Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.
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Cheminots, cheminottes !
Galerie photos
La création du chemin de fer a donné naissance à toute une série de professions nouvelles. Les plus connues sont celles de chef de gare, contrôleur, mécanicien, chauffeur, garde-voie, garde-barrière, etc. ; mais on trouve aussi les obscurs, ceux qui travaillent le long des voies, dans les trains de marchandises, au triage, à l'atelier : serre-frein, aiguilleur, enrayeur, gratte-tube, wagonnier, lampiste, etc.
Une bonne partie des qualifications des cheminots du XIXe siècle a disparu de nos jours. À cette époque, chaque train comprend :
le mécanicien et le chauffeur de la locomotive,
le chef de train responsable du reste du convoi,
le wagonnier chargé de se porter à l'avant du train en cas d'immobilisation pour stopper le train descendant,
les cinq à dix serre-freins chargés de freiner les voitures ou les wagons et installés dans une guérite-vigie.
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Syndicat unitaire des travailleurs de chemins de fer de Lens et ses environs : statuts, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 2080.
Syndicat unitaire des travailleurs de chemins de fer de Lens et ses environs : statuts, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 2080.
Les services des compagnies sont divisés en quatre grands secteurs : administration centrale, exploitation, travaux et surveillance, matériel et traction.
Dans les gares, les gratte-papiers sont très nombreux, chef de gare, sous-chef de gare, préposés à la direction du mouvement et du trafic, facteurs-chefs, facteurs, commis, hommes d'équipe, tous en uniforme.
Parmi les agents disparus aujourd'hui, citons l'aboyeur, chargé d'annoncer, en chantant, l'arrivée et le départ des trains sans le moindre haut-parleur. Il a aussi la responsabilité de la fermeture et de l'ouverture des portes.
On trouve aussi le lampiste et son "grouillot", responsables de l'entretien des lampes de la gare : lampes de bureau, des quais, des trottoirs, des aiguilles, de queue de train. Parmi les agents de la lampisterie, l’"acrobate" grimpe sur le toit des voitures pour garnir d'huile ou de pétrole les lampes des compartiments. Il les remplit par la toiture pour éviter les risques d'incendie. Avant l'invention du chauffage, un autre agent, attaché aux gares, est chargé de retirer les bouillottes froides et de les remplacer par des chaudes, c'est le "père bouillotte". Le personnel responsable de la gare est logé sur place, dans la gare même, avantage appréciable car le loyer est minime. Les autres habitent aux alentours de la gare (exemple d'Achicourt, près de la gare d'Arras).
Les salaires des cheminots sont peu élevés dans l'ensemble. À la Compagnie du Nord, la hiérarchie est très étalée puisqu'un ingénieur en chef gagne jusqu'à 35.000 francs par an en 1900, alors qu'un chef de gare perçoit 8.000 francs, un mécanicien de locomotive un peu plus de 1.000 francs.
Ces salaires se sont accrus lentement jusqu'en 1910. Les seules augmentations accordées l'ont été pour maintenir le recrutement. En 1899, les embauchés cessaient souvent de travailler dès le premier jour jugeant la besogne trop pénible et le salaire insuffisant
. En 1907, la Compagnie du Nord a beaucoup de difficultés pour recruter des cantonniers et des gardes. Pour limiter au minimum les augmentations de salaire on a recours à la différenciation croissante des catégories (16 au total).
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Lettre datant du 17 juin 1946 du Sous-Préfet de Boulogne-sur-Mer adressée au Directeur départemental du Ravitaillement général à Arras et l’Inspecteur d’Académie d’Arras concernant l’organisation des garderies de vacances des enfants des cheminots de Calais. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 W 25330/13.
Lettre datant du 17 juin 1946 du Sous-Préfet de Boulogne-sur-Mer adressée au Directeur départemental du Ravitaillement général à Arras et l’Inspecteur d’Académie d’Arras concernant l’organisation des garderies de vacances des enfants des cheminots de Calais. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 W 25330/13.
À partir des années 1909-1910, la crise de recrutement s'aggrave. Les salaires dans les chemins de fer n'ont pas augmenté à la même vitesse que ceux de l'industrie. La grève de 1910 oblige la Compagnie à établir une nouvelle grille, mais les difficultés de recrutement persistent jusqu'en 1914.
Entre 1902 et 1914 les dépenses salariales représentent 70 % des dépenses de la Compagnie du Nord. En 1914, Javary, adjoint de Sartiaux alors à la tête de la Compagnie, affirme que ce que nous dépensons en plus pour améliorer la situation future de nos agents à l'époque de la retraite, nous ne pouvons le dépenser pour améliorer leur situation présente pendant l'activité
.
