Archives - Pas-de-Calais le Département
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La Journée du Pas-de-Calais

Créé le 25 février 1915 à l’initiative de la préfecture, le comité départemental de secours aux éprouvés de guerre est une œuvre chargée de collecter des fonds afin de soulager les maux des populations engagées dans le conflit. Durant la guerre, il réussit à redistribuer près de cinq millions de francs en finançant d’autres œuvres consacrées aux réfugiés ou aux mutilés par exemple, mais aussi en envoyant des colis aux soldats sur le front ou aux prisonniers de guerre.

Subventionné par l’État et le département, le comité est également autorisé à organiser des actions propres dans le but de lever des fonds ; c’est à ce titre qu’est organisée une première Journée du Pas-de-Calais les 13 et 15 août 1916, puis une seconde les 15, 18 et 25 août 1918.

La Journée du Pas-de-Calais

Paris vient d’avoir sa "Journée" le Pas-de-Calais aura prochainement la sienne.

On sait, en effet, que le comité départemental des secours aux éprouvés de la guerre que préside M. le Préfet a décidé d’organiser un appel à la générosité publique en faveur des importantes œuvres qu’il a créées et auxquelles un million et demi a déjà été consacré.

Près de sept cent mille francs ont été réservés aux soldats des régions envahies et plus d’un demi-million a servi à améliorer le sort des malheureux prisonniers civils et militaires.

Les mutilés et les réformés ainsi que les rapatriés ont également bénéficié largement de la sollicitude du comité départemental.

D’autre part, "Le vestiaire des envahis" a été constitué.

"La Journée du Pas-de-Calais" aura lieu dans le courant du mois d’août.

Nul doute que les vaillantes et patriotiques populations du Pas-de-Calais qui ont assuré le succès des précédentes "journées" nationales ne participent avec le même entrain à la réussite de la journée départementale.

La France du Nord, mercredi 19 juillet 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/94.

Plus de 700 communes non envahies ont répondu présentes pour organiser cette Journée d’appel aux dons et de générosité. Des équipes de quêteurs sont constituées, d’autres sont chargées de centraliser les souscriptions qui émanent de particuliers et de collectivités.

Certaines municipalités inscrivent en effet un crédit au budget de la commune. La ville de Folkestone donne ainsi 5 600 francs en faveur des œuvres de guerre départementales et des prisonniers boulonnais, dont 3 600 francs destinés à la Journée du Pas-de-Calais.

Le "France’s Day", manifestation organisée en Angleterre le jour de la fête nationale française au profit de la Croix-Rouge, avait déjà témoigné de la générosité britannique : dans un article paru dans La France du Nord du 10 août, il y est question d’une somme de plus d’un million et demi de francs de souscriptions et il est mentionné que les organisateurs escomptaient encore plus de 500 000 francs.

La Journée du Pas-de-Calais 

La prière de la quêteuse

Passant, que le hasard envoie sur mon chemin,
Ne te détourne pas, de maussade manière
Lorsque j’offre vers toi ma timide aumônière
Au geste généreux que j’attends de ta main.

Ma voix, pour t’implorer, trouve son éloquence
En ces mots suppliants, simples et obstinés
Qui émeuvent toujours : "Pour les Infortunés"
Sans te lasser, passant, accueille leur fréquence.

Sans te lasser, passant, répète tes offrandes
Songe qu’ils sont nombreux ceux à qui l’on a pris
Leurs soutiens, leurs foyers, leurs champs et leurs abris
Songe qu’ils sont nombreux et leurs misères grandes.

Je vais, glanant, pour eux, des miettes de bonheur :
Imite le faucheur dont les gerbes sont belles
Et qui en laisse choir d’abondantes parcelles
Sans jamais demander quel sera le glaneur.

Passant, je suis l’abeille à qui échut le rôle
D’aller et butiner où la bonté foisonne
Imite le fleuron où l’insecte moissonne ;
Ouvre-moi ta pitié pour féconde corolle.

Et j’y pourrai puiser, sans jamais la tarir,
Car je sais que tu veux ta part de sacrifices
À l’heure où la Patrie choisit, sans artifices
Ceux qui doivent donner et ceux qui vont mourir. 

V. Dreulle

La France du Nord, vendredi 11 août 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG16/95.

À côté de ces quêtes, les organisateurs prévoient la vente de billets de loterie, d’insignes-écussons de la Journée du Pas-de-Calais, d’insignes "la rose et la pensée" ou encore de cartes postales créées par le graveur Arthur Mayeur.

Les recettes de l’édition de 1916, qui rend hommage à la coopération des alliés anglais et belges, dépassent toutes les espérances, puisque l’ensemble de ces actions permet de récolter 353 057 55 francs ensuite reversés à diverses œuvres. 

La Journée du Pas-de-Calais les 13 et 15 août

Elle s’annonce comme devant être une superbe manifestation de solidarité et d’entrain patriotique.

