Plus de doute, l’offensive est bien déclenchée une seconde fois. Nous sommes en face [du] poste de commandement construit pour le général Pétain qui dirige la seconde attaque
écrit Paul Pimoulle le 16 juin 1915 (Jacques Pimouille, "1915 dans l’Artois", du 8 mai au 24 novembre, Les carnets de Paul Pimoulle (extraits), s.d.).
Stabilisation globale du front fin mai
La grande offensive prévue début mai n’a pas eu les résultats escomptés : malgré la formidable avancée en certains points (notamment à Carency et Ablain-Saint-Nazaire), le front n’est toujours pas percé et les combats s’essoufflent.
Pourtant, toute la région située au nord d’Arras est le théâtre d’incessantes luttes de mai à juin. Les Français connaissent quelques succès locaux ; le 28 mai, ils s’emparent du cimetière d’Ablain-Saint-Nazaire puis de la sucrerie de Souchez le 31. Le 9 juin, c’est au tour de Neuville-Saint-Vaast de tomber. Néanmoins, le front se stabilise globalement, hormis dans le Labyrinthe où de violents affrontements se déroulent du 30 mai au 19 juin.
Relance de l’offensive le 16 juin
Dans ce contexte, Foch prévoit une relance de l’offensive début juin. L’effet de surprise n’est plus le même que lors de l’attaque du 9 mai ; néanmoins il échelonne la préparation d’artillerie de tirs à cadence ralentie sur trois jours avant de déclencher l’assaut le 16 juin à 12 h 15 sous une chape d’obus.
À cette heure précise, 200 000 fantassins issus de 20 divisions s’extirpent de leurs tranchées et se concentrent essentiellement à l’est du plateau de Lorette. C’est alors que le scénario du 9 mai se répète. Les 21e et 33e corps progressent rapidement sur la cote 119 entre Souchez et Givenchy. Mais isolés, à découvert et sans moyen de communication, ils sont contraints de se replier et se retrouvent bloqués au Cabaret rouge au sud de Souchez.
Entre Écurie et Arras, la 19e division tente de forcer les positions allemandes, en vain malgré un nouvel essai le 17 juin. Elle se heurte à une farouche résistance qui provoque la mort de 3 000 hommes dans ses rangs, ce qui porte à 7 000 ses pertes depuis le début des offensives de mai.
Le 17 juin, les Français font quelques progrès dans le Fond de Buval au sud d’Aix-Noulette (il tombera le lendemain), mais globalement le front est bloqué et l’artillerie allemande fait des ravages sur les arrières des troupes françaises.
Constat de fin
Le 18 juin, Foch décide de stopper l’offensive sur un constat d’échec. Pétain est le seul à avoir obtenu quelques résultats limités. Il est nommé chef de la IIe armée le 20 juin et Fayolle lui succède à la tête du 33e corps.
Les chiffres de l’opération laissent un goût amer : en quarante jours, la Xe armée s’est emparée des tranchées allemandes sur une profondeur de trois kilomètres, soit un gain d’environ 40 kilomètres se décomposant ainsi :
- terrain à l’ouest de la route d’Arras à Béthune,
- massif de Lorette,
- vallon de Carency,
- Neuville-Saint-Vaast,
- totalité du Labyrinthe.
Quelques brillantes victoires alimentent la propagande, telles le Labyrinthe ou Carency, mais Souchez et la crête de Vimy, véritables verrous d’accès à la plaine minière, sont toujours aux mains des Allemands.
Les Français se réjouissent également de la prise de 7 436 prisonniers allemands. Mais, horrible constat, la mort de 102 500 soldats a été nécessaire à ce maigre succès (environ 45 000 dans le camp adverse). Véritable charnier, le champ de bataille offre une vue insoutenable fin juin. Des cadavres tapissent la plaine éventrée par les pilonnages intensifs. Les corps frais et ceux plus anciens, déterrés par les impacts d’obus, s’emmêlent dans des mares de sang.
Les généraux mettent de nouveau en cause le manque de moyen de l’artillerie et la mauvaise liaison entre celle-ci et l’infanterie. De plus, l’offensive a mis en exergue le manque de coordination entre les armées française et britannique, chacune menant ses actions sur un front qui lui est nominativement dévolu. Le constat mitigé de l’offensive va obliger les généraux à mieux coordonner leurs opérations en vue de la troisième bataille d’Artois. Le rapprochement aura lieu à l’occasion de la conférence interalliée du 6 juillet 1915 à Calais.