Aux électeurs du Pas-de-Calais
Citoyens,
Je m’offre à vos suffrages, pur de toute complicité avec le passé. J’ai vécu dans la carrière indépendante des lettres ; mais en ces temps de lutte, de même que le Travailleur quitte pour le fusil les instruments du travail, j’ai déposé la plume du Littérateur pour m’armer de celle du Publiciste.
Je me suis depuis longtemps préparé par l’étude et la méditation à notre régénération sociale. Mon programme politique est irrévocablement arrêté. – Ma profession de foi sera ce qu’elle doit être dans un temps où les longues phrases ne servent souvent qu’à voiler la pensée : elle sera brève et lucide.
Je crois à la République comme je crois en Dieu !
Je prends devant vous l’engagement de la servir quand même, de toute ma force, de tout mon courage !
Quant aux questions sociales qui surgissent de toutes parts, leur solution gît tout entière, j’en ai la ferme conviction,
- Dans l’exercice de toutes les Libertés ;
- Dans le renversement des monopoles et des privilèges ;
- Dans la réduction graduelle des charges de l’État, et conséquemment dans la diminution des impôts.
Pour la politique extérieure, je me range entièrement aux avis exprimés dans la circulaire de l’un des plus grands citoyens de notre jeune République, de Lamartine : prosélytisme du bon exemple, propagande armée, s’il le faut, en faveur des peuples qui voudraient comme nous combattre pour leur indépendance.
Que vous me jugiez ou non digne de vos suffrages, voilà, Citoyens, quelle sera la règle invariable de ma vie politique.
Citoyens des campagnes, je ne terminerai point cette circulaire sans vous adresser quelques mots. Je suis né dans le département du Pas-de-Calais, j’ai passé parmi vous plusieurs années de ma vie, je connais vos souffrances, et j’ai la certitude que la République saura les adoucir.
Il ne faut pas que le peuple des campagnes se défie de ce qu’a fait le peuple des villes. Il n’y a plus aujourd’hui de distinction de caste possible entre les Citoyens ; il n’y a plus ni bourgeois ni paysans ; de quelque outil qu’ils piochent, tous les travailleurs sont frères. La différence d’habits et de langage ne doit plus séparer les hommes ; l’amour du bien public établit entre eux une communion de sentiments et d’idées qui leur fait une langue nouvelle comprise de tous, parce que tous la parlent. Si le peuple des campagnes s’isolait dans ce grand mouvement révolutionnaire, s’il se montrait moins dévoué, moins courageux, moins intelligent que le peuple des villes, il ne mériterait pas les bienfaits que la République lui prépare.
Que vous votiez pour moi ou pour de plus dignes, Électeurs ruraux, ne manquez pas à l’appel, vous manqueriez à la Nation et à vous-mêmes ! il s’agit d’intérêts incalculables ; il s’agit du salut de la France !
C. Hippolyte CASTILLE, de Montreuil, rédacteur en chef de la République française.