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Des trains sous la Manche

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L'idée de relier la France et l'Angleterre par un lien fixe remonte au début du XIXe siècle avec le projet de l'ingénieur des mines Albert Mathieu, qui, en 1802, propose une galerie sous la Manche pour les malles postes et les diligences. Ce tunnel, aéré par des cheminées débouchant au-dessus du niveau de la mer, aurait été éclairé par des torches et des quinquets à huile. Même si ce projet n'a jamais eu de suite, du fait de la guerre avec l'Angleterre, Albert Mathieu est un précurseur dans la mesure où il a étudié le terrain et déjà utilisé la présence du banc de Varne où il projetait d'établir une île artificielle.

Mais l'ingénieur le plus obstiné à l'idée de relier les deux pays est, sans conteste, Aimé Thomé de Gamond (1807-1876). Spécialisé en géologie et hydraulique, il va, pendant plus de 30 ans, multiplier les projets pour franchir le Pas-de-Calais.

Photographie aérienne couleur montrant une grande infrastructure routière.

Vue aérienne du terminal, photographie Photo’R photographies aériennes. Les navettes à l’essai sont déjà visibles, 1993. Archives départementales du Pas-de-Calais, 109 J 227.

Le projet se concrétise avec le percement du tunnel. En effet, en 1868 un comité anglo-français, présidé par Lord Richard Grosvenor et Michel Chevalier, a repris l'idée du tunnel et surtout su séduire l'opinion publique britannique.

Une commission d'examen choisit leur projet en écartant les autres (tube immergé, digue, pont gigantesque...). Pendant six ans une commission se penche sur la question. Le 24 juin 1872, le gouvernement anglais adhère officiellement au principe du tunnel. En 1874, on opte pour la solution du tunnel ferroviaire avec une concession accordée pour 99 ans. La convention stipule que les concessionnaires doivent s'engager à exécuter les travaux de recherche jusqu'à concurrence d'au moins 2 millions. Il est d'autre part prévu de fortifier les accès au tunnel pour le cas de guerre.

On crée ensuite, sous la présidence de Michel Chevalier, la Société française du tunnel sous-marin, homologue de la Channel Tunnel Company.

Déclaré d'utilité publique, le chemin de fer entre la France et l'Angleterre est doté d'un cahier des charges très complexe, les tarifs y sont déjà fixés ! Une commission internationale de six membres est ensuite constituée, elle rédige un protocole d'accord en date du 30 mai 1876, qui devait être ratifié par les deux pays. Or, le Parlement britannique refuse la ratification sous le prétexte que la compagnie anglaise n'a pas réuni les capitaux nécessaires.

Cependant, un commencement des travaux du tunnel devait voir le jour à cette époque.

La compagnie ferroviaire du South-Eastern dirigée par sir Edward Watkin reçoit l'autorisation de procéder aux expropriations et de creuser des galeries et des puits d'essai sur la côte du Kent. Devenue la Submarine Continental Railway Company, après le rachat de la Channel Tunnel Company, la société fait entamer le percement de deux tunnels dans la région de Douvres et Folkestone.

Dessin couleur montrant trois sorties de tunnel ; de deux sortent deux trains à grande vitesse, du dernier sort un minibus.

Tunnel sous la Manche : projet, 31 octobre 1985. Archives départementales du Pas-de-Calais, 50 Fi 4417.

En France, c'est la Société française du tunnel sous-marin qui se charge des travaux. Elle réalise deux puits à Sangatte et deux galeries d'essai de 42 et 55 m de profondeur. On y expérimente deux perforatrices anglaises qui fonctionnent à l'air comprimé. Le tunnal devait faire 4,20 m de diamètre avec une partie plane à la base pour la voie ferrée. Les trains devaient employer des locomotives à air comprimé pour éviter le problème de la fumée. En 1882, le premier tronçon du tunnel anglais reçoit de nombreux visiteurs célèbres : le lord maire de Londres, le premier ministre Gladstone, le duc de Cambridge commandant en chef de l'armée britannique.

Mais déjà l'armée britannique et l'opinion publique anglaise ont changé de point de vue : une pétition contre le tunnel circule, les motifs invoqués sont les risques d'invasion, ceux liés aux épidémies (dont le choléra) et la perte de l'identité nationale.

Une nouvelle commission britannique formule alors un rapport négatif assurant qu'une voie de communication sous-marine avec la France constituerait un grand danger pour l'Angleterre. En conséquence, en 1883, le cabinet Gladstone refuse la mise en chantier définitive du tunnel.

La France doit abandonner à son tour, alors qu'on a déjà percé 1800 mètres des deux côtés.

De 1883 à 1914, le projet de lien transmanche, pont et tunnel, est repris plusieurs fois.
En 1906, à l'époque de l'Entente Cordiale, sir Francis Fox et Albert Sartiaux proposent une nouvelle mouture de deux tunnels séparés, avec galeries transversales de communication et chemin de fer électrique. De plus, pour rassurer les Britanniques, on a prévu un viaduc facilement destructible en cas de guerre et qui donnerait accès au tunnel depuis la côte française. Mais rien n'est entrepris avant le déclenchement de la 1ère guerre mondiale et il faudra attendre... 1994 pour voir enfin les trains circuler sous la Manche.

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