Déjà les souscriptions affluent empressées et importantes et font présager du résultat final lorsque les gros sous, mêlés aux pièces blanches, se totaliseront.

Dans beaucoup de localités, les conseils municipaux eux aussi désirent apporter leur offrande aux œuvres départementales de guerre. Ils se proposent d’inscrire à cet effet un crédit au budget de la commune et nous savons que M. le Préfet est tout disposé à approuver leur vote.

Cette émulation généreuse n’est pas pour nous surprendre. Quel est donc celui qui aurait le triste et affligeant souci de s’isoler dans un égoïsme coupable alors qu’il reste encore tant de douleurs à calmer, tant de misères à soulager, tant de détresses à secourir ?

Et puis, chacun voudra conserver de la Journée départementale, un souvenir tangible que les uns enverront aux vaillants défenseurs du sol, que les autres transmettront avec leur pensée affectueuse aux malheureux internés dans les camps allemands, que beaucoup rangeront avec soin dans les objets de famille.

Plus tard, lorsque le terrible drame sera terminé, que la Victoire en marche sera définitive et qu’au foyer reconquis et restauré le père, l’époux, le fils et le frère auront repris leur place, on sera fier et heureux de montrer qu’à l’arrière aussi on a fait son Devoir.

Réunion de la commission

Hier, à 6 heures, s’est réunie à la mairie comme nous l’avions annoncé la commission d’organisation de "la Journée du Pas-de-Calais" des 13 et 15 courants, sous la présidence de M. Haffreingue, adjoint au maire.

M. Certeux, sous-préfet de l’arrondissement, assistait, ainsi que le principal du collège Mariette, l’inspecteur primaire, les directrices d’écoles et les représentants des divers groupements et fédérations boulonnaises.

En ouvrant la séance, M. Haffreingue remercia les collectivités ainsi que les personnalités locales convoquées d’être venues en aussi grand nombre.

On s’occupa ensuite de la division de la ville par secteur en prenant comme modèles les sections électorales et en invitant les personnes présentes à indiquer leurs préférences à cet égard, ce qui fut fait.

M. le principal du collège et les directrices d’écoles assurèrent en outre le président du plus entier et plus dévoué concours du personnel enseignant. Tous les représentants de sociétés, institutions et fédérations locales s’engagèrent de même au nom de leurs collègues.

Il fut ensuite décidé que, dès le matin, un couple de quêteurs parcourrai[en]t les différentes rues de la ville pour offrir des cartes postales aux habitants.

À propos de ces cartes postales M. Certeux insiste tout particulièrement sur l’intention qu’à eue M. le Préfet de concrétiser l’admirable effort de nos alliés anglais et l’héroïque vaillance des Belges en les associant étroitement à la Journée. Leurs drapeaux sont mêlés aux couleurs françaises dans l’insigne-écusson "Journée du Pas-de-Calais", de même que dans l’affiche-appel dont une partie mentionne en texte anglais le but de la souscription.

Les insignes "La Rose et la Pensée", emblèmes de l’affection et du souvenir, permettront aux acheteurs qui s’en pareront, de marquer leur reconnaissance et leur admiration pour les valeureux et intrépides vengeurs du Droit et de la Justice violés, en même temps que leur pieux hommage aux morts héroïques, leur fidélité attendrie aux prisonniers qui souffrent dans les geôles allemandes, leur compassion aux douleurs des familles qui de l’autre côté du front de bataille, subissent stoïquement la contrainte allemande.

Quant aux cartes postales auxquelles le maître graveur M. Mayeur, a su donner un caractère artistique éminemment original, elles perpétuent d’une manière tangible et saisissante la fraternité d’armes des soldats français, anglais et belges confondus dans un même et sublime élan pour libérer à jamais nos provinces souillées et meurtries : elles symbolisent, en les glorifiant, la mer où évolue la "Great Fleet" dont les panaches de fumée laissent apercevoir, comme un présage de victoire, le léopard britannique étranglant l’aigle impérial allemand :

"Notre pays minier aux fosses bouleversées par les éclatements de bombes ;
son héroïque chef-lieu martyr où se profilent quelques-unes de ses merveilles d’art victimes du vandalisme germanique."

Pour accroître encore la recette de la journée, le représentant de la France du Nord M. E. Martel proposa l’organisation d’un concert, en faisant appel au bienveillant concours des éléments locaux.

Cette proposition fut unanimement agréée. M. le Sous-Préfet fit remarquer que, pour réserver un plus large champ au concours des quêteurs et quêteuses, ce concert pourrait être organisé au jardin des Tintelleries, indépendamment de celui de la Digue.

On pourrait aussi demander aux directeurs de cinémas de laisser mettre à l’entrée de leurs salles un plateau au bénéfice de l’œuvre.

