Le souvenir de Louis IX, plus communément appelé Saint-Louis, est associé à la représentation d’un monarque sage et pieux, rendant la justice sous un chêne à Vincennes. Si la réalité historique est quelque peu éloignée de cette image d’Épinal, il est toutefois avéré que le souverain accordait une réelle importance à la justice. Le document mis à l’honneur ce mois-ci est une sentence arbitrale qu’il rendit en 1250 pour mettre fin au différend qui opposait les comtes d’Artois et de Ponthieu.
Une sentence royale sur parchemin
La décision du monarque est traduite sur parchemin, sur lequel est appendu le sceau du roi en majesté. Assis de face sur un trône en forme de chaise curule pliante, il est couronné et vêtu du manteau royal attaché sur l’épaule droite ; il tient un sceptre fleuronné de la main gauche et une fleur de lys de la main droite. On note également la présence d’un contre-sceau orné d’une fleur de lys.
Seule la date du document permet d’identifier Louis IX comme l’auteur de cette décision. Le document porte la date de mars 1249 [ note 1], mais celle-ci, exprimée dans le style de Pâques (dit "vieux style"), correspond en réalité à mars 1250 dans notre calendrier (dit "nouveau style"). En effet, l’année 1249 "vieux style" commence le 4 avril 1249 de notre calendrier (jour de Pâques) et se termine le 26 mars 1250 (veille de Pâques).
Contexte historique
Ce document a été produit dans un contexte bien particulier, qui concerne à la fois l’histoire de la France et celle de l’Artois, à savoir la septième croisade (1248-1254). L’année 1250 coïncide avec la défaite de la Mansoura, à la suite de laquelle Louis IX est capturé (puis libéré contre rançon) ; son frère Robert Ier (1216-1250), qui l’accompagnait, est tué au cours de la bataille.
René Grousset situe la mort de Robert Ier [ note 2] entre le 8 février (début de l’attaque) et le 6 avril 1250 (capitulation). L’acte de Saint Louis dont il est question ici est donc signé très peu de temps avant la mort de Robert.
Objet de la querelle
La sentence doit mettre fin à la querelle qui oppose le comte d’Artois Robert (il reçoit à sa majorité en 1237 le comté en apanage et fonde la branche cadette de la famille capétienne de la maison d’Artois) à Marie de Ponthieu (1199-1250), comtesse de Ponthieu suo jure (son époux Simon de Dammartin est décédé en 1239).
Le différend porte sur la justice d’un territoire au nord de l’Authie, situé entre Montreuil, Hesdin et Doullens [ note 3]. Cette zone couvre les deux comtés, d’où l’altercation entre les protagonistes. Louis IX tranche en faveur de son frère, arguant que ces terres proviennent de la dot de leur grand-mère, Isabelle de Hainaut, et qu’à ce titre, leur grand-père Philippe Auguste y exerçait tous droits de justice.
Marie de Ponthieu, déboutée, n’en est pas à sa première friction avec la couronne de France. Elle avait déjà perdu ses biens, confisqués par le pouvoir royal en la personne de Philippe Auguste, après le ralliement au roi d’Angleterre de son mari et de son beau-frère, Simon et Renaud de Dammartin. Il lui avait fallu d’âpres négociations avec le fils de Philippe Auguste, Louis VIII, pour parvenir à récupérer le comté de Ponthieu, au prix de lourdes concessions. Suite à son décès peu de temps après, le comté de Ponthieu échoit à sa fille Jeanne de Dammartin (1220-1278), également comtesse d’Aumale, épouse de Ferdinand Ier (1199-1252), roi de Castille.
Notes
[ note 1] Actum in Egypto in castris juxta Mansoram anno incarnationis dominice M°CC° quadragesimo nono, mense martio
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[ note 2] Les Croisades, Paris, Presses universitaires de France, 1944, pp. 62-64. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHA 1616/8.
[ note 3] A medio fyli aque Autye usque ad Spinam Alvernosam et per medium fyli ejusdem aque sicut se comportat a dicta Spina usque directe ad Aubelotum, de Dorlens versus Hysdinum
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