Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.
Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.
Destin de poilu
Galerie photos
1_portrait-de-Louis123,39 kB
Portrait de Louis Vaillant retouché, [1917-1918]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/11.
Ce portrait de Louis Vaillant a été réalisé entre 1917 et 1918 alors qu'il appartenait au 227ième RAC. Son matricule militaire nous permet d'en connaître davantage sur ses caractéristiques physiques : on y apprend qu'il avait les yeux gris, les cheveux châtains et qu'il mesurait 1 mètre 70.
Après son décès, quelqu'un ajouta au portrait initial la croix de guerre que Louis reçut à titre posthume. Il était en effet courant qu'à la douleur des familles se mêle malgré tout un fort sentiment patriotique. Les proches endeuillés éprouvaient de la fierté et du réconfort à l'idée que leurs soldats avaient donné leur vie pour servir leur pays et sauver la patrie en danger.
Portrait de Louis Vaillant retouché, [1917-1918]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/11.
Lors de l'opération Europeana en 2013, un particulier nous a présenté un carton retrouvé dans la maison de sa grand-mère. Cette boîte contenait de la correspondance, des photographies, des documents officiels et quelques objets. Tous racontaient l'histoire de Louis Vaillant, son grand-oncle maternel, tombé au champ d'honneur durant la Grande Guerre. Cette exposition virtuelle donne la parole à quelques-unes de ces archives ; chacune d'elles est un éclat de vie de Louis et nous révèle un pan de son existence.
Né à Saint-Hilaire-Cottes le 5 janvier 1897, Louis Charles Joseph est le quatrième enfant d'Élise Tilbien et de Charles Vaillant. Seul garçon de la fratrie, il est choyé par ses grandes soeurs : Angèle née en 1880, Maria née en 1883 et Jeanne née en 1891. Comme beaucoup d'habitants de ce village, les parents de Louis travaillent la terre et c'est naturellement qu'il suit leurs traces dans les champs après avoir appris à lire, écrire et compter à l'école communale. Lors de son recrutement militaire, il est noté que le jeune garçon savait également monter et s'occuper de chevaux, mais aussi conduire des voitures.
À l'adolescence, Louis perd coup sur coup ses parents : son père meurt en 1912, sa mère en 1914. Encore mineur, il est placé sous la tutelle de son oncle maternel, Émile Breuvière, époux de Victoire Tilbien. Pourtant il n'est pas seul. La lecture de sa correspondance nous apprend qu'il a tissé de solides liens avec d'autres membres de sa famille, ses sœurs, des cousins, ses beau-frères Jules Delbarre et Louis Durmur, eux aussi mobilisés, et ses amis au village. Toutefois, on ne peut s'empêcher de penser que le décès prématuré de ses parents a certainement joué un rôle dans son précoce enrôlement volontaire le 24 avril 1915.
Incorporé au 27ième régiment d'artillerie, Louis s'illustre courageusement dans les batailles où il prend part. Il est promu brigadier le 4 novembre 1917 et rejoint le 227ième RAC. Le 18 juin 1918, mortellement touché, il tombe devant Kemmel en Belgique et reçoit la croix de guerre à titre posthume. Il avait 21 ans.
Portrait de Louis Vaillant retouché, [1917-1918]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/11.
Ce portrait de Louis Vaillant a été réalisé entre 1917 et 1918 alors qu'il appartenait au 227ième RAC. Son matricule militaire nous permet d'en connaître davantage sur ses caractéristiques physiques : on y apprend qu'il avait les yeux gris, les cheveux châtains et qu'il mesurait 1 mètre 70.
Après son décès, quelqu'un ajouta au portrait initial la croix de guerre que Louis reçut à titre posthume. Il était en effet courant qu'à la douleur des familles se mêle malgré tout un fort sentiment patriotique. Les proches endeuillés éprouvaient de la fierté et du réconfort à l'idée que leurs soldats avaient donné leur vie pour servir leur pays et sauver la patrie en danger.
État signalétique des services militaires de Louis Vaillant, bureau de Béthune, classe 1917, matricule n° 578. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 R 8328.
Le 24 avril 1915, Louis s'engage volontairement à la mairie d'Hesdin. Il n'a alors que 18 ans. Orphelin depuis le décès de ses parents, il doit demander l'autorisation à son tuteur Émile Breuvière, qui est son oncle maternel par alliance. Deux jours plus tard, il arrive au 27ième RAC.
