238 fiches individuelles avec photographies constituent le reliquat d’un fichier des étrangers établi dans l’entre-deux-guerres pour la délivrance de cartes d’identité.
L’identification des étrangers
En avril 1917 est instaurée en France la "carte d’identité d’étranger". Cette mesure renforce le contrôle de la main-d’œuvre étrangère sur le territoire national. C’est l’aboutissement d’une politique entamée depuis 1880. Les pouvoirs publics ambitionnent de contrôler la domiciliation et la mobilité des étrangers en France.
Déposées dans les préfectures et les commissariats pour les villes ou dans les mairies pour les communes rurales, les demandes sont ensuite examinées par un service spécialisé de la préfecture qui établit les cartes, le 3ième bureau de la première division. Les étrangers de plus de quinze ans y sont soumis. Ils doivent produire un passeport, un certificat sanitaire et la preuve de leur embauche en France. Cette carte n’est pas délivrée gratuitement puisqu’elle suppose le paiement d’une taxe.
À partir de 1924, les textes durcissent les contrôles pour protéger le marché du travail national. La profession est définitivement inscrite sur la carte et complexifie la mobilité puisque tout alternance implique la refonte complète de la carte.
La création du fichier central de la Sûreté au début des années 1930 participe du renforcement de la police des étrangers. De même, le changement de département est fortement limité en 1935. Le durcissement est encore plus notable avant la Seconde Guerre mondiale.
Des fiches spécimens à consulter
Du fichier versé par la préfecture du Pas-de-Calais, il ne reste que 238 fiches à l’issue d’une campagne d’élimination effectuée entre les années 1990 et le début des années 2000. Apparemment conservées à des fins iconographiques, selon l’ancien intitulé de description, les fiches ont fait l’objet d’une évaluation et d’une sélection non documentées aux Archives. Les documents ne peuvent constituer un échantillon représentatif sans informations sur le corpus traité.
De nombreux fonds relatifs aux étrangers ont été éliminés pendant la même période aux archives du Pas-de-Calais, depuis longtemps saturées. Le choix a été fait de ne pas garder d’éventuels doublons de sources conservées aux Archives nationales.
En revanche, en 2022, les spécimens conservés, datés de 1926 à 1946, intégralement numérisés recto-verso ont été décrits avec précision afin de fournir un instrument de recherche au public intéressé.
Des archives sélectionnées
Choisir, c’est renoncer
selon André Gide. Évaluer, sélectionner, échantillonner et éliminer c’est renoncer à mettre certaines sources à disposition d’un public potentiel. C’est également une pratique au cœur du métier d’archiviste qui doit gérer une production documentaire bien supérieure aux moyens de conservation dont il dispose, tant en place disponible dans les rayonnages qu’en ressources humaines pour les traiter.
Pour autant, accumuler des quantités exponentielles de mètres linéaires (pour les documents papier) et de téraoctets (pour les documents numériques) d’informations que peut-être personne ne consultera, est-ce bien raisonnable ?
L’archiviste oscille entre la lutte contre l’infobésité et la tentation de tout conserver de certains. Il effectue un choix raisonné appuyé sur des règles professionnelles, une expérience et une étude argumentée. En 2014, la délégation interministérielle aux Archives de France a d’ailleurs diffusé le Cadre méthodologique pour l'évaluation, la sélection et l'échantillonnage des archives publiques, expliquant en 75 pages les règles à suivre dans ce domaine.
Entre vieux papiers poussiéreux inutiles pour "quelques-uns" ou de merveilleux trésors pour d’autres, les documents et données conservés par les services d’archives sont le résultat d’une histoire parfois compliquée. Leur documentation est importante pour comprendre les sources disponibles.