Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
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"À vous, mes chers camarades défunts !" Gardelegen (Allemagne), avril 1945
Discours de Gabriel Gey au lendemain du massacre de Gardelegen
À l’occasion de la parution, le 10 septembre 2020, du Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, un projet piloté par le Centre d’Histoire et de Mémoire de La Coupole qui retrace l’histoire complète de chacun des déportés de France passés par le camp de concentration de Mitelbau-Dora, son directeur scientifique, Laurent Thiery, a bien voulu présenter un document inédit, conservé sous la cote 51 J 26, aux archives départementales du Pas-de-Calais.
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"Euch, meinen lieben toten Kameraden" ["À vous, mes chers camarades défunts !"]. Discours de Gabriel Gey, [1945]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 51 J 26.
Traduction du document
À vous, mes chers camarades défunts !
C’est accompagné de mes camarades Duvauchelle, Delahaye et Moritz, emmenés de force en terre ennemie en raison de leurs opinions et de leur patriotisme, que je me trouve devant vos tombes. Le regard tourné à présent vers notre patrie, un profond sentiment de fidélité monte en nous, parce que nous pensons à vous qui avez courageusement donné votre vie afin que notre patrie soit libérée du joug de l’ennemi. Je pense avant tout à la terrible période de souffrance que nous dûmes traverser ensemble dans les camps de concentration du Reich hitlérien. Je vous vois encore travailler comme des esclaves dans le « tunnel de la mort » de Dora, sous les coups des gardiens SS, durant 10 voire 12 heures par jour. Vous avez supporté votre sort en silence et gardé un moral inébranlable, car vous saviez que le jour viendrait où ces monstres de SS seraient punis.
Ces mêmes SS, pour lesquels une mort bien méritée semblait déjà si proche, vous ont lâchement assassinés le 13 avril 1945. Aujourd’hui, nous nous tenons devant vos tombes honorées à jamais par le sang que vous avez versé pour la France et pour le général de Gaulle, le seul qui soit digne de nous conduire.
Soyez patients, mes chers camarades, reposez en paix. Vous serez vengés, je vous le promets ! Toi, cher Jacques Chèvre que j’entends dire, « Gaby, je n’en peux plus. Aide-moi dans mon travail ! ». Je répondis « Oui, mon ami, j’arrive. Je veux que tu puisses revoir la France ! ». Malheureusement, tu ne reverras plus ton épouse et ton fils, mon bon camarade, mais je vais te venger, crois-moi ! Toi Boucard, toi Mechin, vous tous mes camarades, vous me connaissez, je tiendrai parole !
À présent, je m’adresse à leurs meurtriers, à eux qui continuent à se cacher et je leur dis qu’il vaut mieux qu’il ne se trouvent pas sur mon chemin car je serai sans pitié. De la même manière qu’ils l’ont été envers nous tous et envers l’Allemagne.
Mes chers camarades, nous quatre ici, nous vous saluons et ne voulons pas vous quitter sans vous dire que nous avons malgré tout rencontré de braves gens. C’est pour moi une grande joie de pouvoir les nommer, Madame Fritz Ulrich d’Ackendorf, la famille Ulrich et la famille Wendt de Gardelegen. Nous autres, Français, garderons toujours dans notre cœur le souvenir de leur accueil amical et serviable.
Nous allons maintenant nous éloigner de vos tombes, mes chers camarades défunts. Puisse la quiétude qui entoure le lieu paisible où vous reposez, ne pas vous faire oublier que nous nous souviendrons à jamais de votre sacrifice. Reposez en paix !
Vive la France ! Pax vobis !
Gey, chef des déportés français à Gardelegen Duvauchelle, Delahaye, Moritz
Texte allemand traduit par Bernard Doncker, professeur agrégé d’allemand retraité, co-auteur du Dictionnaire biographique des 9 000déportés de France à Mittelbau-Dora paru aux Éditions du Cherche-Midi (2020).
Transcription du document
Euch, meinen lieben toten Kameraden.
