Les moulins constituent, au même titre que les châteaux, les églises ou les maisons, des éléments de notre patrimoine. Le Pas-de-Calais en a possédé plus de 1 500 au XIXe siècle. Beaucoup ont disparu du fait de la mécanisation et des guerres.
Les moulins à eau, qui ont été moins nombreux que ceux à vent dans notre département, sont actuellement les mieux préservés au long des cours d’eau comme la Canche, l’Authie, l’Aa ou la Scarpe. L’industrialisation et l’urbanisation ont fait disparaître la plupart des moulins à vent ; ceux qui subsistent sont visibles surtout dans le nord-ouest du Pas-de-Calais.
À travers l’étude des moulins, c’est toute une civilisation qui ressurgit, civilisation rythmée par les éléments naturels : l’eau et le vent. Les moulins permettent de présenter l’ensemble des activités humaines depuis le Néolithique avec les découvertes archéologiques des premières meules jusqu’auXIXe et XXe siècle, époques pour lesquelles les archives conservent le plus de traces.
Bouvigny possédait deux moulins, l’un appelé moulin Tonton, l’autre moulin Bozolot.
Le moulin Tonton
Moulin_Bouvigny_Gauheria
Illustration tirée de Gauheria n° 11, pp. 13/24. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1598/3.
Illustration tirée de Gauheria n° 11, pp. 13/24. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1598/3.
Le premier fut construit en 1712 au pied des collines d’Artois, là où, dit-on, avait existé un autre moulin, quelques siècles plus tôt. Ses propriétaires, les Rohart-Leclercq, protestants, durent s’exiler pour un temps après la publication de l’édit de 1724.
Scorion, conseiller du roi, s’en empara. Quelques procès opposèrent d’ailleurs la famille Scorion aux meuniers, locataires du moulin, au cours du XVIIIe siècle. La Révolution le fit passer aux mains des Dupuich, puis, dans la seconde moitié du XIXe siècle, aux Poirier et enfin à Augustin Bonnel.
Avant la guerre 1914-1918, ne pouvant rivaliser avec des installations plus modernes, il ne servait plus qu’à moudre les grains destinés à nourrir le bétail.
Dernier survivant des quatorze moulins du canton d’Houdain, il fut détruit lors du bombardement du 14 mars 1916. Refusant de quitter son moulin (ou ce qu’il en restait), le dernier meunier fut mortellement blessé quelques jours plus tard.
Le moulin Bozolot
Le deuxième moulin était bâti entre Gouy et Bouvigny, sur l’un des points les plus élevés des collines d’Artois ; il fut même question, vers 1913, d’y établir une table d’orientation.
Il ne put concurrencer les moulins à eau et les grosses minoteries, de sorte que, même si sa tour supportait encore des meules avant 1914, il ne fonctionnait plus et commença à s’écrouler.
Les murs de ces moulins étaient très épais, à peu près 1,50 mètre à la base, et composés, à l’intérieur, de moellons noyés dans un mortier de sable et de chaux. D’un diamètre extérieur d’environ huit mètres, les tours comportaient deux étages marqués à l’extérieur par un léger retrait. Au-dessus, faisant corps avec le toit, les ailes, les arbres tournants, les rouets et les queues. Au dernier étage on trouvait trois paires de meules, aux diamètres différents ; la plus petite était réservée à la mouture des grains pour le bétail.
L’épaisseur de ces véritables murailles ne protégea pas les moulins, que les vents, les obus et la négligence condamnèrent.
Procès à propos du bail du moulin de Bouvigny, 20 juin 1769. Archives départementales du Pas-de-Calais, 18 J 275.
Transcription du document
Les gens tenans le Conseil provincial d’Artois à tous ceux qui ces présentes lettres verront salut. Sçavoir faisons qu’entre Philippe-Hubert Baçon, négotiant demeurant à Armentière, opposant par acte signiffié le deux de ce mois à l’exécution du jugement obtenu contre luy à l’audience de la Cour le trente may dernier, d’une part, Maximilien-Jacques Scorion, écuier, conseiller du roy en la cour, demeurant en la cité d’Arras, et dame Marie-Florence Dufresne, son épouse, deffendeur de deuxième part, Jeanna Barbe Delabre, veuve de Louis Dorlest, meunier demeurant au village de Bouvigny, deffendresse d’autre part […] aux fins de requête tendante a ce qu’il auroit plust à la Cour ordonner à la deffendresse cy-après de représenter et de déposé es mains du premier notaire requis de cette ville le bail qui pouvoit luy avoir été accordé pour l’occupation du moulin dont il s’agissoit, pour par les demandeurs en être pris inspection et en tirer telle copie qu’ils jugeroient convenir, la condamner en cas de contredits aux dépens […], aux fins de la même requête verballe tendante à ce qu’il auroit plust à la Cour, attendu la déposition faite par le demandeur sans préjudice à ses droits, […] s’il échoit ou appartiendroit aux dits sieur et dame Scorion les droits par eux prétendus dans les moulins et dans les deux couppes de terre dont il s’agissoit […] La Cour […] met les parties hors de cours en affirmant par laditte partie de Liborel [avocat de Baçon] qu’elle n’a en sa possession directement ni indirectement l’original dudit bail, ordonne que le moulin dont il s’agit sera vendu et licité au parquet en la forme et manière accoutumée pour des deniers en provenant en être payés la moitié aux parties de Maître Desmazières et l’autre moitié a celle de Liborel, et les frais exposés par toutes les parties seront pris comme frais de partage et de licitation […]
Inventaire du moulin [Bozolot] de Bouvigny-Boyeffles, 1895. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 E 70/138.
Transcription du document
Les soussignés :
M. Bozzolo (Alexandre) meunier et cultivateur et Mme Turlure (Rose), son épouse […],
Mlle Turlure (Adélaïde) célibataire, sans profession, tous trois demeurant à Gouy-Servins,
M. Turlure (Louis-Charles), meunier,
M. Guilbert (Alexandre), cultivateur demeurant tous deux à Guy-Servins […],
Dressent ainsi qu’il suit l’état descriptif et estimatif des outils, machines et autres accessoires garnissant et servant à l’exploitation d’un moulin à vent dit « moulin de l’épinette » sis sur le terrain de Bouvigny-Boyeffles, appartenant à M. et Mme Bozzolo et Mlle Turlure et loués par ces derniers à MM. Turlure et Guilbert suivant bail reçu par Me Telliez notaire à Fresnicourt […].
[Ce] moulin à vent faisant de blé farine bâti en briques et partie en pierre de taille, nommé « moulin de l’épinette » garnie de trois paires de meules avec tous ses tournants, virants, travaillants, blutoirs, voiles et ustenciles servant à son exploitation ensemble le terrain sur lequel il est bâti entouré d’une contenance de treize ares quarante centiares environ dont une partie en labour [est loué] 300 f.
Volée : 100 francs, deux entrebuts : 30, quatre toiles à voiles : 30, queue de vache et chaîne : 15, étandard : 36, sept roulettes pour nettoyeur : 7, nettoyeur : 5, soie de la bluterie : 6, bâti de la bluterie : 5, menuiserie du blutoir : 10, arbre tournant et soies : 250, lanternes : 10, trois entourages de meules : 5, chemin du couplet : 2, 23 marteaux à battre les meules : 28,75, un frein : 20, sommier : 5, une bascule et ses poids : 15.