Lettre d'Alfred Demarle à Louis Vaillant, 25 février 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Tu me dis que ta classe va bientôt partir. Mais il y a beaucoup de chance que tu n'ailles pas au feu, car je crois que cette maudite guerre finira tout d'un coup comme elle est venu[e] parce que dans 2 ou 3 mois ça va chauffer. Un mois de guerre en vaudra quatre de ce moment…
En écrivant à son ami Louis, originaire comme lui de Saint-Hilaire-Cottes, Alfred Demarle (classe 1913, matricule 1974) n'imagine pas à quel point ces lignes allaient lui être prémonitoires : engagé dans les combats de l'Aisne au printemps 1916, il est tué dans le secteur de Paissy le 1er juin 1916 à l'âge de 23 ans.
Lyre de France, 16 morceaux pour musique militaire par Claude Augé. Harmonies et fanfares. 1re série. Basse si b- clef de sol, Paris, Librairie Larousse, [1896]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/2.
Bien qu'il ne sache de quel instrument il jouait, le petit-neveu de Louis nous a précisé que son grand-oncle était musicien, ce que confirme la présence de ce recueil de partitions à son nom.
Ce corpus rassemble des airs martiaux joués lors de défilés militaires, tels que "En avant !", mais aussi - et plus étonnamment - des transcriptions de valses ("Les flots bleus"), de fantaisies ("La flûte enchantée" tirée de l'opéra de Mozart) ou encore de mazurkas ("Esmeralda").
Diplôme de réception de Louis Vaillant en tant que membre de la garde du Sacré-Cœur, 26 juillet 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/5.
Malgré la récente séparation entre les Églises et l'État, la lutte contre l'ennemi commun semble avoir réconcilié pour un temps les deux camps unis sous la bannière de l'Union sacrée. Durant la guerre, la dévotion au Sacré-Cœur connaît un second souffle. Des groupes se créent dans les tranchées, qui tentent de reproduire les mêmes pratiques que dans la vie civile. Les membres de la garde distribuent discrètement insignes et fanions aux emblèmes du mouvement.
Si certaines compagnies bénéficient du regard bienveillant de leurs supérieurs, eux-mêmes catholiques fervents, l'affaire devient nationale quand les 18 et 29 juillet 1917, le gouvernement interdit la consécration des soldats au Sacré-Coeur et le port, aux armées, de fanions et étendards, au nom de la liberté de conscience et de la neutralité religieuse de l'État français.
Carte postale de Jeanne Delbarre adressée à son oncle Louis Vaillant, 2 novembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Jeanne Delbarre est la fille d'Angèle Vaillant, soeur aînée de Louis. Lorsqu'elle écrit cette carte, Jeanne n'a que 9 ans.
À travers son écriture enfantine transparaissent les préceptes patriotiques et nationalistes inculqués dans les écoles depuis la défaite de 1870. Les enfants sont les soldats de demain et leur endoctrinement commence sur les bancs de l'école. Alors que toutes les générations sont appelées à soutenir l'effort de guerre, ces "graines de poilus" apportent leur soutien aux soldats mobilisés.
Carte postale de Louis Vaillant adressée à son neveu Louis Delbarre, 29 octobre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Cette carte, écrite de la main de Louis et destinée à son neveu, témoigne de la force des liens qui unissent le soldat à sa famille. Toutefois, ce qui frappe davantage dans cette missive, c'est le même discours patriotique que tenait sa nièce dans la carte postale précédente. Né en 1897, Louis a grandi dans cet esprit de revanche entretenu par les programmes scolaires. Malgré cet esprit vindicatif, on note tout de même une pointe de lassitude et le souhait d'en finir.
Lettre de Louis Vaillant à sa sœur Angèle Vaillant, 19 juillet 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Angèle Vaillant est la sœur aînée de Louis. De son mariage avec Jules Delbarre, également cultivateur, naissent sept enfants entre 1905 et 1917. Jeanne (née en 1906), Louis (né en 1907) et Marie (née en 1913) sont les seuls survivants, leurs quatre frères et soeurs étant décédés en bas âge.
