour République française.
La coiffe, noire ou marron, initialement taillée dans un seul morceau de cuir et comportant sept « dents de loup » trouées et rivetées pour permettre le passage d’une cordelette, est ensuite constituée de sept morceaux de cuir cousus (six dents de loup et une couronne, au dos de laquelle est cousue une bande de tissu, généralement issue d’uniformes usagés).
Premières utilisations
C’est à partir du milieu de l’été 1915 que les casques Adrian vont être massivement distribués. Ils sont utilisés pour la première fois lors de l’offensive de Champagne de septembre 1915. Fin 1915, quelques 3 125 000 casques équipent l’armée française. Plus de vingt millions ont été produits et ont aussi servi aux soldats italiens, belges, russes, roumains, etc.
Les premiers casques ont été peints en bleu brillant, mais les reflets du soleil en font d’excellentes cibles. Les soldats les passent ainsi à la boue, puis une peinture mate est distribuée aux unités, ainsi que des couvre-casques de tissu ; le 3 juin 1916, sur la demande du général Joffre, ils reçoivent par mesure d’ensemble une peinture terne destinée à en dissimuler la visibilité.
Les casques en cours de fabrication subissent quant à eux une transformation. Cuits plus longtemps durant la chaîne de montage, ils prennent une teinte qui tend à devenir gris fer au lieu de gris-bleu.
Cela a pour résultat de les rendre plus mats et donc moins luisants au soleil. Dès que l’opération de repeinture est terminée et que les nouveaux casques commencent à sortir des usines (fin 1916), il n’est plus fait usage des couvre-casques en tissu.
Le 16 avril 1917, dans le secteur de Berry-au-Bac, les chars d’assaut français sont utilisés pour la première fois. Le casque Adrian s’avère totalement inapproprié dans un tel espace exigu. Il subit plusieurs modifications sur sa visière avant et son cimier. Il sera après-guerre légèrement amélioré : le "modèle 1926" servira encore en 1940.