Mit meinen Kameraden, Duvauchelle, Delahaye und Monitz, die ihrer Gesinnung und Vaterlandstreue wegen in des Feindes Land geschleppt wurden, stehe ich heute vor Euren Gräbern. Wenn wir jetzt den Blick auf unser Vaterland richten, steigt ein tiefes Gefühl der Treue in uns auf, weil wir an Euch denken, die tapfer ihr Leben hingaben, damit unser geliebtes Vaterland vom Joch der Feindherrschaft befreit werde. Vor allem denke ich an die furchtbare Zeit des Leidens, die wir gemeinsam in den K.-Z.-Lagern des Hitler-Reiches erleben muβten. Ich sehe Euch noch, wie Ihr unter den Schlägen der SS-Wachen im „Todestunnel“ in Dora wie Sklaven gearbeitet habt. 10, ja 12 Stunden am Tag. Aber Ihr trugt Euer Los schweigend, und Eure Moral blieb unerschüttert, weil Ihr wuβtet, daβ der Tag kommen würde, an dem diese SS-Unmenschen ihre Strafe erhalten.
Diese gleichen SS-Männer, denen der verdiente Tod schon so nahe schien, ermordeten Euch feige am 13. April 1945, und nun stehen wir auf Eure Gräber, die geweiht sind durch Euer Blut, das für Frankreich geflossen ist, für General de Gaulle, der allein würdig ist, uns zu führen.
Geduld, meine lieben Kameraden, ruht in Frieden. Ihr werdet gerächt werden, das verspreche ich Euch! Dich, lieber Jacques Chèvre, höre ich sagen: „Gaby, ich kann nicht mehr weiter. Hilf Du mir, bei meiner Arbeit! Ich antwortete: „Ja, mein lieber Freund, ich komme. Ich will, daβ Du Frankreich wiedersiehst!“ Du wirst leider Deine Frau und Deinen Jungen nicht mehr wiedersehen, Du guter Kamerad, aber ich werde Dich rächen, glaube mir! Und Du Boucard, Du Mechin, Ihr alle, meine Kameraden, Ihr kennt mich! Ich werde mein Wort halten!
Jetzt wende ich mich an ihre Mörder, an sie, die sich jetzt noch verborgen halten, und ich sage ihnen, daβ sie mir besser nicht in den Weg laufen, denn ich werde unbarmherzig sein. Genau so, wie sie es gewesen sind gegen uns alle und gegen Deutschland.
Meine Kameraden, wir vier grüβen Euch heute, und wir wollen Euch nicht verlassen, ohne Euch zu sagen, daβ wir trotz allem gute Menschen gefunden haben. Es ist mir eine groβe Freude, ihre Namen anführen zu können. Frau Fritz Ulrich aus Ackendorf, Familie Ulrich und die Familie Wendt aus Gardelegen. Wir Franzosen werden immer in unseren Herzen das Andenken ihrer freundlichen und hilfreichen Aufnahme bewahren.
Nun verabschieden wir uns von Euren Gräbern, meine lieben toten Kameraden. Möge die Stille, die über Euren friedlichen Ruhestätten liegt, Euch nicht vergessen lassen, daβ wir immer Eurer Opfer gedenken werden. Ruht in Frieden!
Es lebe Frankreich! Pax vobis!
Gey, Chef der französischen Deportierten in Gardelegen Duvauchelle, Delahaye, Monitz
"Euch, meinen lieben toten Kameraden" ["À vous, mes chers camarades défunts !"]. Discours de Gabriel Gey, [1945]. Archives départementales du Pas-de-Calais, 51 J 26.
"À vous, mes chers camarades défunts !". Tel est le titre d’un document isolé, retrouvé au sein du fonds Fernand Lhermitte (51 J), actuellement en cours de vérification par les archives départementales du Pas-de-Calais. Il s’agit de la retranscription en allemand d’un discours prononcé par Gabriel Gey, très probablement quelques jours seulement après l’une des dernières tragédies de l’histoire du nazisme.
Parcours de Gabriel Gey, résistant déporté
Né le 8 décembre 1915 à Vaugneray (Rhône), Gabriel Gey devient officier pilote à Air France, après l'armistice de juin 1940. Il entre en résistance en 1942, au sein du mouvement Libération du Var, puis du réseau Gallia. Arrêté le 11 mai 1943 par la Gestapo à Toulon, il est déporté le 6 décembre 1943 dans un transport d'une cinquantaine d'hommes, tous étiquetés Nacht und Nebel ("Nuit et Brouillard") à destination du camp de Sarrebruck-Neue Bremm.