Les retraites ont été créées en 1855 pour les agents de la Compagnie du Nord. La Compagnie retient alors 3 % du traitement, ajoute à cette retenue une allocation de 3 % et verse ces 6 % à la Caisse Nationale des Retraites au nom de l'agent.
En 1868, la Compagnie crée sa propre Caisse de retraite. En 1876, les pensions sont réversibles, jusqu'à concurrence d'un tiers, sur la veuve. Si la pension versée est plus faible que pour les autres compagnies (1/80e au lieu d'1/50e), il suffit d'avoir 20 ans de service actif pour la toucher (au lieu de 50).
Le déficit des caisses de retraite amène la Compagnie à porter son prélèvement à 9 % en 1891. À partir de 1897, les versements des agents sont effectués à la Caisse Nationale des Retraites qui est chargée de verser la pension de l'ensemble des cheminots, ce qui entraîne la disparition progressive de la Caisse des Retraites de la Compagnie.
En matière de protection sociale, des caisses de secours se développent au début du siècle, accordant des indemnités journalières en cas de maladie. Les Compagnies régissant les lignes secondaires s'adaptent avec un temps de retard à la réglementation en vigueur à la Compagnie du Nord.
Jusqu'en 1914, le temps de travail, malgré les décrets, demeure élevé. Il est aussi différent selon les catégories de cheminots et les lignes. Les sédentaires peuvent faire de 11 à 15 heures par jour, les mécaniciens de 5 h 30 à 11 h 50. La loi de 1906 fixe le nombre de jours de congé à 52 ; elle entraîne une augmentation de 13.5 % des dépenses de personnel. Mais une durée du travail plus courte a permis d'augmenter le rendement, une pétition de 1903 montrant qu'après dix heures de travail, les erreurs se multiplient.
Fampoux. La maison du garde-barrière, depuis le chemin de Monchy-le-Preux vers Fampoux, 1978. Photographie noir et blanc. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 32.
L’évolution du réseau ferroviaire oblige à la mise en place de mesures de sécurités sur les voies elles-mêmes et sur les routes traversées par les passages de trains. La présence constante d’un garde barrière est indispensable.
Les Compagnies des chemins de fer confie la sécurité des passages à niveau aux cheminots invalides, malades ou victimes d’accidents du travail trop jeunes pour partir à la retraite. Ils sont logés sur place.
Lettre du commissaire d’Arras au préfet du Pas-de-Calais concernant la grève des chemins de fer au dépôt d’Achicourt, 11 octobre 1910. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 1801.
Le syndicat national des cheminots entame en avril 1910 des discussions sur les salaires et la rétroactivité de la loi sur les retraite. Mais les négociations sont difficiles.
Le seul espoir de réussir la grève générale envisagée est de commencer par le Nord, plus politisé. La grève commence le 11 octobre.
"Public, apprends que chaque semaine les accidents de travail tuent trois des nôtres et en blessent quinze", Jules Grandjouan, Imprimerie du Syndicat des Chemins de fer, 1910. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 1801.
À l’automne 1910, le Syndicat national des cheminots et chauffeurs et la Fédération des mécaniciens lancent la "grève de la thune" (la "thune" désigne une pièce de cinq francs), première grande grève générale des cheminots. Les revendications portent sur les salaires et les retraites. Rapidement, électriciens, gaziers et employés du téléphone, cessent le travail pour soutenir le mouvement. La région du Nord, très politisée, est la plus touchée par ce conflit social de très grande ampleur qui sera sévèrement réprimé ; dans le Pas-de-Calais, 164 grévistes sont arrêtés, 431 révoqués.
Les cheminots obtiennent toutefois, l’année suivante, un accord sur l’échelle des salaires et le statut du personnel et qui servira de référence tout au long du XXe siècle. Jules Grandjouan (1875-1968), caricaturiste proche des milieux libertaires, soutient les grévistes en produisant trois affiches, dont celle-ci qui interpelle les usagers du train.
Télégramme du chef de gare au préfet du Pas-de-Calais qui relate l’incident du train 318, des vitres ont été cassées par des jets de pierres entre Vitry et Rœux. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 1801.
La grève des cheminots d’octobre 1910, bien qu’elle n’ait duré qu’une semaine, a été la plus violente de la corporation. Elle se traduit par de nombreuses manifestations et des sabotages.