Enfin M. Certeux rappelle qu’une tombola avec lots en espèces était en voie d’organisation grâce au généreux concours de commerçants locaux dont plusieurs ont bien voulu également se charger de la vente des billets.

En terminant, M. le Sous-Préfet les remercia chaleureusement ainsi que les quêteurs et quêteuses pour leur collaboration aussi spontanée que dévouée, ne doutant pas que tous ces concours réussiront à assurer le brillant succès de "la Journée du Pas-de-Calais" dont le résultat semble appelé à dépasser encore celui des précédentes.

Il était 8 heures quand M. Haffreingue déclara la réunion levée.

La France du Nord, jeudi 10 août 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/95.

Trois estampes lithographiques sont dessinées pour l’événement par l’artiste Arthur Mayeur. Vendues sous forme de cartes postales, elles illustrent l’entente et la cohésion des alliés face à l’ennemi commun.

Lors de l’édition de 1918, le même artiste est pressenti pour créer trois nouvelles cartes postales, ainsi que des médailles de vermeil et d’argent.

Pour consulter ces documents, rendez-vous sur la page "La Journée du Pas-de-Calais" de l’exposition virtuelle consacrée aux gravures de guerre d’Arthur Mayeur.

Les cartes postales de Mayeur 

Napoléon affirmait qu’un croquis lui enseignait plus de choses qu’un long récit.

De fait, l’image frappe rapidement l’esprit, et nous laisse un souvenir autant durable que vivace.

Aussi est-il logique de symboliser, en une série de dessins choisis spécialement, le but éminemment louable que poursuivent les organisateurs de la "Journée du Pas-de-Calais" appelée à soulager les infortunes de tant de prisonniers, de tant de combattants, de tant de déracinés, de tant de mutilés héroïques originaires de notre cher département.

Il appartenait à un illustre enfant de l’Artois envahi, de créer de véritables chefs-d’œuvre. C’est chose faite. La carte postale les popularisera et le jour venu, ils seront aux généreuses personnes qui par leur offrande, contribueront à assurer le succès de la noble manifestation qui se prépare en faveur de ceux qui souffrent loin du foyer dévasté, souillé par la présence du cruel ennemi.

Arthur Mayeur, un Carvinois, dont le talent puissant a produit tant de belles choses ; qui garde, de son passage à la Villa Médicis, l’empreinte merveilleuse du génie italien a, en trois dessins, immortalisé l’effort extraordinaire, la vaillance des Alliés ; et, par contraste, d’une façon saisissante, fait toucher du doigt, l’œuvre épouvantable du Monstre acharné à détruire le splendide patrimoine de nos provinces aimées.

Délaissant le burin, qui n’a plus de secrets pour lui, notre impeccable Grand-Prix de Rome a mis toute son âme d’artiste et d’Artésien pour, d’un crayon vengeur, stigmatiser la barbarie teutonne et fortifier l’espoir invincible dans les heureuses Destinées de la Nation.

… Un brave Français, à la figure fière, énergique, la bourguignote crânement campée ; genou à terre, prêt à bondir, le fusil en mains, est sur le qui-vive. À ses côtés, un brave belge vise, lui aussi, l’ennemi qui va surgir de son repaire ; et un Tommy, au visage placide, flegmatique, interroge d’où peut venir le danger.

Ce groupe se détache en un relief superbe, accentué par l’esquisse des ruines glorieuses de ce qui fut un des joyaux de notre cher Artois : le beffroi d’Arras, qu’accompagne la silhouette harmonieuse des claires demeures qui donnaient, aux Places, un caractère hispano-flamand si pur, et pittoresque.

L’atroce barbarie ancestrale du Prussien s’accuse, entière, dans cette destruction systématique, voulue, inutile, des gloires architecturales d’une cité dont la vaillance, léguée par les générations passées, perpétue sa gloire immaculée.

Aussi la trouvaille est-elle heureuse du coq gaulois se dressant superbe, écrasant, de ses ergots vengeurs, le monstrueux casque teuton dont la pointe orgueilleuse touche le sol, écoulé comme le sera le peuple qui, trop longtemps, s’en est servi comme d’un épouvantail.

Heureuse encore cette allégorie gravée, semble-t-il, entre deux coups de feu, par un sublime gavroche qui a peut-être payé de son sang son Credo en la libération du territoire. D’un brandon calciné, il a rappelé la mâle figure d’un de nos grands chefs. Elle illumine le clair obscur du pan de mur éventré par les obus. C’est Pétain, dont Arras-la-Martyre s’enorgueillit de l’avoir possédé jadis.

C’est le héros de Verdun auquel la Victoire, aux ailes largement déployées, a inspiré de magnifier, dans un ordre du jour célèbre, ce cri qui console de toutes les angoisses, qui autorise tous les espoirs et que répètent les Défenseurs du Droit opprimé, de la Civilisation en péril : "On les aura".

T. d’Hénin. 

La France du Nord, jeudi 27 juillet 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/94.