Les archives départementales apparaissent sous la Révolution. La loi du 7 messidor an II (25 juin 1794) constitue une administration des archives et fonde le principe de l’accès aux archives. Ensuite, la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) crée un service d’archives par département qui gère :
les archives de l'administration départementale,
les papiers des intendances, des juridictions supprimées de l'Ancien Régime,
les archives concernant les biens nationaux (ecclésiastiques et émigrés).
Les lois de 1979 puis de 2008 et leurs décrets d'application réaffirment ces principes : les archives départementales collectent, classent, conservent et communiquent les archives de l'administration départementale, des services déconcentrés de l'État et des organismes de droit privé avec mission de service public ayant leur siège dans le département, ainsi que les minutes et les répertoires des notaires (officiers ministériels)
Elles peuvent recevoir, en don, dépôt ou legs, les archives de personnes privées, d'associations ou d'entreprises ; enfin, les communes doivent (si elles ont moins de 2 000 habitants) ou peuvent (si elles ont plus de 2 000 habitants) y déposer leurs archives de plus de 100 ans (loi de 1970 et code général des collectivités territoriales).
Les archives départementales du Pas-de-Calais
Les archives départementales du Pas-de-Calais sont réparties sur deux sites : les centres Mahaut-d'Artois (à Dainville) et Georges-Besnier (à Arras). Le centre Georges-Besnier constitue le dépôt annexe, mais il est en fait le dépôt originel.
Conseil provincial d'Artois et conseil supérieur d'Arras. Répertoire général des registres aux commissions, s.d. [vers 1844]. Archives départementales du Pas-de-Calais, Ms 5.
Conseil provincial d'Artois et conseil supérieur d'Arras. Répertoire général des registres aux commissions, s.d. [vers 1844]. Archives départementales du Pas-de-Calais, Ms 5.
C’est la mise en place des nouvelles institutions, entre 1790 et 1796, qui est à l’origine de la création des archives départementales. Le directoire du Département se voit remettre les papiers des administrations disparues, conformément aux instructions royales du 24 juillet 1790. Les décisions et soubresauts de l’époque révolutionnaire vont dès lors avoir leurs répercussions sur les archives :
la confiscation des biens du clergé en conséquence de la loi du 2 novembre 1789, ainsi que celle des émigrés, entraînent le transfert aux districts de leurs titres et papiers ;
et la suppression des districts, en novembre 1795, amène la centralisation de leurs dossiers auprès du département.
Le 13 juin 1798, pour assurer l’exécution de la loi du 5 brumaire an V (26 octobre 1796), qui ordonne la réunion au chef-lieu du département de tous les titres et papiers acquis à la Révolution, l’administration centrale décide, faute d’autre place, d’utiliser une galerie du premier étage au-dessus des grands cloîtres de l’abbaye Saint-Vaast pour recevoir le gros des notaires. Les opérations de triage drastiques engagées parallèlement sur les archives des anciennes juridictions paraissent avoir été achevées dans les mêmes locaux, bien que le reste des archives soit réuni dans les anciens bâtiments du Conseil d’Artois, de l’autre côté de la place de la Madeleine. Il faut attendre 1805 pour que l’ensemble des archives soit regroupé dans l’aile gauche de l’abbaye Saint-Vaast.
Jean-Baptiste Fourmault (1767-1836), le premier archiviste du département, aurait sauvé par astuce des pièces précieuses de la destruction voulue par Joseph Lebon ; il est en tout cas le premier organisateur du bureau des archives départementales, et y exerce, seul ou avec l’aide d’un expéditionnaire puis d’un adjoint, jusqu’à sa mort le 8 décembre 1836.
À cette époque, la ville d’Arras s’efforce d’acquérir l’aile gauche de l’abbaye, toutefois par une délibération du 7 juillet 1831, elle accepte de maintenir les archives départementales dans leurs locaux actuels gratuitement et à perpétuité. Approuvée par l’ordonnance royale du 27 octobre 1831, la concession est officialisée le 31 décembre suivant. Mais le versement, en 1838, de l’ensemble des fonds historiques conservés au palais de justice (trésor des chartes, Conseil et élection d’Artois, gouvernance d’Arras et bailliage de Bapaume) oblige le département à louer à la ville une galerie et deux salles supplémentaires, situées au deuxième étage.
Pour remplacer Jean-Baptiste Fourmault, le conseil général nomme Alexandre Godin (1810-1873), qui dispose de deux expéditionnaires pour le travail des écritures et les classements d’archives modernes. En 1848, les archives accusent, alors, la présence de 480 fonds anciens. Et il entreprend, en outre, depuis 1852 au moins, des tournées régulières d’inspections d’archives communales, complétées par les archives hospitalières à partir de 1862. Lors de la guerre de 1870, les archives les plus précieuses sont évacuées dans les caves dépendantes du grand séminaire et du palais épiscopal. Et leur retour dans leurs locaux d’origine est sollicité le 8 mars 1871.
L'impulsion donnée par les archivistes paléographes
À la mort d’Alexandre Godin le 30 juin 1873, lui succède dès la mi-janvier 1874 un ancien élève de l’École des chartes, Jules-Marie Richard (1845-1920). En poste jusqu’en mars 1879, celui-ci entreprend en particulier le classement du trésor des chartes d’Artois (série A) et obtient par ailleurs le recrutement d’un troisième employé (1875).
