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La persécution des juifs

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Ces crimes sont sans précédent en raison du nombre horrifiant de victimes. Ils sont d’autant plus horrifiants et sans précédent qu’un très grand nombre d’individus s’unirent pour les perpétrer […] ils furent à l’origine de l’émulation dans la cruauté et de la compétition dans le crime. Robert H. Jackson, procureur général américain au procès de Nuremberg.

En 1939, près de 4 000 juifs vivent dans le Nord et le Pas-de-Calais. À la fin du XIXe siècle, des émigrés de l’Europe de l’Est fuyant les pogroms de l’empire tsariste s’établissent dans les villes pour y exercer des activités commerciales. Dans l’entre-deux-guerres, s’y ajoute une immigration essentiellement polonaise (environ 1 500 personnes) qui se concentre à Lens et dans le bassin minier avec leurs compatriotes catholiques, même si elle est rejetée par ces derniers, historiquement antisémites, comme par la population locale française, fortement xénophobe.

Sur les 991 juifs de Lens en 1939, au moins 68 % viennent de Pologne, 6 % de Roumanie ou de Tchécoslovaquie, 5 % d’Allemagne, Suisse ou Belgique ; 34 seulement (5 %) sont nés en France. Ils sont domiciliés au cœur du centre-ville commerçant et autour de la gare.

Malgré les départs lors de l’exode, les communautés juives de la région ont retrouvé en 1942 près de la moitié de leurs effectifs : 610 personnes ont ainsi quitté Lens entre le 1er septembre 1939 et le 11 septembre 1942 (soit 62 %). Les mesures de spoliation prises par les autorités militaires allemandes sont d’abord relativement rares, à l’exception de l’expulsion des juifs vivant dans les villes côtières : les 16 et 17 décembre 1940, 124 juifs de Boulogne-sur-Mer sont ainsi refoulés en zone occupée et internés dans un camp près de Troyes.
Le recensement, débuté de manière éparse en août et septembre, est généralisé par l’ordonnance de l’Oberfeldkommandantur (OFK) 670 de Lille du 18 novembre 1940, un mois après le premier statut des juifs, promulgué le 3 octobre par Vichy, et la loi du 4 octobre, autorisant l’internement des juifs étrangers. Les mesures discriminatoires se succèdent : obligation d’une affiche trilingue "entreprise juive" à compter du 15 décembre 1940, nouvelles exclusions d’activités économiques le 5 juillet 1941, port de l’étoile jaune à partir du 1er juillet 1942, etc.

Face à ces mesures qui les appauvrissent en les privant de leurs ressources et devant la menace nazie et son antisémitisme féroce, les juifs de Lens quittent par centaines la zone interdite. En 1942, ils ne sont plus que 400 à vivre encore dans la région.

Au printemps 1942, les chantiers Todt du Boulonnais requièrent de la main-d’œuvre pour construire le "Mur de l’Atlantique". 2 000 juifs belges, réduits au chômage par les mesures discriminatoires, y sont envoyés en travaux forcés. Les apatrides sont déportés à Auschwitz en octobre ; 700 autres requis juifs y sont ultérieurement affectés, ainsi que 650 juifs français de l‘île anglo-normande d’Aurigny en mai 1944. Au total, une douzaine de camps vont être ouverts pendant 28 mois, le temps d’un chantier, entre Calais et Abbeville, ainsi à Dannes et Camiers. 2000 juifs des communautés d'Anvers, Liège et Bruxelles y sont employés dans des conditions très dures.

La "solution finale", décidée lors de la conférence de Wannsee le 20 janvier, débute en France par la "rafle du Vel' d'Hiv", le 11 juillet 1942 et le 22 en Belgique par les rafles d'Anvers et de Bruxelles. Personne ne soupçonne qu'elles ne sont que le prélude à l'extermination : on croit alors à une déportation de travailleurs vers l'Est.

À ces premières rafles, succèdent celles du Nord et du Pas-de-Calais du 11 septembre 1942. Pour diverses raisons, les Allemands estiment que les Juifs arrêtés dans les pays occupés ne peuvent pas être exécutés sur place. Il faut donc les « déporter » vers des camps, construits dans ce but, principalement en Pologne. Le remarquable réseau ferroviaire européen permet d’organiser les convois.