Lettre du 18 octobre 1910 à Arras, du procureur de la République au préfet du Pas-de-Calais concernant les poursuites exercées par le Ministère public "pour faits de grève". Archives départementales du Pas-de-Calais, M 1801.
Face à la brutalité du mouvement social, la direction des Chemins de fer est affolée. Le gouvernement choisit la fermeté : les grévistes sont appelés sous les drapeaux pour une période de 21 jours, les meneurs sont arrêtés ou révoqués, les troupes sont déployées dans les gares. Cette répression très dure entraine la reprise du travail à partir du 17 octobre.
"Nous irons jusqu’au bout ! Cheminots, Cheminottes !", tract de la Fédération Nationale des Travailleurs des chemins de fer de France, des colonies et Pays de Protectorat. Archives départementales du Pas-de-Calais, M 2398.
À partir de 1900, le nombre de cheminots syndiqués augmente. En 1910, il atteint 23 % au niveau national et 32 % dans le Nord où l’implantation socialiste est la plus forte.
Des résultats ont été obtenus dans la concertation ; une loi sur les retraites est votée en 1909, la durée du travail est réglementée.
Mais, un an plus tard, la vie chère provoque des revendications salariales. Les syndicalistes révolutionnaires débordent les réformistes et appellent à l’action violente.
"Les nouvelles maisons de cheminots à Lens (Pas-de-Calais). Une rue en achèvement. Maison flamande avec pignon à redans [sic]". Coupure de presse (L’Illustration, n° 4206, 13 octobre 1923, p. 366 ?). Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3677.
Les villes du bassin minier évoluent et s’agrandissent au rythme du développement de l’exploitation charbonnière et de l’extension du chemin de fer. Rapidement, sur le modèle des Houillères, la Compagnie des chemins de fer du Nord fait construire des lotissements pour loger les ouvriers à proximité des dépôts. La cité des cheminots de Lens est inaugurée en 1884. Elle est entièrement rasée par les bombardements de la ville durant la Grande Guerre.
En 1918, dans le Bassin minier dévasté, la majorité des cheminots sont sinistrés ou mal logés. La reconstruction de la cité ouvrière de Lens-Méricourt débute en 1922 sur les plans de l’architecte Louis Süe. Elle regroupe environ 800 logements qui offrent tout le confort moderne moyennant un loyer modéré.
Lens. Vue générale cité du Montgré et jardin d'enfants. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 45 Fi 145.
La cité des cheminots possède également ses écoles élémentaires, ses garderies et son jardin d’enfants, inspirés du modèle allemand. On y trouve aussi une école ménagère, des cours d’adultes et une école professionnelle.
Ainsi la Compagnie des chemins de fer prend en charge, dès le plus jeune âge, l’intégralité de la vie des habitants.
Cité des cheminots de Lens. Jardins scolaires. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 45 Fi 191.
Construite sur le modèle anglais de la "cité-jardin", la cité des cheminots propose des logements pavillonnaires entourés de jardins et d’espaces verts qui doivent apporter les agréments de la campagne à la ville. Les enfants sont encouragés à la pratique de l'agriculture.
Lens [Cité des cheminots]. Centre d'hygiène maternelle. Photographie. Don de Madame Acis-Flament, 2002. Archives départementales du Pas-de-Calais, 45 Fi 194.
Les cités sont pensées pour fonctionner avec leurs propres infrastructures et donner aux cheminots le sentiment d’appartenir à une grande famille. On y trouve école, crèche, commerces, dispensaire, salle des fêtes, voire église.
L’organisation des logements en cité a aussi pour objectif d’éduquer les ouvriers aux règles d’hygiène, à la santé et à la prévention.
Cité des cheminots de Lens. Vue des piscines. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 45 Fi 199.
Après les contestations sociales de 1910 puis les nouvelles agitations de 1920 pour réclamer la hausse des salaires et la nationalisation du réseau, les Compagnies cherchent à retrouver la paix sociale et à sédentariser les ouvriers.
L’ingénieur Raoul Dautry, vante ainsi les mérites de la cité-jardin, vaste et aérée :
Une vie digne, pas d’excès, des fenêtres ouvertes, beaucoup de jardinage et d’exercices physiques, des bains et des douches… une vie exemplaire déboucherait sur les avancées morales d’une population de cheminots, procurant la paix, la discipline, la confiance dans les chefs et l’amour du métier.
Lens [Cité des cheminots]. Jardin de la bibliothèque. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 45 Fi 201.