Fin septembre, la troisième bataille d’Artois fait rage, éradiquant les villages les uns après les autres. Malgré cinq jours d’une violence inouïe, le général Foch estime qu’il est indispensable de monter une nouvelle attaque générale de concert avec les Anglais.
Pour ce faire, il rencontre le maréchal French à Lillers ; les directives sont en conséquence les suivantes :
- pour la Xe armée, de retirer et de faire se reposer une partie de ses forces,
- pour les 33e et 21e corps, d’achever par une attaque d’ensemble la conquête des crêtes 119 – 140, afin de pouvoir y amener une artillerie découvrant et battant la plaine,
- pour le 9e corps d’armée, de s’établir solidement sur le terrain occupé et d’en faire une base de départ, afin d’élargir les gains sur la cote 70 aussitôt que la 1re armée anglaise aura pu attaquer.
Mais les circonstances ne permettent pas de réaliser ce plan
Révision et arrêt du plan d'attaque
Les Allemands mènent des contre-attaques violentes du 3 au 8 octobre contre la 1re armée anglaise. Celle-ci est obligée d’utiliser toutes ses forces pour conserver le terrain gagné. L’attaque projetée pour le 4 octobre est remise de jour en jour, et enfin abandonnée. De plus, l’attaque de la 1re armée, fixée d’abord au 5, remise au 6 en raison de l’état du terrain, se trouve finalement reportée au 11 octobre.
Ce jour-là, la Xe armée française lance une nouvelle attaque, qui échoue à nouveau, devant la cote 140. Dans la soirée, Joffre décide l’arrêt des combats dans ce secteur du front, alors que la pluie et la boue paralysent tout mouvement.
Raisons supposées de cet échec
D’après le général Foch, l’attaque du 11 octobre a échoué par insuffisance de préparation d’artillerie (réglages peu précis, munitions consommées trop peu nombreuses). Les 10 et 11 octobre, on a tiré au total 21 600 coups de pièces lourdes, alors que les 24 et 25 septembre, on en avait tiré 73 000.
Il faut y ajouter un aménagement, incomplet sur certains points, du terrain des attaques par suite de la relève du 3e corps avant l’action. Les opérations du 11 octobre semblent avoir démontré que les unités de la Xe armée, au combat depuis vingt jours, n’ont plus toutes les capacités offensives nécessaires pour exécuter une nouvelle action d’ensemble, qui exige un arrêt des grandes opérations, tant en Artois qu’en Champagne.
Dans ces conditions, la Xe armée s’organise sur le terrain conquis, en rectifiant son front et en poussant si possible des observatoires à la crête.
Du côté anglais
De leur côté, les Anglais, après avoir subi les 8 et 9 octobre de très violentes attaques sur le front de leur 1re armée, prennent l’offensive le 13 octobre. Ils atteignent un moment la croupe d’Hulluch, mais ne peuvent conserver le terrain conquis. Le 14 octobre au soir, le commandement britannique arrête définitivement les opérations.
Les motifs de l’arrêt des opérations en Artois sont les mêmes qu’en Champagne, et l’on peut dire qu’ils s’imposent avec plus de force encore le 14 octobre pour le groupe d’armées du Nord et la 1re armée anglaise que le 6 octobre pour le groupe d’armées du Centre : épuisement des stocks de munitions et des réserves, fatigue des troupes, nécessité de constituer un corps expéditionnaire en Orient, renforcement de l’ennemi dans le secteur d’attaque.
Le 30 octobre, les Bavarois reprennent 1 200 mètres de la première ligne française sur le plateau de Vimy, annulant ainsi une partie de la progression française des mois précédents.
L’offensive principale menée en Champagne subit le même échec que la troisième bataille d’Artois. Dès le 30 septembre, Joffre décide d’y mettre fin.
Bilan
On a enregistré plus de 3 000 morts à Neuville-Saint-Vaast et plus de 2 000 à Souchez lors de la troisième bataille de l’Artois. Le bilan global de l’offensive est très limité. La Xe armée a enlevé la première ligne allemande sur une largeur de 9 kilomètres, le terrain gagné atteignant parfois en profondeur 2 kilomètres ; mais la valeur de ce terrain importe plus que son étendue.
La vallée de la Souchez dépassée (50e régiment d’infanterie), les abords immédiats des crêtes 119 – 140 en leur possession, ce sont là des résultats précieux qui permettent d’entrevoir comme fructueuse la poursuite de ces opérations. Le nombre de tués sur le front d’Artois diminue à partir de l’automne ; on compte encore près de 1 700 morts à Souchez et 1 300 à Neuville-Saint-Vaast, mais les pertes se réduisent à moins de 300 dans ces deux communes en novembre, puis à moins de 100 dans toutes les communes du front d’Artois en décembre.
Présent lors de la troisième bataille de l’Artois, l'écrivain José Germain de la 55e division, écrira :
Ni la Champagne, ni Verdun ne purent nous faire oublier le plateau où 100 000 Français reposent, où notre division perdit plus que son effectif, le bois de La Folie où l’artillerie allemande s’affola parmi 6 000 cadavres des siens, le plateau, champ clos de glaise, de marne et de craie, où, entre trois murailles de collines, s’affrontèrent sept mois durant, sans résultats décisifs, les armées de Foch et de Rupprecht von Bayern.
On peut estimer les pertes des deux camps au cours des trois offensives d’Artois à 280 000 hommes.