Le circuit de la visite présidentielle

24 septembre : du Touquet à Boulogne-sur-Mer

Le général de Gaulle décolle de la base aérienne de Villacoublay le 24 septembre au matin, en direction de l’aérodrome du Touquet, alors troisième port aérien de France pour les passagers et premier pour le fret [note 1], pour une arrivée prévue à 8 h 20.

Habillé en civil, il y est accueilli par le préfet ainsi que par le maire du Touquet, les hauts fonctionnaires et les officiers militaires locaux, qui lui rendent les honneurs militaires, avant un départ dix minutes plus tard pour Montreuil.

[note 1] 140 000 passagers et 5,3 millions de tonnes de fret par an.

Montreuil n’est qu’une brève étape sur le trajet du général, d’une vingtaine de minutes seulement. Il y est accueilli par le maire et le conseil municipal, prononce une brève allocution puis reprend la route en direction de Boulogne-sur-Mer.

L’étape à Boulogne, que le général avait déjà visitée en 1945, dure plus longtemps. Arrivé à 9 h 55, ce dernier en repart vers 11 h, après avoir été accueilli par le conseil municipal de la ville ainsi que par les maires des arrondissements de Boulogne, Montreuil et Saint-Omer.

Après une brève allocution, dans laquelle il justifie notamment le référendum sur l’avenir de l’Algérie annoncé huit jours plus tôt, il y visite la gare maritime et le port de pêche, mais aussi la halle de débarquement du poisson. Ville de 41 900 habitants au recensement de 1954, Boulogne est alors le premier port de pêche maritime français, avec une flotte de 70 chalutiers, dont la moitié ont à cette époque moins de deux ans ; 1 600 marins y rapportent annuellement 120 000 tonnes de poisson.

Avant Calais, Charles de Gaulle fait brièvement étape à Marquise, où lui sont présentés des chevaux de race boulonnaise.

Calais, étape majeure

Le cortège présidentiel arrive à Calais à midi, avec une demi-heure de retard sur le programme officiel. Acclamé par une foule de 60 000 personnes, soit l’équivalent de la population totale de la commune, le général est accueilli par son beau-frère, Jacques Vendroux, député et nouvellement élu maire de Calais.

Le cortège passe sous douze arcs de triomphe dressés sur le boulevard Jacquard, chacun décoré par l’une des communes des quatre cantons de Calais, puis reprend son chemin dans la ville. Il longe l’église Notre-Dame, encore en ruines, et s’arrête brièvement au port, qui est alors le deuxième de France pour les voyageurs [note 1], dépassé uniquement par Marseille ; le projet du tunnel sous la Manche fait craindre à cette époque un effondrement complet du trafic portuaire.

Notes

[note 1] 1 million de voyageurs par an.

Charles de Gaulle passe ensuite par la place d’Armes puis gagne l’hôtel de ville. Avant d’y entrer, il dépose une croix de Lorraine fleurie devant le monument du Souvenir.

Il est alors 12 h 30 : il prononce un bref discours de dix minutes sur le perron, dans lequel il rend hommage à la ville et justifie ses positions internationales, avant d’assister au déjeuner donné en son honneur. Le couple de Gaulle reçoit à cette occasion, des mains de Jacques Vendroux, une copie de leur acte de mariage.

De 14 h 10 à 15 h, le général visite l’exposition sur la dentelle de Calais mise en place dans la salle du conseil municipal puis se rend à l’usine des Filés. Le textile constitue alors une activité économique majeure du Calaisis, mobilisant 6 000 des 17 000 emplois à l’échelle du département, mais subit néanmoins une grave crise de mévente, entraînant un chômage partiel important.

Le cortège présidentiel se sépare à l’issue de cette visite : Charles de Gaulle continue son chemin vers Arras, tandis qu’Yvonne se rend au caveau familial à Coulogne, en privé, puis visite deux établissements de soins, la maternité de la rue Verte et l’asile des Petites Sœurs des pauvres. Elle rejoint son époux sur Arras en soirée.

De Saint-Omer à Arras

Sur le chemin d’Arras, le général de Gaulle fait étape à Ardres puis à Saint-Omer entre 15 h 30 et 16 h, où il prononce également une brève allocution ; il s’arrête par la suite à Aire-sur-la-Lys, Lillers et Saint-Pol-sur-Ternoise. Ces municipalités avaient demandé aux services préfectoraux de signaler au président la nécessité de créer un véritable marché d’expédition pour les producteurs locaux de chicons et de choux-fleurs, ou encore la situation défavorable de la sucrerie coopérative de Lillers, laquelle emploie de 70 à 200 personnes, en raison d’une faible récolte cette année-là.

Le convoi présidentiel arrive à la préfecture du Pas-de-Calais à 17 h 35 et est accueilli pour les honneurs militaires devant le monument aux morts par le député-maire d’Arras, Guy Mollet, ancien président du Conseil des ministres sous la IVe République.

Les deux hommes remontent ensuite vers l’hôtel de ville : le président y dépose une gerbe devant la plaque aux héros de la Résistance. Après une allocution depuis le balcon, il se rend à la préfecture à 18 h 45, pour une présentation des corps constitués du département, avant le dîner prévu à 20 h 30. Le couple présidentiel passe la nuit à l’hôtel de la préfecture.

25 septembre : d’Arras à Béthune

La deuxième journée du général de Gaulle dans le Pas-de-Calais est principalement dédiée au bassin minier. Parti d’Arras à 8 h 50, il se rend à Haillicourt, sur le carreau du siège n° 6. Celui-ci exploite un étage situé à 706 mètres de profondeur et emploie 483 ouvriers qui remontent 10 000 tonnes de matière par jour, à une époque où les 80 000 mineurs du bassin houiller du Pas-de-Calais produisent 20 millions de tonnes de charbon par an, soit 35 % de la production nationale. Cependant, les réserves sont déjà largement entamées et les emplois proposés se font plus rares.

Les doléances des ouvriers du siège ont été listées par les services de la préfecture avant la visite présidentielle : ils demandent des bains-douches plus spacieux et une distribution de boissons fraîches non alcoolisées pour ceux qui remontent du fond. Le général descend dans la veine n° 7 et rencontre quelques mineurs avant de reprendre la route à 11 h 30.

Après un passage par Barlin, Sains-en-Gohelle et Bully-les-Mines, le cortège arrive au collège Condorcet de Lens, où le président est accueilli par le député-maire Ernest Schaffner, un médecin qui a dédié sa vie au combat contre la silicose. S’ensuit une brève prise de parole dans la cour du collège, depuis un podium ; puis le président reprend la route pour Béthune, où il arrive à 13 h, là aussi avec une demi-heure de retard sur le protocole.

Après une dernière allocution devant l’hôtel de ville, il déjeune à la sous-préfecture qu’il quitte à 14 h 40 pour Armentières, première étape de son voyage dans le Nord.