Lors de la mobilisation, le mari d'Angèle, Jules Delbarre (classe 1898, matricule 954), est rappelé avant d'être réformé le 9 décembre 1914 pour "épilepsie constatée". Après être passé devant le conseil de révision de Norrent-Fontes, il reprend le service au 27ième régiment d'artillerie le 10 septembre 1915, avant d'être de nouveau et définitivement réformé le 3 novembre 1915.
La correspondance entre le frère et la sœur est abondante ; Louis décrit ses conditions de vie au front et parle fréquemment de ses camarades de régiment et d'autres connaissances communes qu'il croise. De son côté, Angèle lui donne régulièrement des nouvelles du pays, de la famille et détaille l'avancée de leurs travaux agricoles.
Photographie de Maria Vaillant, épouse Durmur, entourée de ses enfants Léopold, Jeanne et Louise [vers 1916]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Maria est la deuxième sœur de Louis. Sur cette photographie, elle pose entourée de ses trois enfants : Léopold né en 1906, Marie-Jeanne née en 1908 et Louise née en 1911, issus de son mariage en 1904 avec Léopold Durmur.
Appelé sous les drapeaux, Léopold (classe 1885, matricule 1627) est fait prisonnier à Maubeuge le 7 septembre 1914. Interné à Münster durant quatre ans, il est rapatrié le 7 décembre 1918.
Dans le recensement de 1921, on relève que la famille à nouveau réunie s'est installée dans l'ancienne maison des parents de Maria et de Louis.
Lettre de Louis Vaillant à sa sœur Angèle Vaillant, 13 décembre 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Après son enrôlement, Louis intègre le 26 avril 1915 le 27ième RAC (régiment d'artillerie de campagne). Durant plus d'un an, il suit une préparation militaire dans des camps d'entraînement, tels que ceux de Braconne (Charente), Thiviers ou Nontron (Dordogne).
Le 3 juin 1916, il annonce par courrier son départ pour le front. Son régiment participe aux grandes batailles de 1916-1917 : la Somme (été 1916), les Vosges (décembre 1916), la Champagne (hiver 1916-1917), le Chemin des Dames (printemps 1917) et enfin prend part aux attaques franco-britanniques dans les Flandres (été 1917).
Promu brigadier le 4 novembre 1917, Louis passe au 227ième RAC. Peu de temps après, il est envoyé en Italie, où il reste quelques semaines. Dans cette lettre, il évoque la polenta, un plat très prisé des Italiens.
Transcription de la lettre
Le 13 décembre 1917 Cher beau-frère, chère sœur, cher neveu et chères nièces,
Je fais réponse à ta lettre qui m'a fait grand plaisir de vous savoir tous en bonne santé. Il en est de même de mon côté, jusque maintenant tout marche très bien, je suis heureux d'apprendre chère sœur que tu as mis au monde une petite fille. Je suis très heureux que tout va très bien, tu embrasseras bien pour moi ma nouvelle petite nièce que je n'ai pas encore le bonheur de connaître, en espérant la voir dans le courant de l'année prochaine. Jeanne, Louis et Marie sont pour être bien contents d'avoir une petite soeur. Enfin à ta prochaine lettre tu me diras comment vous l'avez appelée et qui est-ce son parrain et sa marraine.
Je suis heureux que votre travail marche bien et que vous êtes déba[r]rassés de vos betteraves. Enfin je vois qu'il y a des soldats de St Hilaire, qu'ils ont eu le bonheur de passer dans leur village. Mais tu sais, moi jusque maintenant, je ne suis pas malheureux par ici, bien au contraire.
Enfin je te dirais que la température est toujours très bonne. Les civils sont très bons, on aurait tort de se plaindre d'eux maintenant, on commence à se faire comprendre un peu et quand on n'arrive pas à se faire comprendre, on cherche ce qu'on veut et on leur montre. Mais je vous dirais qu'ils ne mangent pas souvent de viande et ils ne mangent que du pain de maïs qu'ils appel[l]ent (Polinta).
Enfin tu diras à marraine Milie que j'attends avec impatience le portrait de mon cher cousin Emile et si elle veut me faire plaisir, c'est de me l'envoyer. Enfin tu embrasseras bien les chers enfants pour moi. Bien des compliments à ma tante Finotte, Aline, Jean, Maria et Fernand, chez mon oncle Emile à Lières, à Lespesses, à Léa, à Grand-père et à tous ceux qui me font des compliments. En attendant de tes nouvelles.