Le 28 décembre, il est transféré vers celui de Buchenwald et immatriculé 5 297, avant d’être envoyé, le 22 janvier 1944, au Kommando du tunnel de Dora. Les travaux pour y installer une usine souterraine destinée à la fabrication de fusées A4-V2 ont commencé cinq mois auparavant.
La tragédie de Gardelegen, SEL/1323, fonds "André Sellier"
La tragédie de Gardelegen, SEL/1323, fonds "André Sellier"
En août 1944, il est affecté au camp annexede Wieda : ce village de la vallée du sud du Harz est le siège de la SS Baubrigade III. Le rôle de cette "brigade volante" est la construction du Helmetalbahn, une nouvelle ligne ferroviaire devant rejoindre Herzberg et Nordhausen par Osterhagen, Mackenrode et Nüxei. Gabriel Gey passe à Mackenrode, puis à Nüxei, où il se trouve encore lors de l'évacuation de Wieda et de ses trois sites, le 7 avril 1945. Il est l'un des 300 hommes partis en train, mais il réussit à s'en évader, le 11, à Letzlingen, lorsque le convoi est immobilisé par une attaque aérienne.
Gabriel Gey n'est rapatrié en France par avion que le 25 juillet 1945, car il est resté à Gardelegen, engagé par les troupes d'occupation américaines pour participer à la police routière. Il passe par le centre d'accueil du Lutetia à Paris comme beaucoup de déportés.
La "marche de la mort" des déportés de Mittelbau-Dora
Contrairement à ses nombreux camarades du camp de Wieda, Gabriel Gey a échappé au massacre de la grange de Gardelegen, perpétré par les SS le 13 avril 1945, à quelques heures de l’arrivée des Américains.
Aujourd’hui rattachée au Land de Saxe-Anhalt, la ville se trouve, en avril 1945, à proximité de l’axe de progression de colonnes de déportés, parties principalement du camp de Mittelbau-Dora et ayant pour objectif le franchissement de l’Elbe. Ces "marches de la mort", qui résultent de l’évacuation des principaux camps nazis à l’approche des troupes alliées, ont été ordonnées depuis la sphère centrale de commandement de la SS à Berlin. Pour les nazis, elles ont deux objectifs principaux :
d’une part, conserver à tout prix la force de travail constituée par les déportés pour assurer la victoire du Reich et,
d’autre part, protéger les civils allemands des localités proches des camps d’éventuelles représailles de ceux qui sont présentés par la propagande nazie comme des "terroristes" et criminels.
Deux premières colonnes, parties le 4 avril de Niedersachswerfen (400 hommes) et d’Ellrich (1 100 hommes), finissent par arriver, six jours plus tard, en gare de Mieste. Les survivants sont rejoints par 400 malades évacués du Kommando de Stöcken qui dépend du camp de Neuengamme, situé près d’Hambourg. Le 11 avril, une nouvelle colonne est reformée et prend la route de Gardelegen.
Cadavres en tenue rayée à l’entrée de la grange, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
Cadavres en tenue rayée à l’entrée de la grange, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
Dans le même contexte, les détenus du camp de Wieda partis le 6 avril arrivent en gare de Letzlingen, le 11. Une attaque aérienne cause la mort de nombreux déportés et beaucoup, comme Gabriel Gey, parviennent à s’enfuir. Une véritable chasse à l’homme est engagée par les SS et tous les Allemands volontaires. Dans la soirée, les repris sont dirigés vers Gardelegen.
Le massacre de la grange de Gardelegen
Plus d’un millier d’hommes de toutes nationalités convergent donc vers la ville, où ils arrivent le 12, et y sont enfermés dans le manège de l’ancienne école de cavalerie. Le drame qui va se jouer ressort de la responsabilité de plusieurs acteurs.
