Une identité de papiers

Les certificats de civisme sont des attestations de bon républicanisme. Les personnes n’ayant pas obtenu ce certificat étaient considérées comme suspectes et donc susceptibles d'être arrêtées. Aussi ces documents devaient-ils être présentés et visés par les commissaires lors de leurs contrôles.

Le passeport, en tant que document qui autorise les individus à se déplacer, était déjà en usage sous Louis XI, mais il est aboli au début de la Révolution, au nom de la liberté de circulation, qui est l'un des premiers droits énoncés par la Constitution de 1791.
Il rentre toutefois à nouveau dans la législation française dès 1792.

En obligeant tous les voyageurs souhaitant sortir de leur canton à solliciter un passeport pour l’intérieur, la police se donne les moyens non seulement de surveiller les individus réputés dangereux (criminels et contre-révolutionnaires), mais aussi de résoudre le problème de la migration des mendiants et des vagabonds vers les villes.

La croissance urbaine, la mobilité accrue des populations obligent la puissance publique à contrôler les individus qui doivent pouvoir faire la preuve de leur identité à l’aide d’un document officiel. Les formes d’identification vont ainsi se multiplier.

Au début du XIXe siècle, les ouvriers sont victimes de méfiance policière et de l’autorité patronale. Le livret ouvrier est mis en place à partir de 1803. Il est délivré par les maires des communes et les commissaires des grandes villes. Il précise le nom de l’ouvrier, son prénom, son âge, son lieu de naissance et de résidence, sa profession et le nom du maître chez lequel il travaille. Les ouvriers doivent le faire viser par les autorités publiques lorsqu’ils changent de résidence. L’absence de ces visas peut être sanctionnée par un à trois mois de prison. Le livret est un moyen de surveillance, mais c’est également un outil efficace pour les patrons de faire respecter les engagements contractuels de l’ouvrier.

La Première Guerre mondiale accélère les processus engagés depuis le XIXe siècle pour contrôler les populations. L’objectif est à la fois de surveiller les étrangers, et d'empêcher les nationaux d'échapper à la conscription. Pour partir à l’étranger, les Français ont l'obligation de présenter un passeport. Les hommes en âge de porter les armes doivent également joindre la preuve de leur inaptitude au service militaire.

Durant la Grande Guerre, dans les zones contrôlées par les Britanniques et les Français, les déplacements sont plus libres que dans celles soumises à la domination de l’armée allemande. Les civils doivent néanmoins respecter certaines règles, telles que le couvre-feu et la présentation d’un sauf-conduit pour pouvoir circuler près du front.

Pour se déplacer en voiture, ils doivent préalablement faire valider leur itinéraire et ne peuvent s’en écarter sous peine d’être sanctionnés en cas de contrôle. En effet, les mouvements de la population sont étroitement surveillés par peur de "l’espion".

Les autorités civiles françaises, quant à elles, font appliquer les règlements militaires dans la zone des armées alliées, c’est-à-dire qu’elles sont chargées de les relayer auprès des habitants.

En 1917, un décret avait déjà instauré une carte d'identité pour les étrangers. Avec la loi du 27 octobre 1940, la carte d'identité pour tous devient obligatoire, le régime de Vichy multipliant les mesures de contrôle de la population. L’État français, décrète que tout Français de l'un ou de l'autre sexe, âgé de plus de seize ans, ne peut [désormais] justifier de son identité […] que par la production d'une carte d'identité, dite « carte d’identité de Français .

Posséder des papiers d’identité semble aujourd’hui aller de soi. Ils prouvent l’appartenance à la communauté nationale et permettent d’exercer des droits, tel celui de la citoyenneté.