Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
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Le Pas-de-Calais : maillon fort du Mur de l’Atlantique
Tout promeneur sillonnant la Côte d’Opale a forcément déjà croisé ces masses de bétons – sombres et isolées – comme échouées sur les plages, ou au milieu des herbes folles des dunes. Ces vestiges témoignent de la folie d’un tyran qui souhaitait, durant la Seconde Guerre mondiale, construire une forteresse inexpugnable tout le long du rivage atlantique de l’Europe, de la Norvège au Pays basque.
La zone stratégique du détroit du pas de Calais
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Dessin de L. Vasseur, s.d. représentant le mur de l'Atlantique. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J 53.
Dessin de L. Vasseur, s.d. représentant le mur de l'Atlantique. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J 53.
De par sa situation géographique à proximité des côtes anglaises, le Pas-de-Calais s’est toujours avéré être une zone éminemment stratégique pour tous belligérants. En mai 1940, lors de l’invasion allemande, le littoral est le théâtre d’une évacuation maritime sans précédent. Près de 340 000 soldats alliés sont, en effet, évacués à partir du port et des plages de Dunkerque, durant l’opération Dynamo. Et dès le 4 juin 1940, la Wehrmacht stationne déjà sur l’ensemble du littoral du Pas-de-Calais.
Par une directive signée le 16 juillet, Adolf Hitler décide de préparer l’invasion des îles britanniques. Il s’agit de l’opération Lion de Mer (ou Seelöwe, en allemand). Pour cela, 120 000 hommes sont dépêchés sur la côte. Toutefois, face aux échecs subis par la Luftwaffe au-dessus du sol anglais, l’opération est retardée puis définitivement abandonnée en 1943.
En décembre 1941, prise en étau entre la puissance aéronavale anglo-américaine à l’Ouest et l’armée soviétique à l’Est, l’Allemagne nazie est sur la défensive. Une grande partie de l’armée allemande est envoyée sur le front de l’Est, tandis que pour le front Ouest, le führer décide d’entreprendre un projet colossal : la construction d’un système de fortification longeant toute la côte. C’est la naissance du "Mur de l’Atlantique" (Atlantikwall en allemand). Redoutant un débarquement allié sur le littoral du Pas-de-Calais, Hitler met en place une fortification continue, où les trois ports de Boulogne-sur-Mer, Calais et Dunkerque sont érigés en forteresses (Festungen). Nommé inspecteur des défenses côtières le 5 novembre 1943, Erwin Rommel ordonne de renforcer cette défense en lui donnant plus de profondeur, à la fois vers la mer et vers la terre. Il ordonne, par exemple, d’inonder 15 000 hectares de basses terres dans le triangle Calais-Saint-Omer-Dunkerque.
La construction de l’Atlantikwall
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Décembre 1943. Rommel visite le mur de l'Atlantique sur la plage de Sainte-Cécile. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J 53.
Décembre 1943. Rommel visite le mur de l'Atlantique sur la plage de Sainte-Cécile. Photographie. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J 53.
Ainsi, en mai 1942, le führer confie la construction des fortifications à l’OrganisationTodt qui déploie, dans la région, d’énormes moyens matériels et humains. Les marchés sont attribués à de grandes firmes de construction et de travaux publics allemandes qui sous-traitent une partie des travaux à des entreprises locales. Le financement est couvert par les indemnités d’occupation que le régime de Vichy doit verser à l’Allemagne depuis l’armistice.
Au début de la construction, les Allemands n’ont pas de difficulté à trouver la main-d’œuvre dans la population du littoral, attirée par des salaires importants et de généreuses rations alimentaires. Mais très vite, face à la multiplication des raids aériens alliés, le recrutement devient plus ardu. Ainsi, de juin à octobre 1942, 2 000 Juifs belges sont envoyés dans le camp de Dannes-Camiers, pour servir de main-d’œuvre servile sur les chantiers du littoral, entre Calais et l’embouchure de l’Authie. Des ouvriers volontaires ou forcés de diverses nationalités sont dans la région. En 1943, la proportion d’ouvriers allemands passe même en dessous du seuil des 10 %.
