Les archives départementales apparaissent sous la Révolution. La loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) constitue une administration des archives et fonde le principe de l’accès aux archives. Ensuite, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) crée un service d’archives par département qui gère :
les archives de l'administration départementale,
les papiers des intendances, des juridictions supprimées de l'Ancien Régime,
les archives concernant les biens nationaux (ecclésiastiques et émigrés).
Les lois de 1979 puis de 2008 et leurs décrets d'application réaffirment ces principes : les archives départementales collectent, classent, conservent et communiquent les archives de l'administration départementale, des services déconcentrés de l'État et des organismes de droit privé avec mission de service public ayant leur siège dans le département, ainsi que les minutes et les répertoires des notaires (officiers ministériels)
Elles peuvent recevoir, en don, dépôt ou legs, les archives de personnes privées, d'associations ou d'entreprises ; enfin, les communes doivent (si elles ont moins de 2 000 habitants) ou peuvent (si elles ont plus de 2 000 habitants) y déposer leurs archives de plus de 100 ans (loi de 1970 et code général des collectivités territoriales).
Les archives départementales du Pas-de-Calais
Les archives départementales du Pas-de-Calais sont réparties sur deux sites : les centres Mahaut-d'Artois (à Dainville) et Georges-Besnier (à Arras). Le centre Georges-Besnier constitue le dépôt annexe, mais il est en fait le dépôt originel.
Les archives dans la tourmente de la Grande Guerre
En août 1914, Pierre Flament est mobilisé. Son adjoint, Alexis Lavoine, reste à Arras pour veiller à la conservation des archives et au bon fonctionnement du service.
Dès octobre, Arras est régulièrement bombardée. Le 31 janvier 1915, la cathédrale bordant le palais Saint-Vaast reçoit plus de quinze obus en moins d’une heure ; le palais Saint-Vaast est également touché. Alexis Lavoine recense 44 fenêtres brisées et des impacts dans la toiture qui laissent s’écouler l’eau dans les galeries.
Il organise dès lors la descente des archives les plus précieuses dans une cave sous la chapelle : chartes du comté d’Artois, cartulaires, bibliothèque, fonds de la préfecture, etc. pour un total de 1000 mètres linéaires. Malgré son insistance, les combats se déroulant aux portes de la ville empêchent une évacuation totale des archives hors de la cité.
L’incendie du palais Saint-Vaast
Les inquiétudes du chef de bureau sont hélas bien fondées. Le 5 juillet 1915, à 22h30, le palais est de nouveau la cible des bombardements ennemis. Durant deux jours, un gigantesque incendie ravage l’ensemble du bâtiment. Le soir-même du drame, Alexis Lavoine écrit au préfet :
C’en est fait ! La catastrophe que, depuis de longs mois de bombardements je redoutais, est arrivée. Le palais Saint-Vaast est maintenant un vaste foyer qui consume nos richesses historiques, artistiques et littéraires.
Lettre de l’archiviste-adjoint Alexis Lavoine au préfet, 5 juillet 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 761.
En août 1915, un mois plus tard, des hommes de corvée et des camions sont affectés au transfert de ce qui a pu être sauvé. Les archives sont alors réparties dans différents dépôts :
Les fonds les plus anciens (environ 2000 mètres linéaires) sont convoyés à l’hôtel de Soubise à Paris ;
L’état civil et les archives hospitalières à Montreuil-sur-Mer ;
La sous-série 2 O (bâtiments et biens communaux) aux archives départementales de Haute-Garonne
Les documents plus contemporains à Boulogne-sur-Mer où se trouvent déjà les administrations principales du département.
Un an plus tard, le 1er août 1916, Pierre Flament est tué devant Verdun. Alexis Lavoine poursuit l’intérim jusqu’à la nomination d’un nouvel archiviste au lendemain de l’armistice. La tâche qui attend ce dernier est immense : constater l’état des pertes, rapatrier les collections communales et départementales disséminées aux quatre coins de France et construire un nouveau dépôt pour les abriter.
L’après-guerre
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Plan général de la construction du bâtiment des archives départementales. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.
Plan général de la construction du bâtiment des archives départementales. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.
Le 1er décembre 1919, Georges Besnier (1879-1961), jusque-là archiviste départemental du Calvados, accepte de relever ce défi.
Dès son arrivée, il parvient à sauver l’essentiel des 424 archives communales touchées par la guerre. Il s’attèle également à rapatrier les collections éparpillées. Les réexpéditions en provenance de Paris et de Toulouse s’étalent jusqu’en juin 1920 et concernent principalement les documents nécessaires à l’évaluation des dommages de guerre.
En parallèle de ces opérations, il négocie avec l’administration pour créer un nouveau bâtiment, de préférence proche de la préfecture pour des raisons pratiques.
Le 12 septembre 1921, lors de l’unique réunion de la commission chargée de statuer sur la "reconstruction d’un dépôt moderne à l’abri de l’incendie", il défend avec force ses idées qui sont finalement toutes adoptées.
Le 21 octobre 1924, le département acquiert un immeuble et un jardin au 14 place de la Préfecture (il est déjà propriétaire du 12, immeuble des enfants assistés, depuis 1922) ; le nouveau dépôt sera édifié sur les jardins des deux parcelles.
La construction du nouveau dépôt
Les travaux débutent au cours de l’hiver 1924 sous la direction de l’architecte départemental Paul Decaux. Il en conçoit les plans dès 1921, suivant les recommandations de Georges Besnier qui lui expose sa vision d’un dépôt d’archives "moderne", à l’image de ce qui a été fait à Anvers ou à Lille un peu plus tôt. Il préconise la construction de bureaux "réduits au minimum", d’une "salle des employés et du public", d’une autre "de versement et de triage" et d’une bibliothèque administrative. Les magasins surtout sont étudiés : on prévoit des "étages à hauteur d’hommes pour éviter les échelles", des matériaux tels que le ciment ou des charpentes métalliques à l’épreuve du feu. En tout, le nouveau bâtiment dispose d’une capacité de stockage de 14 000 mètres linéaires.
Si on ne connaît pas la date de réception définitive du bâtiment, un article de L’Avenir d’Arras daté du 10 décembre 1924 précise qu’il ne reste plus qu’à exécuter les ravalements et les décorations extérieurs et annonce l’ouverture pour le printemps suivant.
Pourtant les premières critiques se font rapidement entendre. Le bâtiment, considéré comme vaste à son origine, est vite jugé trop petit. Les besoins d’archivage des services des Régions libérées ont été sous-estimés et la construction de l’abri de défense passive de la préfecture au sous-sol du dépôt ampute 1 000 mètres linéaires de capacité de stockage. Les premiers projets d’agrandissement sont envisagés dès 1939, mais déjà la Seconde Guerre mondiale éclate, anéantissant à jamais ces desseins.
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Construction du centre Georges-Besnier. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.
Construction du centre Georges-Besnier. Archives départementales du Pas-de-Calais, N 919.
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