Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre

En raison d’une panne du chauffage du Centre Georges-Besnier, sa salle de lecture (Arras) ferme jusqu’à nouvel ordre. Pour toute recherche administrative urgente sur les fonds conservés sur le site concerné (archives contemporaines), nous vous invitons à nous contacter pour une communication par correspondance ou, en cas de nécessité pratique, pour organiser une session de consultation en salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois des documents nécessaires à votre recherche.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Un exemple de dossier de dommages de guerre : les tissages Tripette et Renaud fils

Les dossiers de demandes d’indemnités pour dommages de guerre constituent une véritable richesse pour l’histoire locale. Multitude de renseignements y sont consignés avec soin, permettant une analyse approfondie d’un établissement d’avant-guerre et une photographie instantanée du mode de vie des habitants du Pas-de-Calais à cette époque.

Pour compléter  la fiche de recherche consacrée à ce sujet, nous vous proposons l’exemple d’un dossier conservé en sous-série 10 R 19, qui concerne l’entreprise de tissage Tripette et Renaud fils. Cet article a été écrit par Marianne Sala, que nous remercions chaleureusement. 

Les demandes d’indemnités pour dommages de guerre

Photographie couleur d'une couverture de dossier portant un ruban et un sceau. On lit : "Fabrique française de gazes à bluter. Usine du Transloy (Pas-de-Calais). Photographies".

Dossier n°3580, Société Tripette et Renaud Fils, fabrique française de gazes à bluter à Le Transloy. - Instruction des demandes d'indemnités au titre des dommages de guerre : enregistrement du sinistré, coupure de presse, devis descriptif et estimatif des dommages, plans, compte de remploi, dossier photographique. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 R 19/214.

La loi du 17 avril 1919, dite "charte des sinistrés", fonde le régime des indemnités de dommages de guerre, sur le principe général de l’égalité et de la solidarité de tous les Français devant les charges de la guerre.

Dès 1920, les victimes des dommages de guerre, vols, saccages, bombardements ou encore réquisitions, déposent des dossiers de demandes d’indemnités en vue du remboursement de leurs biens. Selon leur statut, elles se regroupent en coopératives pour défendre leurs intérêts, ou utilisent des filières de reconstitution industrielle.

Dans la partie dévastée du Pas-de-Calais, industriels, commerçants et artisans utilisent ces filières réparties par commissions cantonales, pour pouvoir reprendre leurs activités.

Le dossier des tissages Tripette et Renaud fils au Transloy, trace d’une industrie oubliée

C’est dans ce cadre qu’est déposé le dossier de la "Société Tripette et Renaud fils, fabrique française de gazes à bluter à Le Transloy", sous le numéro 3580 (coté en 10 R 19/214).

Photographie couleur montrant les plans d'une usine.

Dossier n°3580, Société Tripette et Renaud Fils, fabrique française de gazes à bluter à Le Transloy. - Instruction des demandes d'indemnités au titre des dommages de guerre : enregistrement du sinistré, coupure de presse, devis descriptif et estimatif des dommages, plans, compte de remploi, dossier photographique. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 R 19/214.

Cette curieuse industrie a été très éphémère : installée en 1911-1912, elle ne survit pas à la guerre. Sans le remarquable ensemble de documents du dossier, elle n’aurait laissé presque aucune trace, ce secteur du sud de l’Artois ayant connu une forte destruction d’archives.

Une histoire très particulière

Cette partie du département, sans grandes industries ni grosses villes, est depuis longtemps vouée au tissage, à la bonneterie, et à l’industrie agro-alimentaire, brasseries et sucreries. De petites "usines", souvent antennes de sociétés de Paris, de la Somme ou de l’Oise, s’implantent dès la fin du XIXe siècle, telles la fabrique de boutons d’Hermies ou l’usine Pennelier de Bertincourt.

Le Transloy est un centre réputé du tissage de la soie, à domicile ou en très petits ateliers : en témoignent les métiers listés dans les recensements : tisseurs, ourdisseurs, trameurs, dévideurs de cocons, facteurs de fabrique.

Avant de s’installer au Transloy, l’entreprise de tissage Tripette et Renaud fils possédait une usine tout près, à Sailly-Saillisel dans la Somme. En 1911, ces industriels achètent au Transloy un ancien atelier de dévidage de cocons, sur un petit terrain de 1000 m², et le transforment en atelier de tissage pourvu de cinq métiers. Puis en 1912, ils font construire en prolongement un atelier beaucoup plus grand et multiplient le nombre de métiers.

Dans cette usine, on tisse un produit très particulier : des gazes à bluter en soie. Ce tissu léger et transparent, présentant des intervalles très réguliers le distinguant d’un autre tissu, sert avant tout à la meunerie pour le tamisage de la farine, avant d’être utilisé pour d’autres usages.

Photographie noir et blanc d'une feuille cartonnée sur laquelle est collé un dessin représentant une vue latérale des bâtiments d'une usine. Autour, on lit : "Usine du Transloy. Vue d'ensemble sur rue du Calvaire".

Dossier n°3580, Société Tripette et Renaud Fils, fabrique française de gazes à bluter à Le Transloy. - Instruction des demandes d'indemnités au titre des dommages de guerre : enregistrement du sinistré, coupure de presse, devis descriptif et estimatif des dommages, plans, compte de remploi, dossier photographique. Archives départementales du Pas-de-Calais, 10 R 19/214.

L’atelier décrit dans le dossier est moderne, avec chauffage central et groupe électrogène. Les vingt-huit métiers sont éclairés par autant de fenêtres. Cette organisation suggèrerait une volonté d’amélioration des conditions de travail des tisseurs, souvent confinés dans les caves et victimes fréquentes de la tuberculose.

À l’appui de cette hypothèse, on trouve en 1912, période de cherté des denrées alimentaires et du pain, la fondation par Louis Face, directeur des Tissages, d’une coopérative de boulangerie, nommée L’Union pour la vie. Les statuts de cette coopérative civile montrent un état d’esprit concordant avec le modernisme des bâtiments.

Une vie éphémère

Ces projets n’ont pas eu le temps de faire leurs preuves. Ni l’usine, ni la coopérative ne survivent à la guerre. Dès la "seconde bataille", en septembre 1914, la coopérative ferme ses portes. Les ateliers de tissage, détruits, ne seront pas reconstruits, et sans le dossier de dommages de guerre, nulle image ne subsisterait de cette industrie.

Pour aller plus loin

Bibliographie

  • I. PACHEKA, "Les dossiers de dommages de guerre", dans Archives de la Grande Guerre. Des sources pour l'histoire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, 570 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7571.

Du même auteur

  • M. SALA, Le pain oublié. Le pain dans le Pas-de-Calais. 1900-1922. Tome 1 : l'avant-guerre, Bouvignies, 2018, 315  p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 3645.