Mais c’est avec Henri Loriquet (1857-1939) que le service va se développer réellement, en particulier par la réorganisation et la rationalisation des magasins de conservation, des interventions plus complètes auprès des services administratifs et des collectivités, des versements plus variés et importants venant des Domaines, des tribunaux ou des notaires, des dons et achats multipliés, mais aussi une forte croissance des recherches et des communications sur place. Un commis-relieur s’ajoute à l’équipe à partir de 1893, pour l’étiquetage des liasses et la reliure des volumes.
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Archives départementales : état actuel, plan pour la réorganisation des collections par Henri Loriquet, s.d. [1879-1880]. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 304.
Le 30 juin 1804, le dépôt des archives de la préfecture du département du Pas-de-Calais, qui étoit placé à l’ancien local du département, est transféré à la Sénatorie [sic], ci-devant abbaye de Saint-Vaast
. Elles occupent dès lors, à peu de choses près, les pièces conservées jusqu’à la Première Guerre mondiale :
un local avec deux cabinets attenant (abandonnés ensuite) servant de dépôt au rez-de-chaussée, dans l’aile faisant face au bas-côté sud de la cathédrale ;
des pièces similaires au premier étage, ainsi que le bureau de l’archiviste : ancienne "chambre aux chartes" de l’abbaye Saint-Vaast , ces salles seront transformées pour les premières en logement de l’archiviste en 1836, puis en bureau avec antichambre (1894), et pour la seconde en bureau commun aux employés et au public ;
l’entresol occupant tout le dessus des grands cloîtres, l’ancien promenoir d’hiver des moines nommé les Ambulades (45 mètres de long, 4 mètres 60 de large et 2 mètres 30 de haut).
Archives départementales : état actuel, plan pour la réorganisation des collections par Henri Loriquet, s.d. [1879-1880]. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 304.
Un service déjà confronté aux problèmes de place
En juillet 1897, les archives départementales comptent 5 770 mètres de rayonnages. Mais qu’est-ce que tout cela quand, en 18 ans, il entre dans un dépôt 30 000 liasses de papiers modernes et plus de 20 000 liasses de réintégrations historiques ?
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Copie d'un article du Courrier du 4 novembre 1896, avec remarques au crayon d'Henri Loriquet. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 304.
Copie d'un article du Courrier du 4 novembre 1896, avec remarques au crayon d'Henri Loriquet. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 304.
L’une des priorités du successeur de Loriquet, Jules Chavanon (1866-1913), va ainsi être l’aménagement d’un nouveau local. En avril 1899, le conseil général a en effet accepté de créer une annexe dans un ancien manège, situé au sud-ouest de la caserne de gendarmerie, à l’angle de la rue des Fours et du boulevard Crespel. Pour réduire autant que possible la complexité des communications et le coût de l’appropriation, Chavanon restreint cependant son utilisation aux archives éliminables à terme et accepte de rendre à la Ville dès le printemps 1901 les salles annexes louées depuis soixante ans au sein de l’abbaye Saint-Vaast.
Mais dès juillet 1907, le nouvel archiviste, Eugène Déprez (1874-1951), doit reconnaître que le dépôt de Saint-Vaast ne peut plus suffire pour la conservation des archives définitives : en juin 1909, il est saturé par un dernier versement, de même que l’annexe. Dans son dernier rapport annuel (1912-1913) du 20 juillet 1913, Déprez décrit "le chaos" qui y règne :
le dépôt de Saint-Vaast est comble, comme l’annexe de la rue des Fours. Les documents y sont entassés pêle-mêle dans les galeries et encombrent toutes les fenêtres. Pour éviter temporairement le désordre, j’ai fait installer de nouveaux casiers dans le centre des galeries et resserrer les anciens. Mais ce qui a été gagné comme place a été perdu en lumière […]. Ni place, ni lumière, telle est actuellement la situation à laquelle il est urgent de remédier, sinon il sera impossible d’assurer matériellement le service.
Après son départ, il est remplacé par Pierre Flament (1878-1916), jusqu’alors archiviste départemental de l’Allier.
Une opportunité apparaît alors, par la libération de l’évêché et du grand séminaire en conséquence de la Séparation des Églises et de l’État. Par suite de décisions ministérielles de 1911 et 1912, le premier doit être dévolu à la Ville et le second au Département ; mais faute d’entente entre ces derniers, le conseil général renonce à ses droits le 16 avril 1913, et c’est la Ville d’Arras qui reçoit la totalité de la concession de l’abbaye Saint-Vaast, par décision du ministre des Finances du 8 avril 1914.
Le Département envisage, dans un premier temps, d’édifier un nouveau bâtiment d’archives au n° 14, place de la Préfecture. Peu après, toutefois, sur l’avis favorable du Ministère de l’Instruction publique, est préférée la solution d’une installation des archives départementales dans une partie du grand séminaire : les 4 et 23 juillet 1914, la commission départementale, d’une part, le conseil municipal d’autre part, entérinent le contenu et le prix du bail. Mais la guerre va tout bouleverser…
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Horaires d'ouvertes des archives départementales, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 306.
Horaires d'ouvertes des archives départementales, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, T 306.