5 juillet 1915. La guerre fait rage dans le Pas-de-Calais. Des aéroplanes ennemis survolent Arras et plusieurs bombes incendiaires tombent sur l’abbaye Saint-Vaast, dont l’aile ouest est occupée par les archives départementales depuis plus d’un siècle. Un gigantesque incendie détruit une grande partie du palais et, par la même occasion, une part importante des fonds anciens des archives. C’est une catastrophe. Le département du Pas-de-Calais a été fortement marqué par la guerre ; il est aussi l’un de ceux où les archives ont été les plus touchées.
Les destructions de 1915
On déplore, entre autres :
- la perte du gros des notaires d’Arras,
- de l’essentiel des archives des juridictions d’Ancien Régime,
- de nombreuses tables décennales,
- du début des séries N (comptabilité départementale),
- S (travaux publics),
- T (enseignement)
- et X (bureaux de bienfaisance).
Comble de malchance, l’archiviste en chef, Pierre Flament, est absent, car mobilisé au front. Il perd la vie le 30 août 1916 lors de la bataille de Verdun.
Vor la rubrique Le personnel des archives pendant la guerre
Devant l’urgence de la situation, son adjoint, Alexis Lavoine, organise le transfert des fonds sauvegardés vers d’autres zones moins exposées. Les archives du département sont alors éparpillées au sein de quatre principaux dépôts temporaires :
- les documents les plus précieux sont expédiés par chemin de fer aux archives nationales dès août 1915,
- les archives modernes au musée de Boulogne-sur-Mer,
- les registres paroissiaux et les archives hospitalières d’Arras à Montreuil-sur-Mer,
- la sous-série 2 O (concernant les bâtiments et biens communaux, et ainsi jugée primordiale pour l’évaluation des dommages de guerre) aux archives départementales de la Haute-Garonne à Toulouse.
D’autres fonds restent en outre à Arras. Comme le note Alexis Lavoine dans son rapport pour l’année 1917-1918, la vie des archives pendant la guerre n’est qu’un chassé-croisé de déménagements
.
Arrivée de Georges Besnier
Au lendemain du conflit, Georges Besnier (1879-1961), archiviste départemental du Calvados depuis 1906, au front de 1915 à 1918, obtient sa mutation dans le Pas-de-Calais. Il succède à son camarade de promotion Pierre Flament. La tâche qui l’attend est immense : constater l’état des pertes, reconstruire un nouveau dépôt, rapatrier les collections disséminées aux quatre coins de la France et les reclasser, etc.
Dès son arrivée, il se positionne clairement en faveur d’une réinstallation proche de la préfecture, mais il faut attendre 1923 pour que le préfet et le Conseil général statuent sur la construction d’un nouveau dépôt, faute de financement et d’un emplacement défini. Plusieurs solutions sont étudiées et, dans un premier temps, il est même envisagé de ne conserver à Arras que les documents les plus récents, encore utiles à l’administration. Mais Besnier campe sur ses positions. Le 12 septembre 1921, lors de l’unique réunion de la commission chargée de statuer sur la "reconstruction d’un dépôt moderne à l’abri de l’incendie", il défend avec force ses idées qui sont finalement toutes adoptées.
Le 21 octobre 1924, le Département acquiert un immeuble et un jardin au 14 place de la Préfecture (il est déjà propriétaire du 12, immeuble des enfants assistés, depuis 1922) ; les travaux peuvent débuter.
La construction du nouveau dépôt place de la Préfecture
L’architecte Paul Decaux est chargé de la construction du nouveau bâtiment des archives. Dès 1921, il en conçoit des plans, suivant les recommandations de Georges Besnier qui lui expose sa vision d’un dépôt d’archives "moderne", à l’image de ce qui a été fait à Anvers ou à Lille un peu plus tôt.
Il préconise la construction de bureaux "réduits au minimum", d’une "salle des employés et du public", d’une autre "de versement et de triage" et d’une bibliothèque administrative. Les magasins surtout sont étudiés : on prévoit des "étages à hauteur d’hommes pour éviter les échelles", des matériaux tels que le ciment ou des charpentes métalliques à l’épreuve du feu. En tout, le nouveau bâtiment dispose d’une capacité de stockage de 14 000 mètres linéaires.
