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9 septembre 1914 : rapport du préfet sur l’occupation d’Arras

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9 septembre 1914
à M. le Ministre de l’Intérieur

Ma captivité n’aura été ni longue ni rigoureuse : lé détachement que les Allemands avaient laissé hier est parti ce matin, je n’ai eu à subir pendant ces trois jours d’occupation que l’humiliation de la contrainte morale qui m’était imposée.

Dimanche, 6 courant, à 14 h ½, un régiment de la Landwehr entrait en ville, escortant un général de brigade et son état-major ; peu de temps après, un officier accompagné d’un interprète venait me prier de lui remettre les clefs de l’hôtel des Postes. Je lui déclarai ne pas les avoir en ma possession.

Quelques instants après, un émissaire du général se présentait à moi, très courtoisement d’ailleurs et me demandait ma parole d’honneur de ne pas quitter la ville, me faisant observer que je n’étais pas prisonnier, mais simplement obligé de me tenir à la disposition de l’autorité militaire allemande.

Puis il m’invitait à prévenir « mes agents » d’amener à la citadelle d’Arras tous les hommes qui se rendaient à l’ordre de mobilisation, faute de quoi des soldats seraient postés sur les routes pour les arrêter en faisant à la rigueur usage de leurs armes.

Je répondis bien entendu qu’il ne pouvait me convenir de livrer ainsi des hommes qui se conformaient à un ordre de mon gouvernement et que d’ailleurs la grande majorité des appelés de mon département était déjà rendue à destination.

Sur mon affirmation qu’il ne restait plus aucun fonds à la Trésorerie, mon interlocuteur me salua et se retira. Je ne le revis plus.

La population n’a pas eu trop à souffrir de l’occupation de la ville ; mais si aucune violence n’a été exercée contre les personnes, de nombreux négociants ont dû livrer des marchandises sans en recevoir le paiement, des automobiles, des bicyclettes, des voitures attelées ont été capturées sans qu’aucune indemnité ait été donnée à leurs propriétaires.

Par contre, certains établissements publics ont été le théâtre d’actes de véritable piraterie : la gare et ses dépendances, les casernes et leur matériel ont été mis à sac, les installations électriques du bureau de poste ont été brisées à coups de hache.

L’émotion la plus douloureuse nous a été causée par l’enlèvement de tous les blessés français en traitement dans les hôpitaux et que leur état rendait transportables. Ces malheureux, la tête bandée, les bras en écharpe, ont été dirigés à pied sur Cambrai, encadrés de soldats en armes, les médecins, les gens du service de santé et des infirmières de la Croix Rouge ont été joints à ce convoi de prisonniers.

Aussitôt après le départ de l’ennemi, des équipes télégraphistes ont tenté de rétablir les communications téléphoniques, mais la coupure de câbles, les mélanges de fils opérés jusqu’à plus de 25 km d’Arras ont rendu leur travail particulièrement difficile. Elles sont toutefois parvenues à reconstituer quelques lignes et ce soir, j’ai pu converser avec mes collaborateurs de Boulogne.

Il me tarde d’autant plus de reprendre le contact avec l’extérieur que j’ai hâte de faire continuer les paiements d’allocations aux familles des militaires sous les drapeaux et de procurer aux communes quelques ressources qui leur permettent de reculer l’échéance de la misère.

Archives départementales du Pas-de-Calais, M 5569.

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