La grande rafle de septembre 1942, rendue possible par les opérations de recensement et la constitution de fichiers, se déroule simultanément dans toutes les villes du Nord et du Pas-de-Calais où résident des juifs ; la police française assiste la Feldgendarmerie dans cette opération. Elle surprend, au réveil, les familles réunies pour célébrer le nouvel an, Rasch Ah Shana. Alors que les accords Laval-Oberg ne concernent que les juifs apatrides ou réfugiés et semblent épargner les ressortissants français, 50 juifs français sont aussi arrêtés. Il s’agit pour la presque totalité d’entre eux d’enfants de moins de 17 ans, nés en France de parents étrangers.

À Lens, 223 personnes sont arrêtées – elles seront suivies de 16 autres le 25 septembre. Au total, 528 juifs (dont 196 de moins de 20 ans) sont emmenés le 11 depuis le bassin minier (Avion, Sallaumines, etc.), et sont rassemblés à Lille, puis à Malines, avant d’arriver à Auschwitz le 17 septembre : sur les 1 048 déportés de ce convoi (venant aussi de Belgique et du département du Nord), on compte 18 survivants le 8 mai 1945, soit 1,7 % : 2 femmes, 16 hommes, aucun enfant.

Lors de leur arrestation, les juifs lensois, mal assimilés, n’ont bénéficié d’aucune aide, d’aucun secours de la part de la population indifférente. Seuls quatorze juifs de Lens ont réussi à s’échapper avant leur arrestation, et à la gare de Lille-Fives, d’où part le convoi qui emmène les déportés à Malines, des cheminots résistants permettent à quelques-uns d’entre eux et notamment à des enfants de s’échapper du train.

Les arrestations suivantes, en 1943 et 1944, concernent aussi les juifs français et sont assurées par la police allemande seule. L’opinion publique est devenue plus sensible aux persécutions et de moins en moins antisémite.

Les juifs déportés se voient également dépouillés de leurs possessions. Les rafles s’accompagnent du pillage des maisons et des biens qui reviennent de droit à l’occupant. Il faut attendre les années 1990 pour que l’ampleur de ces pillages soit reconnue et que les pays européens créent des commissions pour indemniser les victimes de spoliations.

La communauté juive du Pas-de-Calais est ainsi pratiquement anéantie (1 311 morts). Sur les 991 juifs de Lens, 487 ont été arrêtés entre 1941 et 1944, soit 50 % ; 467 sont déportés vers l’Est, dont 456 à Auschwitz-Birkenau.  S’y ajoutent 141 Tziganes du Nord et du Pas-de-Calais (Arras, Frévent et Hénin-Liétard), arrêtés à la fin de 1943, envoyés au camp de Malines le 9 décembre, puis déportés à Auschwitz le 15 janvier 1944 : sur les 351 déportés tziganes de ce convoi, 15 ont survécu jusqu’au 8 mai 1945.

Cacher des juifs rescapés des rafles constitue un acte de solidarité et d’humanité, purement individuel, extrêmement risqué ; il n’existe pas de groupes structurés d’aide collective dans le Pas-de-Calais, à l’exception d’une filière d’évasion à Saint-Omer pour les juifs belges. Dix-huit personnes (soit huit familles) du Pas-de-Calais (Béthune, Hersin-Coupigny, Loos-en-Gohelle, Nœux-les-Mines, Ostreville, Outreau, Saint-Pol-sur-Ternoise) ont été reconnues "Justes parmi les Nations" par l’État hébreu (sur un total de 4 055 en France et 26 971 dans le monde entier).

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Pour aller plus loin

  • Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, créé par Serge Klarsfeld, permet de retrouver les personnes déportées à l’aide de toute combinaison de critères : par nom, prénom, nom de jeune fille, date et lieu de naissance, âge, dernière adresse, camp d’internement, numéro de convoi, survivant, etc.https://stevemorse.org/France
  • Cartographie des enfants juifs déportés depuis la France de juillet 1942 à août 1944 http://tetrade.huma-num.fr/Tetrademap_Enfant_France/