Archives - Pas-de-Calais le Département
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Le sac de Lens avant l’arrivée des troupes britanniques

Carte postale noir et blanc montrant des spmdats rassemblés dans une rue.

Photographie noir et blanc montrant des officiers et soldats allemands dans une rue de Lens. Archives départementales du Pas-de-Calais, 48 Fi 80.

Depuis octobre 1914, la ville de Lens est occupée par les troupes allemandes. Lens devient une ville de garnison rassemblant près de douze milles hommes de troupe. Pendant plus de trois ans, la vie s’organise au rythme d'un front toujours proche du fracas des combats. À la fin de l’année 1916, le comportement de l’occupant se modifie. Battus à Verdun et sur la Somme, les Allemands prennent conscience qu’une puissante offensive va bientôt se dérouler vers Lens. Ils adoptent une attitude plus stricte vis-à-vis des populations civiles. Sur le terrain, ils cherchent à détruire économiquement la région pour handicaper les futurs occupants.

Car en avril 1917, le front se rapproche de Lens, la crête de Vimy n’est qu'à quelques kilomètres de la capitale du bassin minier. Les derniers habitants lensois sont évacués de force par les autorités d’occupation. Des raids anglo-canadiens sont régulièrement menés contre les positions allemandes, notamment le long de la Souchez.

Au début du mois de mai 1917, la 4ième division canadienne cherche à ouvrir une brèche dans la vieille ligne Vimy-Lens pour s’emparer des positions fortifiées entre Avion et Souchez. Ces opérations sont destinées à mettre en mouvement les réserves allemandes afin de permettre à l’artillerie d’obtenir un accès à la route vers Lens. Un raid de grande envergure est entrepris les 8 et 9 juin afin de remonter jusqu’au front au nord de la Souchez.
Au total, 150 abris sont bombardés et un grand nombre de mitrailleuses allemandes sont capturées ou détruites. La nuit du 24-25 juin, les troupes allemandes chevauchant la Souchez commencent à reculer devant les attaques de la 46ième division anglaise.
Le 28 juin à 2h30 du matin, le 1er corps d’armée et le corps canadien attaquaient respectivement au nord et au sud de la Souchez mais un orage violent avait mis la Souchez en crue ce qui retarde l’offensive alliée sur Lens à la mi-août. 

L’importance de l’avance anglaise

La censure anglaise laisse passer en ce moment des indications fort intéressantes sur la marche des troupes britanniques au sud de Lens, continuant l’investissement lent, mais sûr, dont la vaste capitale du pays noir artésien est l’objet. De son côté, l’état-major allemand paraît préparer l’opinion à un repli qui abandonnerait sans bataille sérieuse cette cité illustrée déjà par la victoire de Condé.

On a pu remarquer que les communiqués de nos alliés ont manqué de précision. Ce vague était évidemment voulu. Pendant plusieurs jours les renseignements se bornaient à annoncer des combats sur les deux rives gauches de la Souchez, c’est-à-dire en amont de Lens, entre la ville et Liévin car, en aval, la Souchez se nomme Deule. On laissait entendre que la pression s’affirmait surtout au sud.

Il y a là une rive allongée, longue d’environ une lieue, depuis Givenchy-en-Gohelle où elle se rattache au plateau de Vimy ; elle va mourir au-dessus de Lens où son extrémité porte le village minier d’Éleu, dit Leauvette. La route d’Arras l’aborde à Éleu et redescend sur l’autre versant dans un pli où là croise un chemin conduisant de Givenchy à Avion. Au carrefour, à un kilomètre seulement d’Avion, est le hameau de la Coulotte ; on a vu que celui-ci avait été enlevé mardi à la suite d’un combat sur lequel les détails font encore défaut mais qui dut être très sérieux puisqu’il a valu aux Britanniques 3 kilomètres de front allemand.

Lens est donc abordé au sud, nos alliés touchent aux maisons d’Avion, bourg de mineurs peuplé avant la guerre de plus de 8.000 habitants et séparé de Lens par les multiples réseaux de rails par lesquels les chemins de fer miniers se raccordent aux lignes à double voies venues d’Arras, de Douai, d’Ostricourt et de Lille, formant ensuite un tronc commun jusqu’à l’immense gare de Lens, d’où partent, au nord, les lignes d’Armentières, de Dunkerque et de Saint-Pol.

Cette énumération de voies ferrées, connues largement pour faire face à un trafic intense, explique l’importance de Lens au point de vue militaire et pourquoi l’ennemi s’y est si fortement retranché. L’abandon de cette ville serait pour lui un coup très sensible, équivalent à l’aveu de son infériorité en face des Anglais. Pour nous, ce serait un très grand avantage, surtout si l’on peut refouler les Allemands au-delà d’Hénin-Liétard. Il nous faudrait la libre disposition du chemin de fer de Paris à Arras et Dunkerque.

Au point de vue économique, la reprise de Lens permettrait d’entreprendre la réfection des établissements miniers, de déblayer les fosses et leurs abords, de rétablir l’outillage des puits. C’est à une œuvre de cette importance que le concours des Américains peut être utile.                                                                                             

Ardouin-Dumazet

La France du Nord, samedi 30 juin 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.

Au-delà des multiples réquisitions qui privent les populations civiles de biens dont elles avaient besoin, la Kommandantur institue une réquisition militaire à grande échelle. Les Allemands pillent la ville de tout ce qui peut leur être utile pour la poursuite de la guerre. Ces réquisitions stratégiques ruinent l’économie lensoise. Les Allemands pratiquent un démontage systématique de tout le matériel d’origine allemande des mines de Lens. Ils récupèrent le cuivre et les autres matériaux utilisables pour leurs industries. Ce qui ne peut pas être expédié en Allemagne est détruit sur place. Ceux qui protestent contre ces pillages sont dans le meilleur des cas déportés, et dans le pire, fusillés pour l’exemple.

Le sac de Lens

L’ennemi n’a pas ralenti ses efforts en vue de détruire Lens.

Lens apparaît à distance, intacte et habitable, mais elle n’est plus qu’un monceau de ruines qui s’évanouira en fumée lorsque le dernier Hun se glissera le long de la route qui, au milieu de crassiers, mène à Sallaumines.

Les troupes vivent le jour dans les tunnels et les caves et circulent quelquefois, la nuit, à travers les rues désertes, mais il n’y a pas d’autre apparence de vie.

Dans ce centre minier jadis prospère de 30.000 habitants, qui tous se sont évanouis dans le pays inconnu des réfugiés, les maisons ont été systématiquement saccagées, et tout ce qui présentait la moindre utilité a été enlevé.

Le butin artistique a été peu important dans cette communauté industrielle, mais par contre celle-ci livra une grande quantité de machines et d’outils servant à l’exploitation des mines et une masse de métaux qui seront vendus sur les marchés allemands.

Des annonces ont paru dans plusieurs journaux allemands, offrant à la vente certaines catégories de machines et divers matériaux des districts envahis, et Lens a contribué à la formation de ces réserves de marchandises volées, chaque usine en arrière d’Arras et dans la ville de Douai a été dépouillée par des experts qui ont fait choix seulement des articles valant la peine d’être emportés. Des tonnes de vêtements, la propriété des déportés civils, ont été expédiés des villes dévastées, en Allemagne pour y être utilisées en qualité de chiffons pour la fabrication du papier.

La France du Nord, lundi 4 juin 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.