L’Organisation Todt fait aussi appel au vivier que constituent les jeunes astreints aux Service du travail obligatoire (STO). Grâce à la promesse de ne pas être envoyé en Allemagne l’Organisation Todt obtient 3 000 hommes à l’été 1942, puis 4 000 au printemps 1943. Les ouvriers réquisitionnés par le STO sont relativement bien traités, mais les 10 heures de travail quotidien restent particulièrement pénibles ; ce qui les fait vite déserter !
Cette pénurie de main-d’œuvre contraint alors l’occupant à réquisitionner les ouvriers directement dans le réservoir local. Dans chaque commune, les maires reçoivent l’ordre de fournir un nombre déterminé d’hommes, sous peine d’amende et de prison.
Les blockhaus
Atlantikwall_schéma casemate
Une casemate à Berck. Photographie et plan, 1986. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J non coté.
Une casemate à Berck. Photographie et plan, 1986. Archives départementales du Pas-de-Calais, 96 J non coté.
Pour l’élévation des quelques 15 000 ouvrages qui constituent le Mur de l’Atlantique, on estime que l’Organisation Todt a coulé plus de 17 millions de tonnes de béton et utilisé 1 200 000 tonnes d’acier.
Le littoral du Pas-de-Calais offre, donc, encore la possibilité de découvrir un nombre pléthorique de fortifications. Parmi celles-ci, dont les murs et les toits mesurent entre 1,2 et 3,5 mètres d’épaisseur, on y distingue les ouvrages actifs, possédant un armement (batteries lourdes, tobrouks, casemates, etc.) et les ouvrages passifs (abris, postes de commandement, etc.).
Comme l’indique Yves Le Maner dans l’ouvrage Le "mur de l'Atlantique" sur les côtes du Nord-Pas-de-Calais, c’est entre Calais et Boulogne-sur-Mer que se trouve la plus forte densité de batteries lourdes en Europe : 24 installations fixes sur 30 km de côtes auxquelles s’ajoutent 5 canons de gros calibre sur voie ferrée.
Citons ainsi la Batterie Todt à Audinghen, qui est l’une des plus grosses constructions de l’époque et qui est aujourd’hui un musée accessible au public. Évoquons également la Batterie Lindemann à Sangatte qui était dotée du canon le plus puissant de l’Atlantikwall et qui est aujourd’hui ensevelie sous les gravats du chantier du tunnel sous la Manche.
Les Archives départementales conservent la mémoire de nombreux blockhaus qui ont parfois disparu en raison de facteurs humains et climatiques. Dans le fonds Lucien Vasseur (sous-série 96 J), il est, par exemple, méthodiquement répertorié la quasi-totalité des blockhaus de la région, de Bray-Dunes à Port-Mahon.
L’échec du « Reich de 1 000 ans »
La Côte d’Opale a fortement été éprouvée par le Seconde Guerre mondiale. La population civile y a été meurtrie, certainement plus qu’ailleurs, en France. Les villes, classées en zone de combat, ont été ravagées par les bombardements alliés : 73 % du vieux Calais est ainsi détruit. La population de la « zone rouge » est même évacuée en janvier 1944.
Il s’agit d’un échec stratégique pour Hitler, car en raison de la puissance défensive déployée dans la région, les alliés ont choisi de s’orienter vers d’autres rivages. Le succès du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944, a montré l’inutilité de l’Atlantikwall. Entre le 1er et le 5 septembre, une grande partie de la région est libérée, exceptées quelques poches de résistance allemande dans quelques villes portuaires.
Quant aux blockhaus, ils ont été longtemps perçus comme de verrues défigurant les paysages naturels, mais ils s’érodent et se font désormais de plus en plus discrets. Ils sont pourtant la trace d’une mémoire, celle d’une Europe qui a profondément souffert sous le joug nazi.