L’esthétique des ruines, thématique chère au courant romantique du XIXe siècle, connaît un nouvel essor suite aux bombardements massifs de l’artillerie entre 1914 et 1918. Au lendemain du conflit, on recense pour le Pas-de-Calais 102 490 bâtiments détruits ou gravement endommagés et 279 communes dévastées dans les arrondissements d’Arras et de Béthune. Les soldats ont laissé derrière eux des champs de ruines où ne subsistent que chaos et désolation.
L’œuvre de déblaiement et de reconstruction semble titanesque. Elle demande méthode et réflexion. Comment organiser la reconstruction ? Et d’ailleurs, faut-il tout reconstruire ou, au contraire, conserver des traces de cet épisode funeste ? Faut-il reconstruire à l’identique ou faire table rase du passé et repenser l’urbanisme des villes ? Les avis divergent et font l’objet de débats passionnés.
Certains souhaiteraient conserver ces ruines et fixer à jamais ces vestiges pour remplir un devoir de mémoire. Car ces paysages chaotiques incarnent véritablement la barbarie de l’homme. La destruction des œuvres d’arts, des églises, du patrimoine français en général, est vécu comme un acte de vandalisme sacrilège. Ce symbole devient un leitmotiv de la propagande de guerre française, en interne comme à l’international. Les ruines personnifiées, mises en scène, deviennent des victimes de guerre à part entière.
Leur caractère esthétique facilite cet usage dans les campagnes de communication. Pour Châteaubriand, les ruines sont plus pittoresques que le monument frais et entier. Les ruines permettent d’ajourer les parois et de lancer au loin le regard
. Tout comme les siècles précédents, ces ruines d'un genre nouveau inspirent les artistes et deviennent sujets d’œuvres, photographies, affiches ou encore cartes postales.
Cette exposition vous propose quelques témoignages de ces destructions, s’arrête sur la beauté de leur composition ou revient encore sur leur fonction sociétale à l’aube d’un monde en reconstruction.