Lorsque la Grande Guerre est déclarée, le chemin de fer, dont la toute première ligne a été mise en service presque 100 ans plus tôt en 1827, a déjà connu une extraordinaire expansion. 1914 marque l’apogée du rail en France : grandes lignes à double voie rayonnant de Paris vers tous les pans du territoire et chemins de fer secondaires à voie étroite constituent un réseau assez homogène.
Dans le Pas-de-Calais, le réseau atteint 1 140 kilomètres. Le transport ferroviaire assure donc tout naturellement une position stratégique à la fois militaire et économique tout au long du conflit. Matériel et personnel sont mobilisés pour transporter les hommes, évacuer les blessés, ravitailler rapidement et massivement les troupes. Les liaisons ferroviaires permettent en effet de déplacer, en quelques jours, des armées entières sur de très grandes distances. Contrôler le chemin de fer devient pour les belligérants un "but de guerre" et le maintien des infrastructure un enjeu tactique majeur dans cette première guerre moderne.
Le réseau du Pas-de-Calais, contrôlé en grande partie par l’armée allemande, sort dévasté de la guerre. Les troupes d’occupation ont anéanti de manière systématique toutes les installations, le matériel, les ponts et les ouvrages d’art. Pourtant, dès 1919, le réseau est remis en service et rendu aux civils. L’État lance alors une grande campagne d’électrification et de modernisation des lignes.
En 1938, les cinq grandes compagnies du pays fusionnent pour donner naissance à la Société Nationale des Chemins de fer Français. Le réseau compte alors 515 000 cheminots et 42 700 kilomètres de voies.
La toute jeune entreprise publique se retrouve pleinement engagée dans une nouvelle guerre dès 1940. En effet, par la convention d’armistice du 22 juin 1940 les chemins de fer français sont mis à la disposition "pleine et entière" de l’occupant allemand.
Les cheminots travaillent sous le contrôle de la Wehrmachtverkehrsdirektion qui réquisitionne l’ensemble du réseau ferroviaire. Les cheminots se retrouvent en contact direct avec l’occupant ; leur hostilité à l’égard des Allemands est grande. Nombre d’entre eux entrent en résistance. La lutte se développe dans le Pas-de-Calais dès les premiers mois de 1941 ; les mineurs du bassin minier, sous l’instigation de militants communistes, ont montré l’exemple en mai en organisant une grève générale. La communauté cheminote s’organise et, malgré l’étroite surveillance des soldats allemands, multiplie les opérations de sabotage. La fragilité du matériel, la dimension et la diversité des installations, les possibilités infinies de cachettes offrent des opportunités d’actions et favorisent les coups-de-main. Le chemin de fer du Pas-de-Calais devient peu à peu un véritable maquis. De nombreux cheminots seront arrêtés, fusillés ou déportés.
À partir de 1942, les trains de la S.N.C.F. participent à la déportation des Juifs depuis la France : soixante-quatorze trains déportant des Juifs ont quitté la France entre le 27 mars 1942 et le 17 août 1944. Le 11 septembre 1942, à 4 heures du matin, la Feldgendarmerie, soutenue par la police française, lance une effroyable rafle à Lens et dans le bassin minier. Sans distinction d’âge ni de sexe, 317 personnes (dont 223 Lensois) sont arrêtées, regroupées et emmenées à la gare. Désignées pour la déportation, elles sont conduites à Auschwitz-Birkenau avec les 1 048 déportés du Transport X qui part de Malines le 15 septembre. Lors de leur arrestation, les juifs lensois n’ont bénéficié d’aucune aide, d’aucun secours de la part de la population indifférente. Toutefois, à la gare Lille-Fives, d’où part le convoi qui emmène les déportés à Malines, des cheminots résistants permettent à quelques-uns d’entre eux et notamment à des enfants de s’échapper du train.