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La famille Leducq, une dynastie de maîtres de poste à Marquise

En 2011, ont été déposées aux archives départementales du Pas-de-Calais les archives de la famille Leducq, dont plusieurs membres ont été maîtres de poste aux chevaux à Marquise, au XVIIe et XVIIe siècles.

Le fonds Leducq (sous-série 95J)

Ce petit fonds, qui représente 45 centimètres linéaires couvre une période de plus de trois siècles (à savoir de 1581 à 1894).

Il regroupe ainsi les papiers des membres de la famille Leducq sur près de huit générations !

Malgré l’état souvent médiocre des documents les plus anciens, le fonds Leducq permet de comprendre la gestion des biens fonciers d’une famille de notables marquisiens.
La possession de nombreuses terres entraîne forcément nombre de conflits, réglés auprès des tribunaux de basse et moyenne justice, tels que ceux du bailliage de Wissant ou de la sénéchaussée du Boulonnais. L’abondance de pièces de procédure retrouvées dans ce fonds témoigne d’une société d’Ancien Régime éminemment procédurière. Ces procès prouvent, à l’instar de tous les titres de propriété conservés, l’aisance financière de la famille Leducq, car intenter un procès coûte cher.
L’originalité du fonds Leducq réside aussi dans les quelques documents qu’il contient, concernant la maîtrise de poste aux chevaux.

Accéder au fonds Leducq (95 J)

Qu’est-ce que la poste aux chevaux ?

C’est en 1464 que Louis XI, crée, par l’édit de Luxies (aujourd'hui, Lucheux dans la Somme), un réseau de relais pour les "courriers du roi". Toutefois, ces grands chemins de relais ne servent uniquement que pour l’exercice du droit régalien. Cette situation dure 133 ans, jusqu’à ce que, par l’édit du 8 mai 1597, Henri IV établisse des relais de chevaux de louage pour permettre à chacun de voyager sur les grands chemins. Le contrôleur général des Postes est, alors, autorisé à créer de nouveaux relais royaux en ouvrant de nouvelles routes postales entre les villes du royaume. Vers 1626, on compte environ six cents maisons de poste et vingt-sept routes postales. La ferme générale des postes, créée en mars 1672 par le surintendant Louvois, établit, dès 1673, le monopole des Postes. L’institution disparaît en 1873, consécutivement au développement des chemins de fer.

Peinture représentant un attelage arrêté devant une grande bâtisse.

Une diligence arrêtée devant une auberge, vers 1830. Peinture de Delaye. Musée de la Voiture et du Tourisme, à Compiègnes. Illustration tirée de l'ouvrage "Histoire de la locomotion terrestre". Texte et documentation de Baudry de Saunier, Charles Dollfus et Edgar de Geoffroy, Paris, l'Illustration, 1936. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHE 69.

Malgré son importance, l’institution de la poste aux chevaux dans nos provinces n’a laissé, jusqu’au dépôt de ce fonds, que très peu de traces dans les archives départementales du Pas-de-Calais.

La poste aux chevaux de Marquise

Le relais de poste aux chevaux de Marquise se trouve sur un des axes qui relie Paris à Dunkerque, à mi-chemin entre Boulogne et Calais. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le trajet entre Boulogne et Calais, ne peut se faire qu’au pas, à cause du mauvais état de la route. Il faut ainsi une bonne journée pour parcourir le trajet entre les deux ports. En raison de la difficulté du chemin, il est même nécessaire d’établir, en 1717, un relais supplémentaire entre Marquise et Calais, au lieu-dit du Haut-Buisson, situé dans la paroisse de Saint-Inglevert.
Le premier maître de la poste du Haut-Buisson est, d’ailleurs, un dénommé Jacques Grandsire (1693-1763). Cependant, durant les dernières décennies du siècle, le pavage des routes et l’amélioration technique des diligences, permettent aux voyageurs un gain de temps considérable. En 1775, il ne faut plus que deux jours pour relier Paris à Boulogne-sur-Mer, contre quatre à cinq, au début du siècle.

Le fonds Leducq contient ainsi, les papiers produits par trois membres de la famille Leducq qui ont exercé la charge de maître de poste à Marquise. Tous les trois, portant le même prénom – Marc – que nous parvenons à différencier grâce aux noms de leurs épouses.

gravure monochrome représenant un attelage en mouvement.

Coche de voyage sous Louis XIV. Reconstitution de Carle Vernet. Ministère des Travaux publics. Illustration tirée de l'ouvrage "Histoire de la locomotion terrestre". Texte et documentation de Baudry de Saunier, Charles Dollfus et Edgar de Geoffroy, Paris, l'Illustration, 1936. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHE 69.

Le premier membre de la famille à avoir obtenu le brevet de maître de poste est donc Marc Leducq (1654-1702) qui a épousé Marie Frest (1657-1690) en 1674, puis Marguerite Ringot, en secondes noces, en 1690. Ayant hérité de nombreuses terres à labour acquises par son père, il exerce aussi le métier de cultivateur, qui doit lui assurer ses principaux revenus.