Je termine en vous embrassant tous de loin comme de près. Votre beau-frère, frère et oncle qui vous aime et pense sans cesse à vous. Louis Vaillant, brigadier au 227ième d'artillerie, 23ième battterie, 1er groupe, secteur n° 184.
Carte postale de l'abbé Lelong, curé de Saint-Hilaire-Cottes, adressée à Louis Vaillant, 27 août 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Arnould Joseph Lelong est né en 1866 à Douvrin. Ordonné prêtre le 13 juillet 1890, il devient vicaire d'Hersin, puis aumônier des mines de Lens en 1894. Le 22 juin 1910, il est nommé desservant de Saint-Hilaire-Cottes, poste qu'il occupe jusqu'en 1936 où il se retire à Lens à l'âge de 70 ans. Dans les campagnes, encore fort pieuses en ce début de siècle, le curé incarne une figure importante, à la fois conseiller et confident, ami et père spirituel.
Carnet de pécule de Louis Vaillant. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/1.
Le 18 avril 1917, Poincaré promulgue un décret relatif aux carnets de pécule. Ces derniers compilent des timbres spéciaux délivrés pour des indemnités de combats, des hautes-paies (attribuées aux soldats ayant exécuté le service actif de leurs classes respectives et qui ont totalisé deux ans de présence effective sous les drapeaux) et des allocations de primes d'alimentation. Ce pécule est payable au moment de la libération des soldats. Dans le cas de Louis, prématurément décédé, le pécule est remis à ses héritiers.
Carte postale de Louis Vaillant adressée à sa sœur Angèle Vaillant, à son beau-frère Jules Delbarre et à ses neveu et nièces Louis, Jeanne et Marie Delbarre, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
À partir de 1916, une des préoccupations majeures de l'armée est de surveiller et de soutenir le moral des soldats. Celui-ci est fortement mis à l'épreuve par l'immobilisme du front, les mauvaises conditions climatiques et l'horreur des blessures occasionnées par l'usage massif de l'artillerie, à laquelle les poilus n'étaient pas préparés.
Boîte "Imperium britannicum. Christmas 1914" contenant troix médailles : une médaille de la Royal Artillery, une médaille militaire modèle IIIe République et un insigne de l'Action catholique de la jeunesse française. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/3.
L'origine de l'acquisition de cette boîte aux couleurs britanniques est mystérieuse. Comment et pourquoi Louis est-il entré en sa possession ? Lui appartenait-elle effectivement ? Toutes les hypothèses sont envisageables. De même, l'origine des médailles présentes dans cette boîte est hétéroclite : si l'insigne de l'Action catholique française pourrait éventuellement être attribué à Louis, il est inenvisageable qu'il ait pu recevoir la médaille de la Royal Artillery.
Cette boîte en laiton, sur laquelle on lit les inscriptions "France, Belgium, Japan, Russia, Montenegro, Servia" a été distribuée aux Tommies engagés en France et en Belgique par la fondation créée par la princesse Mary à la Noël 1914. Elle contenait originellement du tabac, des confiseries, un crayon, une photographie et une carte de vœux de la princesse.
Carte postale de Jeanne Delbarre adressée à son oncle Louis Vaillant, 6 janvier 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/10.
Ce 5 janvier 1918, Louis fête son vingt-et-unième anniversaire et atteint sa majorité. Dans ses vœux d'anniversaire, sa nièce se trompe sur l'âge de son oncle chéri, mais sans le savoir son souhait se révélera dans un sens prémonitoire : en mourant, Louis "quittera ce désastre" à 21 ans.
Lettre du soldat Foulon, camarade de régiment de Louis Vaillant, adressée à Jules Delbarre et Angèle Vaillant, leur relatant les circonstances de la mort de Louis, 3 juillet 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/12.
Si les autorités militaires et civiles (souvent incarnées par le maire) sont chargées de la délicate mission d'annoncer la mort d'un soldat à ses proches, bien souvent les familles se tournent vers les camarades d'unité pour obtenir de plus amples détails sur les circonstances du décès. Certains soldats ne trouvent pas le courage de décrire les conditions atroces de la mort de leurs amis et travestissent la réalité afin de la rendre plus acceptable, soit en minimisant l'importance des dégâts corporels causés par l'explosion d'obus, soit en relatant un office religieux qui bien des fois n'a pu être organisé dans le chaos qui règne en première ligne.
