Dès le début de la guerre, de vastes mouvements de populations civiles se forment en Belgique et dans le Nord de la France. Les civils évacuent sur ordre des autorités militaires ou fuient l’avancée des troupes allemandes. En octobre 1914, alors que le front se stabilise pour une très longue période, on constate la mise en place de trois types de zones en Belgique et en France.
Les trois types de zones
La zone de guerre ou front
D’octobre 1914 au printemps 1918, s’établit une ligne de tranchées continue, longue de 700 km, qui s’étend de la côte belge, sur la mer du Nord, jusqu’à la Suisse. Elle reste à peu près stable jusqu’au retour de la guerre de mouvement en 1918. Toutefois, elle connaît des variations régionales, selon les différentes offensives. Cette zone a été totalement vidée de sa population civile et complètement détruite.
La zone occupée
Elle est soumise à la domination de l’armée allemande. Elle concerne un quart du territoire du Pas-de-Calais, d’octobre 1914 à octobre 1918. Dès le début de l’occupation, les Allemands imposent leur heure : deux heures de plus que l’heure française. Ils isolent les populations de la France non occupée, en coupant toute possibilité de communication. Ils installent un système de domination basé sur la peur.
À partir de 1916, de nombreux civils français et belges sont déportés, au titre du travail forcé, dans des régions éloignées. Les pillages allemands et la diminution de la force de travail entraînent des conséquences dramatiques sur la population.
La zone non occupée
Dans le Pas-de-Calais, elle correspond au territoire nécessaire au stationnement et à la logistique des armées alliées à l’arrière du front. Elle accueille des troupes massives de soldats français et britanniques.
Toutes les communes de cette zone sont occupées par des cantonnements et des hôpitaux, avec une plus forte concentration sur le littoral, notamment pour l’entrée sur le territoire de soldats britanniques et l’arrivage de l’approvisionnement.
Droits et interdictions des civils selon leur zone de résidence
Dans les zones contrôlées par les Britanniques et les Français, les déplacements sont plus libres que de l’autre côté de la ligne de front. Les civils doivent néanmoins respecter certaines règles, telles que le couvre-feu et la présentation d’un sauf-conduit pour pouvoir circuler près du front. Pour se déplacer en voiture, ils doivent préalablement faire valider leur itinéraire et ne peuvent s’en écarter sous peine d’être sanctionnés en cas de contrôle.
En effet, les mouvements de la population sont étroitement surveillés par peur de "l’espion". Les autorités civiles françaises, quant à elles, font appliquer les règlements militaires dans la zone des armées alliées, c’est-à-dire qu’elles sont chargées de les relayer auprès des habitants.
Vivre en zone régie par l’autorité française
Depuis la fixation du front jusqu’à leur départ en mars 1916, c’est la présence des troupes françaises qui est la plus importante.
La zone sous contrôle français est divisée en trois secteurs : zone de front, zone d’étape, zone arrière. La préfecture a déménagé à Boulogne-sur-Mer dès le 27 août 1914. Pendant toute la durée du conflit, le pouvoir civil est subordonné à l’autorité militaire : priorité aux convois militaires, contrôle des réfugiés, censure des journaux, contrôle postal, etc.
Dès l’entrée en guerre de la France, 17 800 gendarmes ont été affectés aux prévôtés militaires. Ils suivent les armées sur le front. Ils sont chargés de la police judiciaire, de la police générale et du maintien de l’ordre dans la zone des armées, sans oublier la surveillance des espions éventuels. Mais ils doivent également défendre les habitants contre les pillages ou tout autre acte de violence.
Vivre en zone britannique
En mars 1916, les Britanniques suppléent la Xe Armée française en Artois, sur une trentaine de kilomètres de front, de Loos-en-Gohelle à Ransart au sud d’Arras, afin de soulager les Français et de préparer une offensive de très grande envergure dans la Somme. Désormais, ils couvrent le front d’Ypres à la Somme.
Le Grand Quartier général britannique est en conséquence transféré de Saint-Omer à Montreuil-sur-Mer, afin de répondre aux besoins stratégiques liés à l’évolution du conflit et à l’extension de la zone de front dévolue à ses troupes. Il est également chargé d’assurer et de coordonner l’intendance des forces britanniques sur le territoire français.
Les relations avec les civils, tout comme celles entre la municipalité de Montreuil-sur-Mer et les dirigeants du Grand Quartier général, sont cordiales. Les militaires s’intègrent à la population, sympathisent avec les habitants, organisent des manifestations caritatives, des liens d’amitié se tissent, des liaisons amoureuses se créent même.
Mais cette situation n’a pas toujours été idyllique. Elle a provoqué aussi de nombreux litiges et désagréments pour la vie et la libre circulation des civils. En effet, l’installation du Grand Quartier général a accru les mesures de restrictions. L’accès aux débits de boissons est strictement encadré, aussi bien pour les civils que pour les militaires. La circulation en ville est autorisée de 5 heures à 22 heures ; mais les entrées et sorties sont en revanche interdites de 20 heures à 5 heures. L’éclairage des rues est supprimé et les civils ont obligation de masquer les vitres des habitations chaque soir.
Les militaires britanniques apportent leur concours aux activités économiques (agriculture et transport, aide sanitaire, financement). Les zones de cantonnements des soldats attirent de nombreux marchands ambulants, qui proposent différents produits, ce qui a pour effet d’augmenter les prix.
L’armée britannique a également mis en place une prévôté militaire qui a les mêmes droits que la gendarmerie prévôtale française.
Vivre sous domination allemande
Dans les territoires placés sous autorité allemande, la vie des civils est très réglementée. Aucun déplacement hors des communes n’est autorisé, les limites en sont strictement définies. Seules les personnes munies d’un laissez-passer, sésame indispensable, peuvent sortir de la zone délimitée. Celui-ci est payant et rarement délivré, ce qui pousse de nombreux citoyens à se déplacer clandestinement. Dans certaines localités, les prêtres, les maires et les responsables du ravitaillement sont les seuls autorisés à se déplacer.
Les seuls grands mouvements de civils sont planifiés par l’occupant : réquisition de main-d’œuvre dans des zones insuffisamment pourvues, déportation vers l’Allemagne d’otages et de personnes coupables d’actes de résistance.
L’armée allemande dispose aussi d’une police militaire, la Feldgendarmerie, qui possède les mêmes attributions que la prévôté française et la police militaire britannique.
Les populations civiles ont donc vécu la guerre d’une manière radicalement différente selon la zone où elles se trouvaient.