Le plan définitif est arrêté à l’hiver 1924 et les travaux semblent s’être déroulés très rapidement. Si on ne connaît pas la date de réception définitive du bâtiment, un article de L’Avenir d’Arras daté du 10 décembre 1924 précise qu’ il ne reste plus qu’à exécuter les ravalements et les décorations extérieurs
et annonce l’ouverture pour le printemps suivant.
Pourtant les premières critiques se font rapidement entendre. Le bâtiment, considéré comme vaste à son origine, est vite jugé trop petit. Les besoins d’archivage des services des Régions libérées ont été sous-estimés et la construction de l’abri de défense passive de la préfecture au sous-sol du dépôt ampute 1 000 mètres linéaires de capacité de stockage. Les premiers projets d’agrandissement sont envisagés dès 1939, mais déjà la Seconde Guerre mondiale éclate, anéantissant à jamais ces desseins.
Transcription d'une lettre d'Alexis Lavoine à Georges Besnier
Le 31 octobre,
À Monsieur Georges Besnier
Archiviste départemental du Pas-de-CalaisJ’ai bien reçu votre bienveillante lettre du 25 et ne veux pas tarder à y répondre.
Vous êtes le bienvenu en prenant le poste d’archiviste du Pas-de-Calais de nous arriver comme camarade et ami du regretté M. Pierre Flament. Il nous aura seulement été montré. Il avait, en peu de temps, conquis non seulement le dévouement, mais encore l’affection de son personnel.
Certes, quand ce pauvre M. Flament vint, le soir de la mobilisation, me confier son argenterie et ses souvenirs précieux, je ne me doutais pas que l’intérim qu’il me confiait serait d’aussi longue durée et qu’il ne nous reviendrait plus.
J’ai fait de mon mieux pour ne pas laisser péricliter les diverses branches du service – au cours d’une torturante angoisse durant plus de quatre ans sur le sort de mon petit caporal disparu dès le 30 août 1916 au combat de Guise. J’espère que les rapports annuels que vous pourrez lire – si ce n’est déjà fait – me rendront justice sur ce point.
Cependant j’aurai l’éternel regret d’avoir été abandonné sous le feu, durant près d’un an, sans pouvoir obtenir les moyens de mettre à l’arrière tant de trésors historiques que j’ai vu brûler sous mes yeux, n’ayant pu en sauver, sous un bombardement intense, que le fonds historique d’Arras.
Je n’ai pas besoin de vous dire que vous pouvez compter sur mon entier dévouement pour vous aider dans la lourde tâche que vous avez à accomplir.
J’avoue que, peu encouragé par l’administration, j’aurais volontiers, après tant d’épreuves, pris ma retraite et demandé le poste municipal de Boulogne qui va devenir vacant. Mais, ne voulant pas passer pour un déserteur dans la ville martyre qui a droit au concours de tous ses enfants, il est de mon devoir de vous aider dans la reconstitution.J’ajoute que vous trouverez le même zèle dans un personnel consciencieux.
Nous n’avons pu regagner Arras faute de local pouvant contenir les quelques 100 tonnes d’ici et les fonds évacués sur Paris et sur Toulouse. Je ne parle pas du logement personnel introuvable. Je vous souhaite de pouvoir, dans ces ruines, vous loger le moins mal possible.J’attendrai votre visite à Boulogne après le 16, jour des élections ?
La pauvre Madame Flament doit venir me voir très prochainement. Elle est toujours errante depuis 5 ans ! Tantôt chez des parents à Laval, tantôt à Aix puis à Paris. Nous avons recueilli son mobilier, très menacé près de la gare en 1916 et nous avons loué une maison pour l’abriter et sommes dans ces meubles. Pour le moment, Mme Flament doit être rentrée à Paris, chez ses parents 3, rue Albert de Lapparent.En attendant l’honneur de vous voir, veuillez agréer, Monsieur l’Archiviste, l’expression de mes sentiments les plus distingués et entièrement dévoués.
A. Lavoine
Archives départementales du Pas-de-Calais, T 308.
kociemski zilda
je recherche l e feuillet concernant mon grand père roussel ulysse : son matricule était 216, sa classe 1902. pourriez vous m'aider.
merci d'avance
Le 25 mai 2016 à 19h09