Choisir un document particulier à mettre à l’honneur parmi plus de 35 kilomètres linéaires d’archives n’est pas chose facile. Chartes médiévales sur parchemin, gravures anciennes, cartulaires ornés de lettrines, ouvrages introuvables, les archives départementales sont riches de "trésors" qui témoignent de notre Histoire collective.
Aux côtés de ces pièces prestigieuses, sont aussi conservés des documents plus anodins, témoins intimes d’histoires singulières. Peut-être moins précieuses, ces archives sont pourtant des traces insolites et troublantes laissées par nos ancêtres. Lettres, dessins et même objets personnels, destinés à l’origine à la seule sphère privée, se retrouvent analysés, cotés et conservés dans des collections publiques.
D’insolites témoins du passé
Ainsi, on trouve parfois dans les Varia des archives notariales, des documents étonnants. En atteste ce cahier de géométrie, tenu par un élève en 1819, retrouvé parmi les archives d’un notaire d’Aire-sur-la-Lys. Rien ne permet de définir avec certitude la provenance de ce document ni même à qui il a appartenu. Il est néanmoins un témoin précieux et rare de la manière dont les mathématiques sont enseignées à une époque où l’école, qui n’est pas encore obligatoire, est réservée à des privilégiés.
En ce début du XIXe siècle, l’enseignement secondaire est payant et il forme essentiellement les enfants de la bourgeoisie. Il faut attendre les lois Guizot et Falloux de 1833 et 1850 pour que l’école, et particulièrement l’enseignement primaire, se démocratise. Dès lors, chaque commune est tenue d’ouvrir une école pour garçons et pour les filles "qui en ont les moyens".
Entre 1881 et 1882, les lois Jules Ferry rendent l’enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïque pour les garçons et les filles de 6 à 13 ans. Dans cette période où la France vaincue en 1870 ne rêve que de reprendre "l’Alsace-Lorraine", l’école de la IIIe République a pour ambition d’inculquer aux jeunes générations, les idées patriotiques et républicaines. C’est aux instituteurs, que l’on nomme alors les "hussards noirs de la République", que revient cette mission.
Les archives départementales conservent dans la série T leurs dossiers personnels. C’est dans l’un d’eux que sont conservés de manière tout à fait exceptionnelle deux cahiers de cours moyen de l’année scolaire 1898-1899 ayant appartenu à François Leroy, âgé de dix ans. Il est le fils de l’instituteur de l’école communale de Gennes-Ivergny.
De l’école à la guerre
Reflet attachant d’une époque, ce cahier nous renseigne sur la pédagogie de cette fin du XIXe : leçons de chose, cartes à main levée, leçon de morale ou pages d’écriture à la plume Sergent Major.
Plus qu’un simple cahier d’écolier, il est aussi un témoignage vivant des mentalités et de ce qu’était la France à la veille du XXe siècle. Il permet de mieux comprendre notre Histoire. Cartes des colonies africaines, frontières de la France amputées de l’Alsace et de la Moselle, éveil au patriotisme, enseignement des valeurs de travail, d’honneur et de devoir : l’école forme les consciences des futurs jeunes soldats. Quinze ans plus tard, la guerre 1914-1918 fera passer sous les drapeaux près de huit millions de Français en quatre ans.
L’élève François Leroy, devenu caporal dans le 79e régiment d’infanterie, est mort pour la France lors des combats de la Somme le 3 octobre 1914.