La création du chemin de fer a donné naissance à toute une série de professions nouvelles. Les plus connues sont celles de chef de gare, contrôleur, mécanicien, chauffeur, garde-voie, garde-barrière, etc. ; mais on trouve aussi les obscurs, ceux qui travaillent le long des voies, dans les trains de marchandises, au triage, à l'atelier : serre-frein, aiguilleur, enrayeur, gratte-tube, wagonnier, lampiste, etc.
Une bonne partie des qualifications des cheminots du XIXe siècle a disparu de nos jours. À cette époque, chaque train comprend :
- le mécanicien et le chauffeur de la locomotive,
- le chef de train responsable du reste du convoi,
- le wagonnier chargé de se porter à l'avant du train en cas d'immobilisation pour stopper le train descendant,
- les cinq à dix serre-freins chargés de freiner les voitures ou les wagons et installés dans une guérite-vigie.
Les services des compagnies sont divisés en quatre grands secteurs : administration centrale, exploitation, travaux et surveillance, matériel et traction.
Dans les gares, les gratte-papiers sont très nombreux, chef de gare, sous-chef de gare, préposés à la direction du mouvement et du trafic, facteurs-chefs, facteurs, commis, hommes d'équipe, tous en uniforme.
Parmi les agents disparus aujourd'hui, citons l'aboyeur, chargé d'annoncer, en chantant, l'arrivée et le départ des trains sans le moindre haut-parleur. Il a aussi la responsabilité de la fermeture et de l'ouverture des portes.
On trouve aussi le lampiste et son "grouillot", responsables de l'entretien des lampes de la gare : lampes de bureau, des quais, des trottoirs, des aiguilles, de queue de train. Parmi les agents de la lampisterie, l’"acrobate" grimpe sur le toit des voitures pour garnir d'huile ou de pétrole les lampes des compartiments. Il les remplit par la toiture pour éviter les risques d'incendie.
Avant l'invention du chauffage, un autre agent, attaché aux gares, est chargé de retirer les bouillottes froides et de les remplacer par des chaudes, c'est le "père bouillotte". Le personnel responsable de la gare est logé sur place, dans la gare même, avantage appréciable car le loyer est minime. Les autres habitent aux alentours de la gare (exemple d'Achicourt, près de la gare d'Arras).
Les salaires des cheminots sont peu élevés dans l'ensemble. À la Compagnie du Nord, la hiérarchie est très étalée puisqu'un ingénieur en chef gagne jusqu'à 35.000 francs par an en 1900, alors qu'un chef de gare perçoit 8.000 francs, un mécanicien de locomotive un peu plus de 1.000 francs.
Ces salaires se sont accrus lentement jusqu'en 1910. Les seules augmentations accordées l'ont été pour maintenir le recrutement. En 1899, les embauchés cessaient souvent de travailler dès le premier jour jugeant la besogne trop pénible et le salaire insuffisant
. En 1907, la Compagnie du Nord a beaucoup de difficultés pour recruter des cantonniers et des gardes. Pour limiter au minimum les augmentations de salaire on a recours à la différenciation croissante des catégories (16 au total).
À partir des années 1909-1910, la crise de recrutement s'aggrave. Les salaires dans les chemins de fer n'ont pas augmenté à la même vitesse que ceux de l'industrie. La grève de 1910 oblige la Compagnie à établir une nouvelle grille, mais les difficultés de recrutement persistent jusqu'en 1914.
Entre 1902 et 1914 les dépenses salariales représentent 70 % des dépenses de la Compagnie du Nord. En 1914, Javary, adjoint de Sartiaux alors à la tête de la Compagnie, affirme que ce que nous dépensons en plus pour améliorer la situation future de nos agents à l'époque de la retraite, nous ne pouvons le dépenser pour améliorer leur situation présente pendant l'activité
.
Les retraites ont été créées en 1855 pour les agents de la Compagnie du Nord. La Compagnie retient alors 3 % du traitement, ajoute à cette retenue une allocation de 3 % et verse ces 6 % à la Caisse Nationale des Retraites au nom de l'agent.
En 1868, la Compagnie crée sa propre Caisse de retraite. En 1876, les pensions sont réversibles, jusqu'à concurrence d'un tiers, sur la veuve. Si la pension versée est plus faible que pour les autres compagnies (1/80e au lieu d'1/50e), il suffit d'avoir 20 ans de service actif pour la toucher (au lieu de 50).
Le déficit des caisses de retraite amène la Compagnie à porter son prélèvement à 9 % en 1891. À partir de 1897, les versements des agents sont effectués à la Caisse Nationale des Retraites qui est chargée de verser la pension de l'ensemble des cheminots, ce qui entraîne la disparition progressive de la Caisse des Retraites de la Compagnie.
En matière de protection sociale, des caisses de secours se développent au début du siècle, accordant des indemnités journalières en cas de maladie. Les Compagnies régissant les lignes secondaires s'adaptent avec un temps de retard à la réglementation en vigueur à la Compagnie du Nord.
Jusqu'en 1914, le temps de travail, malgré les décrets, demeure élevé. Il est aussi différent selon les catégories de cheminots et les lignes. Les sédentaires peuvent faire de 11 à 15 heures par jour, les mécaniciens de 5 h 30 à 11 h 50. La loi de 1906 fixe le nombre de jours de congé à 52 ; elle entraîne une augmentation de 13.5 % des dépenses de personnel. Mais une durée du travail plus courte a permis d'augmenter le rendement, une pétition de 1903 montrant qu'après dix heures de travail, les erreurs se multiplient.