Transcription de la lettre
Le 3 juillet 1918
Monsieur et Madame Delbarre, Je viens de recevoir votre lettre ; j'y fait immédiatement réponse et vous donnes des détails sur les derniers moments de notre regretté défunt.
C'était le 18 juin dernier vers 11 heures du matin. Notre batterie était violemment bombardée ; chacun s'était réfugié dans des abris qui en raison du voisinage de l'eau sont peu solides en cette région.
Louis Vaillant et quatre de ses camarades s'étaient blottis dans une tranchée couverte qui paraissait assez solide quand un malheureux obus tomba tout à fait à proximité, le blessa mortellement, tua [deux] de ses camarades et contusionna les deux autres.
Ramassé aussitôt il portait à la tête une blessure grave, la jambe droite et le bras gauche étaient aussi bien abîmés. Malgrés tous les soins qui lui furent immédiatement prodigués, il succombait peu de temps après. Son corps fut emmené le soir même à notre échelon et déposé à la chambre mortuaire du G.B.D.
Un soldat menuisier qui est avec nous fut chargé de la confection du cerc[ue]il et l'inhumation eut lieu le lendemain 19 à 15 heures. Le service funèbre fut célébré par notre aumonier le soldat Graffin.
Le cimetière se trouve près de Poperinghe sur la route de Poperinghe à Boeschèpe c'est-à-dire à 40 kilom[ètres] environ de St Hilaire. La tombe porte le n° 194. Un entourage et une croix qui donne tous les renseignements y ont étés placés. La croix porte également une petite couronne achetée par les camarades de la batterie. Louis Vaillant était aimé de tout le monde ; aussi inutile de vous dire combien nous le regrettons.
Depuis quelques temps il faisait fonction de sous-officier et n'aurait sûrement plus été longtemps à y passer. Une citation vient de paraître en son nom et vous sera adressée prochainement avec la croix de guerre. L'avis de décès et la succession vous parviendront sous peu par les soins de l'officier de l'état civil.
Notre départ fut tellement précipité que malgré toutes mes démarches je n'ai pu avoir de photographie de cette tombe. Quand je retournerais au pays et que ce sera possible, ce serait avec plaisir que je vous y conduirai.
Veuillez m'excuser de la lenteur avec laquelle je vous ai écris. Que voulez-vous ! une mauvaise nouvelle se sait toujours assez vite et il est de notre devoir de la tenir cachée le plus longtemps possible. Je termines ma lettre et vous pries d'accepter en cette douloureuse circonstance mes plus sincères condoléances.
Foulon
Poperinghe, 1920. Cimetière "Remy" Kerkhof - Section française. Plot 29 de la section française. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/13.
Cette carte postale est tirée d'un recueil portant le nom de "Marie Delbarre", la nièce de Louis, et consacré au Lijssenthoek Military Cemetery, le plus grand cimetière-hôpital du conflit. Près du saillant d'Ypres, à proximité de Poperinge, de nombreux hôpitaux de campagne français, britanniques et canadiens se sont développés dans le hameau de Lijssenthoek. Le cimetière "Remy" porte le nom du propriétaire de ces terres, le fermier Remi Quaghebuer. Immense lieu de sépultures, on estime qu'environ 10 000 soldats y sont enterrés, dont 2 000 Français.
Citation à l'ordre du régiment n° 111 au nom de Louis Vaillant, 22 juin 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/9.
La citation d'un soldat pour conduite exceptionnelle est accompagnée d'une remise de décoration. Comme l'en-tête l'indique, il s'agit de la croix de guerre créée en avril 1915 pour "récompenser les belles actions sans nombre que cette campagne voit se multiplier au jour le jour".
Diplôme de Mort pour la Patrie 1914-1919 de Louis Vaillant, sans date. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 NUM 82/12.
Le diplôme de Mort pour la Patrie a été créé en avril 1916, comme témoignage de reconnaissance de la nation aux familles de combattants tués pendant la guerre. Délivré gratuitement en préfecture, il était souvent exposé en bonne place dans les foyers des familles endeuillées.