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Le casque de nos Poilus

Le "Bulletin des armées" donne d’intéressants détails sur la fabrication du casque protecteur dont nos soldats sont coiffés depuis quelques mois et qui a sauvé la vie d’un grand nombre d’entre eux.
Ce casque, dû à l’intendant Adriand, est en tôle d’acier et pèse un peu moins d’un kilogramme.

Les matières premières nécessaires à sa fabrication sont :

La tôle d’acier pour le casque proprement dit, l’aluminium pour le conformateur, la peau de mouton et le drap pour la coiffe, la peau de chèvre pour la jugulaire.
Les différentes phases de sa "manufacture" nécessitent 52 outils ou machines-outils pour chacune des trois dimensions adoptées.

De nombreuses usines et un nombreux personnel ̶ féminin pour la plupart (moins de 1.000 ouvriers pour plus de 3.000 ouvrières) ̶ ont porté la production à plus de 50,000 par jour. Trois millions six cent mille casques ont pu ainsi être livrés en moins de six mois. Nos ateliers ont en outre effectué d’importantes commandes pour nos alliés, qui ont su vivement apprécier les avantages du casque français.

Sa fabrication comporte d’abord la "confection" des éléments suivants en acier : la calotte ou bombe, la visière, le couvre-nuque et le cimier.
Ces pièces sont découpées à "l’emporte-pièce" dans une tôle d’acier demi-dure, d’excellente qualité et épaisse de près d’un millimètre. Elles sont ensuite rivées les unes aux autres.

Quand le casque a sa forme définitive, on l’envoie à l’atelier de "peinture". La couleur utilisée consiste en un vernis gras, gris-bleu, identique à celui qui recouvre les canons de 75. Un pulvérisateur, appelé « aérographe », répartit régulièrement la peinture sous une faible épaisseur, de façon à obtenir un séchage rapide. Celui-ci s’opère en faisant séjourner à la température de 135 degrés, pendant près de trois heures.

Reste à fixer la coiffe et la jugulaire.
La coiffe est découpée dans une peau de mouton, au moyen d’un outil appelé "tranchoir". Sa forme a été soigneusement étudiée pour donner en une seule opération sept dentelures, munies d’œilletons, par lesquels passe le lacet, dont le serrage donnera à la coiffe une profondeur plus ou moins grande. Le turban de coiffe est en drap, découpé dans de vieux effets militaires hors d’usage et recouvre de minces lamelles d’aluminium fortement ondulées, dont la flexibilité permet de s’adapter à la conformation de la tête.

Le prix de fabrication d’un casque complet revient à peu près à celui d’un képi.

Quelques chiffres donneront une idée approximative de l’importance de cette fabrication.
On a fabriqué jusqu’ici 3 600 000 casques. Leur confection a exigé environ 3 600 000 kilos d’acier, 36 000 kilos d’aluminium, 50 000 kilos de peinture, 72 000 peaux de chèvres pour les jugulaires, 800 000 peaux de moutons pour les coiffes, 30 000 mètres de drap pour les turbans de coiffe, 400 000 kilos de papier pour l’emballage.

Si l’on alignait à plat tous ces casques bout à bout (de 30 centimètres de diamètre), on obtiendrait une longueur de plus de onze cents kilomètres, soit approximativement la distance de Calais à Marseille. Les lacets des coiffes (de 50 centimètres de long), disposés les uns au bout des autres, donneraient une distance de 1 800 kilomètres, celle de Paris à Berlin et retour.
Les coiffes de cuir, étalées côte à côte, couvriraient un espace de 367 000 carrés, soit quatre fois la surface de la place de la Concorde à Paris.
76 000 caisses ont été nécessaires pour expédier les 3 600 000 casques déjà distribués sur le front. Empilées les unes sur les autres, elles formeraient un volume de 8 mètres de côté et haut de 300 mètres soit la hauteur de la tour Eiffel !

La France du Nord, mercredi 2 février 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/93.