D’abord les SS, et en particulier Erhard Brauny, ancien commandant du camp de Rottleberode, qui encadre la colonne arrivant de Mieste. Mais surtout, le Kreisleiter de Gardelegen, Gerhard Thiele, personnage tout puissant du secteur et nazi convaincu. Dès l’arrivée des prisonniers, Thiele veut obtenir des SS que les déportés soient fusillés. Mais dans l’après-midi, ces derniers disparaissent.
Le soir même du 12 avril, il se rend à la réception organisée pour le gratin nazi au château d’Isenschnibbe. Sa propriétaire aurait alors proposé d’utiliser une de ses granges abandonnée, pour y conduire les déportés et y mettre le feu. Thiele l’accepte. Le vendredi 13 avril, de la paille imbibée d’essence y est déposée. Vers 19 heures, la colonne de détenus prend la direction de la grange où ils sont enfermés avant que le feu ne soit allumé…
Inhumation des corps des victimes par des civils allemands, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
Inhumation des corps des victimes par des civils allemands, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
C’est le lendemain, le samedi 14 avril, vers 17 heures, que le drame est découvert par une douzaine de détenus évadés, dont très probablement Gabriel Gey et ses trois camarades présents lors de son allocution. Les Américains sont horrifiés par ce qu’ils découvrent le 15 et menacent de détruire la ville de Gardelegen. Tous les hommes sont réquisitionnés pour venir relever les corps des 1 016 victimes. Seules 305 sont identifiables. On compte huit rescapés, dont trois Français. Sur ordre des Américains, des tombes individuelles sont creusées et ornées d’une croix en bois. L’inhumation est terminée le 25 avril et se conclut par un office religieux et les honneurs militaires.
Discours de Gabriel Gey
Mais que nous disent Gabriel Gey et ce document, 75 ans après les faits ? Non daté précisément, le ton du discours semble correspondre à un au revoir : Nous allons maintenant nous éloigner de vos tombes
. Sans aucun doute, il précède le rapatriement de Gabriel Gey et des survivants qui l’accompagnent lors de ce moment d’ultime recueillement.
Cimetière avec les 1 016 croix de bois installées en avril 1945, Bru/85, fonds "Jacques Brun".
Cimetière avec les 1 016 croix de bois installées en avril 1945, Bru/85, fonds "Jacques Brun".
Après sa libération, Gey s’est engagé au service des troupes américaines. C’est probablement pourvu de cette nouvelle autorité qu’il se pare du titre de "chef des déportés français à Gardelegen". Ces fonctions vont retarder son retour en France qui n’intervient que le 25 juillet 1945, soit plusieurs semaines après la grande majorité des déportés français du secteur. On peut donc estimer que ce discours a été prononcé peu de temps avant cette date, autour du 20 juillet.
Également déportés au camp de Mittelbau-Dora et affectés au Kommando Wieda, Maurice Delahaye et André Duvauchelle ont connu une fin de parcours similaire à celle de Gabriel Gey. Âgé de 24 ans en 1945, Maurice Delahaye était boucher, à Dieppe (Seine-inférieure) lorsqu’il tente, en 1943, de passer en Espagne pour rejoindre l’armée du général de Gaulle en Afrique du Nord. Arrêté, il est déporté en septembre 1943 à Buchenwald, puis à Dora, matricule 20 472. Son retour tardif en France est dû à une grave infection des yeux. Il meurt à Dieppe en 2002. André Duvauchelle est originaire du Pas-de-Calais. Né le 28 août 1905 à Harnes, il fait partie des 244 mineurs déportés en juillet 1941, en représailles à la grande grève organisée dans le bassin minier en mai-juin. Transféré à Buchenwald et Dora en septembre 1943, on ne connaît pas les raisons de son rapatriement tardif, mais c’est probablement une conséquence de son état de santé. André Duvauchelle est décédé dès avril 1949 à Fouquières-lès-Lens, des suites directes de sa déportation. Il avait 44 ans. Monitz, le troisième camarade de Gabriel Gey, n’a pu être identifié.
