Comme son nom l’indique, "le Labyrinthe", haut-lieu de la Grande Guerre en Artois, évoque très bien ce qu’a été la guerre de position : un immense réseau de tranchées de plus en plus complexe, un formidable enchevêtrement de blockhaus, d’abris, de tranchées et de boyaux qui ressemble, vu du ciel, à une gigantesque toile d’araignée.
Il faut rappeler que le Labyrinthe se situe au nord d’Arras, entre Écurie et Neuville-Saint-Vaast. La deuxième bataille d’Artois s’y déroule du 9 mai au 19 juin 1915.
Après la prise du fond de Buval, les soldats français élargissent leur occupation du bois Carré sur la route d’Arras. Sur les pentes vers Souchez, ils enlèvent des tranchées et 300 Allemands, dont une dizaine d’officiers, tombent entre leurs mains.
Une situation bloquée
À partir du 25 juin, la situation se stabilise sur tout le front. La violence des contre-attaques de l’ennemi, la solidité de ses organisations défensives, la supériorité de son artillerie lourde abondamment approvisionnée ne permettent plus aux Français d’espérer des résultats. Dans ces conditions, le général d’Urbal décide de suspendre momentanément les opérations d’ensemble. Après deux mois d’efforts intenses, les Français n’ont pu reprendre que les ruines de quelques lieux-dits et de trois localités situés sur une bande de terrain de 7 km de long et de 4 km de profondeur.
Les jours suivants, on signale encore des engagements d’infanterie au nord d’Arras, notamment les 27 et 29 juin, où l’on se dispute la possession du chemin creux d’Ablain à Angres. Les bataillons engagés doivent se replier dans les abris du plateau de Lorette, durant deux ou trois jours, pour se reformer et tenter de reprendre des forces avant de remonter en ligne.
Pendant que ces opérations se déroulent dans le secteur occupé par la 10e armée au nord d’Arras, les troupes britanniques, à sa gauche, ne livrent que des engagements sans importance. La situation générale n’est nullement modifiée.
Derniers combats
En juillet 1915, le 48e régiment d’infanterie est transféré au Labyrinthe. Les soldats vont y passer dix jours qu’ils ne sont pas près d’oublier, veillant et travaillant sous un bombardement incessant, combattant à la grenade et au fusil dans un sol empesté de cadavres décomposés. Leur ténacité ne s’est pas démentie un seul instant pendant ces dures journées. Les Allemands subissent des pertes si lourdes qu’ils donnent aux soldats du 10e corps le surnom de "Bouchers du Labyrinthe".
Dans la nuit du 12 au 13 juillet, une avalanche d’obus allemands s’abat sur le cimetière de Souchez, qui est rapidement encerclé et repris. Le 13 août, une attaque des Français sur la gare de Souchez connaît aussi un échec.
Le 15 juillet, les combattants français sont devenus définitivement maîtres du plateau de Lorette. Mais les Allemands tiennent encore la "vallée de la Souchez", prolongée au sud par "le ravin des Écouloirs", avec la redoutable caponnière formée par le village de Souchez. En arrière, la côte de Givenchy et de la Folie-Vimy en constitue la contre-escarpe, où l’on voit de jour en jour apparaître de nouvelles défenses.
Enseignements de la bataille
Les offensives du printemps en Artois, principalement autour de Notre-Dame-de Lorette, mettent en avant l’importance accrue de l’artillerie. Les succès initiaux, dus à un intense pilonnage, aboutissent à des gains de territoires très limités, en raison de la défense allemande, composée de lignes de tranchées successives difficiles à franchir. Cette bataille sans vainqueur sera la dernière offensive d’envergure sur le front de l’ouest, avant la troisième bataille d’Artois, en septembre.
Les enseignements de cette bataille ont été résumés dans Les armées françaises dans la Grande Guerre (Paris, Imprimerie nationale, 1923-1926, t. III, p. 102. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 571/19) :
[…] le résultat le plus important obtenu par nos attaques a été l’usure des réserves allemandes : le général d’Urbal […] n’avait devant lui le 9 mai que trois corps d’armée, soit six divisions ; du 9 mai au 15 juin, les Allemands ont dû envoyer en renforts sur le front de la Xe armée 10 ou 11 divisions qu’ils ont fait venir de tous les secteurs du front : de Douai, de la région de Lille, de Belgique, puis de Woëvre, de Soissons et de Reims.
L’ensemble des forces qu’ils ont ainsi réunies devant la Xe armée représente une masse à peu près équivalente à celle que nous avons nous-mêmes engagée.De plus, l’attaque de la IIe armée sur la ferme de Toutvent et celle de la VIe armée sur le saillant de Quennevières ont attiré chacune à elles la valeur de deux régiments nouveaux.
Quant à l’action britannique, si l’offensive du 9 mai n’a provoqué aucun afflux de réserves vers le secteur d’attaque, par contre l’opération du 16 mai dans la région de Festubert a déterminé l’ennemi à renforcer son 7e corps de la valeur de deux divisions. Il faut remarquer en outre que toutes les unités engagées contre la Xe armée ontconsidérablement souffert puisque la totalité des troupes qui nous étaient opposées au début de l’opération ou qui ont été amenées en renfort la semaine suivante ont dû être entièrement relevées. Certaines d’entre elles (5e division de réserve bavaroise) ont eu besoin d’une période de réorganisation de plus d’un mois pour pouvoir réapparaître sur le front.Pour faire face à notre offensive de mai-juin 1915, l’ennemi a donc dû faire appel à toutes les réserves dont il disposait sur notre front, et si nos attaques ne l’ont pas contraint à envoyer en France des renforts prélevés sur d’autres théâtres d’opérations, du moins l’ont-elles empêché de dégarnir le front occidental au bénéfice des fronts russe et italien.
Le but secondaire que s’était fixé le commandant en chef a donc pu être considéré par lui comme "atteint indiscutablement".