Le 21 avril 1916, le ministre de l’Intérieur Louis Malvy et le sous-secrétaire d’État du Service de Santé militaire Justin Godart signent une circulaire interministérielle au sujet du concours des médecins militaires au service médical des populations civiles. Afin d’établir un état des lieux et des besoins, il est demandé à chaque préfet d’organiser un recensement du personnel médical (médecins, sages-femmes et pharmaciens) sur son territoire.
Organisation d'un recensement médical
Léon Briens divise tout d’abord le département en secteurs, composés essentiellement des arrondissements d’avant-guerre (Boulogne, Montreuil, Saint-Omer et Saint-Pol) et des zones libres des arrondissements occupés (Arras, Béthune). Le 2 mai, il envoie dans chacune de ces zones le courrier suivant :
Objet : Concours des médecins et pharmaciens militaires au service médical et pharmaceutique des populations civiles
Boulogne, le 2 mai 1916
À MM. les sous-préfets du département,
Par suite tant de l’appel sous les drapeaux d’un certain nombre de médecins du service auxiliaire ou des classes anciennes que des décès survenus dans le corps médical [raturé : ou pharmaceutique], des réclamations se sont produites de la part des populations ou de leurs mandataires pour obtenir la mise à la disposition des cantons ou des commune privées de ressources médicales [raturé : ou pharmaceutiques] d’un médecin [raturé : ou pharmacien] civil ou militaire qui assure le service de manière régulière.
Afin de régler d’une façon uniforme le service médical [raturé : et pharmaceutique] aux populations civiles qui en sont ou qui en seront dépourvus, M. le Ministre de la Guerre, d’accord avec son collègue de l’Intérieur, a invité les préfets à se concerter d’urgence avec le directeur du service de santé de la Région pour étudier les besoins d’ensemble de la population civile.
Chaque département doit être divisé en un certain nombre de secteurs devant comprendre chacun soit un, soit plusieurs médecins suivant l’étendue de la circonscription envisagée. Ainsi pourra être réalisée une meilleure utilisation du personnel médical existant, qui permettra d’assurer aux populations tous les soins [raturé : secours] thérapeutiques nécessaires avec les éléments actuels ou du moins en ne recourant que dans la mesure la plus restreinte à d’autres praticiens mobilisés.
Ce travail permettra aux conférents, signale M. le Ministre, de se rendre compte que dans la très grande majorité des cas, ces secteurs sont encore pourvus du personnel médical [raturé : et pharmaceutique] nécessaire aux besoins de la population civile.
Le service médical dans les secteurs dépourvus de médecins [raturé : ou de pharmaciens] ou qui n’en n’auraient pas en nombre suffisant, sera toujours assuré à l’avenir par des médecins [raturé : ou pharmaciens] militaires ou militarisés percevant uniquement leur solde militaire à l’exclusion de tous autres honoraires ou émoluments.
Il est bien entendu que, suivant les règles précédemment établies, les médecins militaires de complément ne doivent pas être affectés à la localité où ils exerçaient leur profession.
La mise en vigueur des nouvelles dispositions entraînera le retrait de toutes les mises hors cadre, mises en congé ou sursis d’appel qui auraient pu être accordés jusqu’à ce jour pour assurer le service médical de populations civiles. Toutefois, ajoute M. le Ministre, ce retrait ne sera prononcé qu’après la désignation des médecins miliaires chargés d’assurer le service.
Afin de me permettre de collaborer en toute connaissance de cause avec M. le directeur du service de santé de la Région du Nord, en vue de l’application des prescriptions [raturé : de M. le] ministérielles, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien procéder d’urgence à une division de votre arrondissement en secteurs qui, suivant les instructions, pourront comprendre chacun un ou plusieurs médecins.
Vous aurez à procéder à une même opération en ce qui concerne le service pharmaceutique.
Vous me ferez parvenir le résultat de votre travail en me fixant sur l’étendue de chaque secteur. Votre rapport devra indiquer les noms, prénoms et résidences des médecins et pharmaciens civils non mobilisables ou militaires déjà délégués par la direction du service de santé qui assurent actuellement le service [raturé : dans chaque secteur et le nombre de] dans une région et auxquels un secteur peut être attribué et le nombre de médecins ou de pharmaciens déjà mobilisés, aussi réduit que possible, qu’il vous paraîtrait nécessaire de désigner pour donner aux services envisagés une marche régulière.
[raturé : Vous aurez bien entendu à tenir compte du degré de validité des médecins locaux pour établir vos propositions.] Il va sans dire que vos propositions, pour être réalisables pratiquement, doivent porter sur des médecins valides susceptibles de se déplacer dans le ressort de leur service.
[en marge : Pour tous les sous-préfets, à l’exception de celui de Béthune] Vous trouverez ci-incluse, à toutes fins utiles, la liste des médecins [raturé : de la] militaires détachés à ce jour dans votre arrondissement pour donner leurs soins aux populations civiles.
J’ajoute que j’attacherais du prix à recevoir votre rapport le 10 courant, au plus tard.
Archives départementales du Pas-de-Calais, X 497.
Un constat plutôt rassurant
Globalement, la situation médicale dans la partie libre du département est assez bonne, à l’image de la carte illustrant la répartition dans l’arrondissement de Béthune, établie le 6 mai 1916. Dans le courrier l’accompagnant, le sous-préfet Bonnefoy-Sibour ajoute : Il convient, en effet, de remarquer que les praticiens réfugiés sont venus, très utilement, combler les vides produits par la mobilisation ou les décès
.
Les arrondissements de Boulogne, Montreuil et Saint-Pol assurent recenser suffisamment de praticiens, mais insistent sur la nécessité de prolonger leur sursis temporaire de démobilisation. La partie non envahie de l’arrondissement d’Arras s’organise de concert avec les médecins anglais. Seul l’arrondissement de Saint-Omer se plaint d’une pénurie de médecins dans le secteur de Blendecques et de Thérouanne.
Pour faire face à cette insuffisance, la circulaire prévoit plusieurs dispositions : détachement de médecins militaires ou militarisés dans les déserts médicaux, avec charge aux communes de payer les défraiements ; dans les zones proches d’hôpitaux, détachement de médecins affiliés à ces centres, etc.
Une nouvelle enquête est lancée à l’été 1919, toujours à l’initiative du ministère de l’Intérieur. Dans les arrondissements "libres", les chiffres sont stables, malgré le départ des réfugiés. Nous ne disposons pas des chiffres de celui d’Arras, mais celui de Béthune, en revanche, présente une baisse spectaculaire. Ces deux secteurs, presque entièrement rasés, mettront plusieurs années à se redresser.
Arrondissement | Nombre de médecins avant la guerre | Nombre de tués ou non remplacés | Nombre de médecins après guerre |
---|---|---|---|
Béthune | 123 |
14 |
68 |
Boulogne-sur-Mer | 86 |
6 |
81 |
Montreuil | 35 |
4 |
34 |
Saint-Omer | 39 |
1 |
36 |
Saint-Pol-sur-Ternoise | 26 |
4 |
21 |
Archives départementales du Pas-de-Calais, X 498.