Gabriel Gey salue l’engagement de ses camarades, morts pour la France et "pour le général de Gaulle". Jacques, en réalité Lucien Chèvre (matricule 41785 à Dora), originaire de Dordogne, s’était ainsi engagé dans la Résistance au sein du mouvement Combat en 1942. Alphonse Boucard, né en 1908 et originaire de Joué-lès-Tours en Indre-et-Loire, appartenait au réseau Darius dans le groupe Jean de la Lune région Touraine depuis mai 1942. Enfin, Paul Méchin avait 21 ans quand il est arrêté, en 1943, comme membre d’une unité de parachutage du réseau SOE Pascal / Buckmaster. Tous les trois ont péri lors de cette tragique "marche de la mort".
Stèle commémorative du 13 avril 1945, posée sur le lieu du massacre, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
Stèle commémorative du 13 avril 1945, posée sur le lieu du massacre, BRU/85, fonds "Jacques Brun".
Les recherches menées par La Coupole sur les déportés de Dora ont permis d’identifier 75 Français parmi les victimes de la grange de Gardelegen. La quasi-totalité était des résistants. Simon Sakoun, garçon de café dans le prestigieux établissement du Fouquet’s, situé sur l’avenue des Champs-Élysées, en faisait partie. Il avait été déporté du camp de rassemblement de Drancy dans un convoi de la Shoah dirigé vers le centre de mise à mort d’Auschwitz en janvier 1944. Il avait survécu à une première évacuation meurtrière en janvier 1945 pour arriver à Dora. La seconde lui a été fatale.
Vengeance et reconnaissance
Confronté à cette tragédie et devant les dépouilles de ses camarades assassinés, Gabriel Gey en appelle à la vengeance. Lancée par les services de recherches des criminels de guerre US, l’enquête permet l’arrestation d’Erhard Brauny. Condamné à la perpétuité par un tribunal militaire américain, il meurt en 1960. Gerhard Thiele échappe, lui, aux poursuites et décède en 1994 sous une fausse identité.
Au-delà d’un profond sentiment de haine à l’égard de ses bourreaux et de leurs complices qui apparaît parfaitement légitime, le texte de Gabriel Gey fait preuve d’une étonnante lucidité et d’une grande hauteur d’esprit. Loin de faire un amalgame et de généraliser l’attitude du peuple allemand dans son ensemble, il tient à rappeler l’aide salvatrice de quelques familles allemandes :
Nous autres, Français, garderons toujours dans notre cœur le souvenir de leur accueil amical et serviable.
Après les évasions survenues en gare de Mieste et de Leztlingen, de nombreux déportés ont dû se cacher en attendant l’arrivée des Américains. Alors que beaucoup de civils fanatiques, notamment les plus jeunes, participaient activement aux "battues" lancées par les SS, certains foyers se sont ouverts et ont constitué un refuge.
C’est le cas des Wendt, de Gardelegen, cités dans le texte de Gabriel Gey. Un courrier adressé, en avril 1951, par O. (Oskar ?) Wendt au ministère des Anciens Combattants français et destiné à renouer le contact avec Gabriel Gey, revient sur les circonstances de ces faits [note 1]. Selon lui, il avait, "peu de temps avant la fin de la guerre, rencontré dans un bois près de Gardelegen cinq déportés français qui venaient de s’évader". Pendant quatre jours, précise-t-il, il les a cachés et nourris avant de les conduire dans la ville libérée par les Américains. Prise malgré les risques encourus, l’initiative de la famille Wendt a très probablement joué sur la perception de Gabriel Gey et son besoin incommensurable de rappeler que "l’Allemagne" a elle aussi été victime de meurtriers.
Soixante-quinze-ans après la découverte du système concentrationnaire et l’ouverture des camps nazis, ce document nous rappelle que les rescapés des camps de la mort ont été les précepteurs et les principaux acteurs de la réconciliation avec l’Allemagne et de la construction européenne.
Notes
[note 1] Dossier "déporté résistant" de Gabriel Gey, 21p614495, SHD-DAVCC, Caen.
Commentaires (2)
Arnault
Oui, le docteur André Morin a bien été reconnu parmi les victimes. Sa dépouille a meme été rappatriée en France
Arnault
Oui, le docteur André Morin a bien été reconnu parmi les victimes. Sa dépouille a meme été rappatriée en France
Le 28 décembre 2022 à 15h13
Pons
Le docteur André Morin a-t-il été reconnu?
Le 18 août 2022 à 18h52