Son fils, Marc Leducq (1677-1728) est, comme son père, cultivateur et maître de poste. Il épouse, en 1708, Marie-Jeanne-Élisabeth Lonquéty (1686-1748) avec qui il a cinq enfants.

Enfin, Marc Leducq (1708-1780), troisième du nom, fils aîné du précédent, est à son tour, comme son père et son grand-père, cultivateur et maître de poste. Cette charge avantageuse se transmet, en effet, traditionnellement de père en fils ; et devient même héréditaire à partir de 1692. Il se marie en 1736 à Marie-Jeanne Duhen (1702-1759), avec qui il a cinq enfants, dont Marie-Nicole (née en 1743) qui épousera le maître de poste de Boulogne-sur-Mer, Jean-Baptiste Gambard.

Une pétition à l'honneur

La pétition est rédigée par des maîtres de postes, soucieux de défendre leurs prérogatives, face à la concurrence des loueurs de chevaux et de voitures, semble-t-il, soutenus par le fermier des carrosses. Les postes aux chevaux du Boulonnais semblent, apparemment, avoir été témoins de nombreuses querelles et même de voies de fait entre les "racoleurs" professionnels qui se disputent les voyageurs transitant entre la France et l’Angleterre.

Document manuscrit retranscrit ci-contre.

Pétition des maîtres de poste contre les loueurs de chevaux et de voitures [1764]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 95 J 4.

Il faut dire que le commerce est, dans les ports de Calais et de Boulogne-sur-Mer, assez lucratif et que les maîtres de poste sont naturellement jaloux de leurs privilèges. Par exemple, l’un des privilèges que l’on trouve mentionner dans le présent document est par exemple celui de la vitesse. En effet, eux seuls ont le pouvoir de faire galoper leurs chevaux alors que les entrepreneurs de voitures publiques ne peuvent faire aller leurs chevaux qu’au pas ou au trot. Un autre privilège évoqué, est celui de porter certains attributs reconnaissables : "en guides et en bottes". Les postillons ont en effet pour habitude de laisser attacher à la selle du cheval des bottes de cuir très dur dans lesquelles ils glissent leurs jambes. Elles devaient leur éviter d'avoir les membres écrasés lors d'une chute. Et elles furent popularisées par Charles Perrault sous le nom de bottes de sept lieues, distance moyenne entre deux relais. Toutefois, la distance entre deux relais n’est pas fixe et varie selon la nature des zones à parcourir.

Ce document, adressé au duc Étienne-François de Choiseul, ministre de la Guerre et de la Marine, a été rédigé par Marc Leducq-Duhen, Jacques Grandsire et Jean-Baptiste Gambard.

Marc Leducq, présenté précédemment, est maître de poste à Marquise. Quant à Jacques-Nicolas-Fidèle Grandsire (1729-1809), il est le fils et successeur de Jacques Grandsire, premier maître de poste du Haut-Buisson, relais situé au sommet d’une côte à Saint-Inglevert, à dix kilomètres au nord de Marquise. Et le dernier signataire est Jean-Baptiste Gambard, maître de poste, installé, en 1764, rue Royale à Boulogne-sur-Mer. Il est également le gendre de Marc Leducq, ayant épousé sa fille, Marie-Nicole Leducq, le 4 juillet 1769. Cette union prouve que les relations entre les maîtres de postes sont étroites et qu’ils ont même tendance à former une véritable caste. Bien vite à l’étroit, rue Royale, Jean-Baptiste Gambard obtient, le 15 mars 1770, l’autorisation de transférer la poste aux chevaux au faubourg de Bréquerecque (alors situé sur le territoire de Saint-Martin-Boulogne), au grand dam des hôteliers et marchands de la ville de Boulogne-sur-Mer.

Le fonds Leducq est librement communicable, dans la salle de lecture du centre Mahaut-d’Artois, à Dainville.

Pour aller plus loin

  • Guide de recherche sur l'histoire de la Poste en France des origines au Premier Empire, Comité pour l'histoire de la Poste, Paris, 2005. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7094;
  • A. BENOIT, La poste aux chevaux en Boulonnais (1552-1872), Imprimerie du Littoral, Boulogne-sur-Mer, 1936. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 572/3 ;
  • A. LEROY, La poste aux chevaux (Le service Paris-Calais). Archives départementales du Pas-de-Calais, Ms 290 ;
  • P. NOUGARET, Les sources de l'histoire postale (poste aux chevaux, poste aux lettres, messageries et diligences). Guide des recherches. Tomes 1 et 2, Éditions Musée de la Poste, Paris, 1992. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 791/1-2 ;
  • L. PETER, Boulogne-sur-Mer et la Poste (1700-2000), Imprimerie du Détroit, Rinxent, 2000. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 2944 ;
  • A. de POLIGNAC, État général des postes de France pour l'année 1787, Ph.-D. Pierres, 1787. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHA 233.