Registre paroissial de Humbert, 1709
L’hyver qui comença à la St André de l’année 1708 et qui finit au mois d’avril 1709 a causé touttes les disgrâces qui sont cy après exprimées. Il a esté si rude que de mémoire d’homes on ait jamais vû de pareil.
La gelée a esté si forte qu’elle glaçoit tout ce qui étoit liquide jusque dans les caves et mêmes dans le fours.
Quantité d’arbres et autres plantes ont péris par la rigeur du froid telle que pomiers, poiriers et autres arbres frutiers come noyers, vignes, mesmes jusqu’au houes et buys qui sont les bois les plus durs de ce pays.
Mais ce qui a le plus désolé le peuple est que la grande quantité de neige qu’il a tombé par trois ou quatres reprises poussé par les vents de midy decouvroit les campagnes et remplissoit les vallées en telle abondances qu’il estoit moralement impossibles de marcher à pied et encore moins à cheval.
Ces neiges et gelées furent suivies d’une pluye abondantes qui dura tout le long du mois d’avril, après lesquelles on s’est appercu universellement dans tout le paÿes que les blez et autres grains d’hyver étoient générallement péris, ce qui a causé une telle chereté de grains que le blez a vallu dans le mois de maye 1709 quarante livres le septier, mesures de Montreüil, le soucrion a vallu trente sols le boysseaux, la paumelle quatre livres le boisseaux, le blez sarazin ou bocquys quatre livres quinze sols aussy le boisseaux de Montreüil, l’avoines a vallu une pistole ou dix livres le septiers et on a esté obligé de rassemencer touttes les terres où on avoit semé du blez l’après aoust précédent.
Il paroit à présent que les bas grains seront en abondances, ils la promettent par les pluyes fréquentes qui arrosent les campagnes.Voila une parties des misères qui nous accablent et qui causent une famine très grande dans le temps que j’aye la main à la plume pour les descrires affin de les laisser à lire à ceux que Dieu envoyra après nous au gouvernement de cette paroisse d’Humbert ou à ceux qui les liront affin qu’ils puisse par la connoissance qu’ils auront par ce moyen prendre leurs mesures en pareil accident que celuy qui nous réduit dans une misère si grande que celle que nous ne pouvons empêcher de voir souffrir à la plus saine partie du peuple que la providence a comis à nos soins étant hors d’état de les secourir par la suitte.
Si Dieu par un effet de sa main toutte puissante n’arrête le cour de ces calamités par la récolte des bas grains que nous espérons qu’elle nous donera et dont nous serons heureux de pouvoir usé au lieu de blez dont il n’est nullement question d’attendre de faire récolter car je donerois sans exagérer le produit de mes dixmes qui année pour autres me fournissoit quatorze cent de grains l’hyver pour dix gerbes cette année icy.
Tout ce que dessus n’excède en rien les bornes de la vérité, les choses étant ainsy que je les exprime et c’est en foy de tout ce que dessus que j’aye signé ce jourdhuy septième jour du mois de juin de l’année mil sept cent noeuf.
[signé] François Delaporte, prêtre
curé d’Humbert
Archives départementales du Pas-de-Calais, E-DEPOT 466/E 1.