Bien qu'ayant donné l'ordre d'arrêter l'offensive Michael le 5 avril 1918, le général Ludendorff se refuse à admettre son échec. Les troupes allemandes ont progressé de 65 kilomètres, mais sont épuisées et n'ont pu briser la liaison de l'armée britannique avec les Français, qui ont pu ainsi lui porter secours. Pour la déloger définitivement, Ludendorff décide d'attaquer dans le secteur calme des Flandres, sur la Lys, et non entre Béthune et Arras, comme le croit Haig. Il déclenche la deuxième phase de son offensive entre Armentières et La Bassée : il s'agit de traverser la Lys, de s'emparer du nœud ferroviaire d'Hazebrouck (Nord), puis d'atteindre le détroit du Pas-de-Calais et les ports de Calais, Boulogne et Dunkerque, enfin d'encercler Ypres (Belgique). Le front d’attaque s'étend sur 26 kilomètres, de Frelinghien (Nord) au canal de La Bassée.
Des deux côtés de la Lys, les Allemands alignent dix-sept divisions. Au nord, la IVe armée (commandée par le général Friedrich Bertram Sixt von Arnim) et, au sud, la VIe (du général Ferdinand von Quast). Le secteur a été choisi pour diverses raisons. Grâce à la longue période de sécheresse depuis la mi-mars, le terrain est consistant, alors qu'à certaines époques de l'année, l'eau est un véritable cauchemar pour les troupes chargées de tenir les positions dans cette région. En outre, le front britannique au nord de Lens a été dégarni au profit des armées engagées au sud d'Arras, et comprend quelques divisions fatiguées de leur participation aux batailles de la région picarde. Ludendorff pense pouvoir écraser les deux divisions portugaises, puis se retourner contre l'armée belge : il lui suffirait de s'emparer des monts des Flandres et d'y installer des observatoires d'artillerie pour rendre la plaine infréquentable par les Anglais, ce qui ferait tomber le saillant d'Ypres.
Les premiers bombardements sur le front des Flandres débutent le 7 avril 1918, entre Armentières et La Bassée : la ligne de front portugaise, qui s'étend de Laventie au canal, n'est qu'une ligne tampon. La véritable ligne de résistance face à l'ennemi doit s'organiser quelques kilomètres plus loin, sur la rive gauche de la Lawe.
Le général Miguel Gomes da Costa dirige la deuxième division portugaise et ne dispose que de 21 000 hommes sur un secteur qui s'étend sur 12 kilomètres. C'est elle qui va subir le principal choc de l'attaque initiale. Les soldats ne parlent pas anglais et supportent de plus en plus mal l'arrogance britannique. Mal dirigés et peu motivés, ils sont sur le point d'être relevés du front quand commence l'offensive allemande. Face à eux, le général von Quast avec 50 000 hommes.
L'offensive Georgette
Le 9 avril 1918, Ludendorff déclenche ainsi la deuxième phase de son attaque, sous le nom d'offensive Georgette, version réduite de l'opération "Saint George".
L'assaut allemand, mené par la VIe armée dans la zone de Neuve-Chapelle, est lancé à 4 h 15 à la faveur d'un épais brouillard qui couvre toute la vallée de la Lys et qui a masqué les préparatifs. Il débute par un effroyable bombardement, réunissant artillerie lourde et gaz moutarde, sur les positions tenues par les deux corps (11e et 15e) de l'aile gauche de la Ire armée britannique, commandée par le général Henry Sinclair Horne. À 7 h 30, l'infanterie attaque, avec pour objectif essentiel de couper les premières lignes de l'arrière et d'interdire ainsi toute contre-attaque. Malgré une résistance désespérée et des actes d'héroïsme individuels, les troupes portugaises subissent une totale déroute et doivent se replier sur six kilomètres. 29 officiers et 369 soldats sont tués, 270 officiers et 6 315 soldats sont faits prisonniers en une seule journée. Les communes de Neuve-Chapelle, Laventie, Richebourg-l'Avoué, Bois-Grenier tombent. Les positions aux environs de Givenchy et de Fleurbaix sont toutefois maintenues et l'ennemi est finalement repoussé.
Le 10 avril, les 13e et 15e régiments d'infanterie portugais défendent avec acharnement le village de La Couture jusqu'en fin de matinée, aux côtés des Écossais. Les Britanniques sont contraints d'évacuer Armentières (Nord), face à un bombardement massif de la ville au gaz moutarde. Les Allemands continuent ainsi de progresser et s'emparent de la tête de pont britannique à Sailly-sur-la-Lys.
Au soir du 10, les troupes allemandes ne sont qu'à quelques kilomètres d'Hazebrouck et peuvent potentiellement isoler la totalité du saillant d’Ypres. Si ce nœud ferroviaire est pris, les Britanniques devront se replier sur l'Aa, et abandonner le territoire belge et le port de Dunkerque.
Le 11 avril, la ville d'Armentières est prise, mais le 4e Armeekorps n'arrive pas à percer devant Festubert et Givenchy.
La situation de l'armée britannique en Flandre française est suffisamment inquiétante pour que le maréchal Haig promulgue un ordre du jour appelé Backs to the wall : Beaucoup d’entre vous sont maintenant épuisés. À ceux-là, je voudrais dire que la victoire appartiendra au camp qui tiendra le plus longtemps. […] Chaque position doit être tenue jusqu’au dernier homme : il ne doit pas y avoir de retrait. Le dos au mur et dans la conviction que notre cause est juste, chacun d'entre nous doit combattre jusqu'à la fin.
Le 12 avril, près de 43 000 habitants du bassin minier sont évacués vers la Normandie en raison de l'avancée allemande, ainsi que 15 000 de la région d’Hazebrouck.
Du 15 au 20, les Allemands font pleuvoir un déluge d'obus sur Béthune, dont le centre-ville est incendié.
Le 16, des renforts français importants arrivent en Flandre.
Le 18, les Allemands se heurtent à une forte résistance britannique à Festubert et Givenchy-lès-la-Bassée. De violents bombardements ont lieu entre Locon et Robecq.
Le 19, l'arrivée de cinq divisions d'infanterie française permet de fixer le front.
Fin avril, Saint-Floris, près de Béthune, marque l'avancée extrême des Allemands. Dans ce village, un monument, réalisé en 1988 pour le 70e anniversaire de la bataille, commémore les 61e et 74e Yeomanry Divisions ayant combattu d'avril à août 1918 dans le secteur.
Bilan de l'opération
L'offensive Georgette s'achève le 29 avril 1918. Elle a coûté très cher en pertes humaines : 120 000 soldats en vingt jours. Ypres n'est pas tombé et les Allemands ne sont pas parvenus jusqu'à la mer. De son côté, l'armée britannique se retrouve dans un grand état d'épuisement : sur les 58 divisions présentes en France et en Flandre, 55 ont été engagées dans les combats de mars et d'avril 1918, auxquelles s'ajoutent 41 divisions françaises. Elle a perdu 302 000 hommes sur la Somme et la Lys et les Français 92 000.
C'est également pendant l'offensive de printemps, que l'as de l’aviation allemande Manfred von Richthofen a trouvé la mort, le 21 avril 1918.