Le 14 décembre 1790, lors d’une séance de son assemblée administrative, le directoire départemental valide la publication d’un placard destiné à être diffusé dans tous les districts du Pas-de-Calais. Cet avis fait la promotion de l’école d’accouchement d’Arras qui recrute des étudiantes se destinant au métier de sage-femme. Les archives départementales en conservent un exemplaire sous la cote 4 J 1151.
Origines de l’école d’accouchement d’Arras
Les origines de cette école remontent à l’Ancien Régime. Les États provinciaux d’Artois sont les premiers à envisager la création d’un cours de démonstration de l’art des accouchements
pour remédier au taux de mortalité important des nouveau-nés et de leurs mères en couches. À cette époque, une cinquantaine de sages-femmes jurées, plus ou moins bien formées, assistent les parturientes des 737 communes du territoire.
Face à cette pénurie, qui se manifeste essentiellement dans les campagnes reculées, et au manque de professionnalisme de certaines matrones, l’assemblée des États d’Artois consigne dans son registre de 1770 la résolution suivante [ note 1] :
Les accidents fâcheux que cause journellement dans les campagnes la trop grande impéritie des sages-femmes, le tort qu’elles font à la société en les privant de mères fécondes et souvent de citoyens qui deviendroient utiles à l’État, ont été les motifs qui ont porté l’Assemblée générale dernière à prendre en délibération un projet aussi essentiel.
Jusqu’ici, seules les grandes villes se soucient de recruter des maïeuticiennes expérimentées qu’elles pensionnent : Arras engage ainsi sa première sage-femme en 1553, Béthune suit en 1692, Bapaume en 1756. Mais dans les campagnes soumises aux pratiques douteuses de femmes s’autoproclamant accoucheuses, la situation est plus critique.
Création de l’école d’accouchement
Le 8 février 1772, un avis est placardé dans les communes artésiennes : une école gratuite d’accouchement va ouvrir à Arras et recrute six postulantes dans les cantons de l’Artois, ainsi que quatre boursières qui seront envoyées à Lille durant un an. L’école ouvre officiellement ses portes le 8 octobre.
Les conditions d’admission sont les suivantes :
- être âgée de 18 à 25 ans,
- posséder un certificat de bonne vie et mœurs, d’intelligence et de capacité, signé d’un prêtre ou d’un homme de loi.
Les étudiantes sont entretenues gratuitement et touchent 200 livres de pension annuelle. Les cours sont dispensés à l’hôpital d’Arras, à raison de quatre cours hebdomadaires d’une durée d’une heure trente.
Deux à trois années d’études sont nécessaires pour obtenir le titre officiel de sage-femme. Ce certificat d’aptitude est délivré à l’issue d’un examen passé devant Pierre Arrachart, chirurgien major de l’hôpital militaire, et le docteur Antoine Lescardé. En cas de réussite, les lauréates prêtent serment et sont enregistrées dans le "registre aux réceptions de chirurgiens et sages-femmes" de la gouvernance d’Arras.
Évolution de l’école et des pratiques
Au fil des ans, une série de mesures incitatives vise à pourvoir tout le territoire de sages-femmes diplômées. En 1774, une gratification de 100 livres est attribuée aux candidates reçues comme aide à leur installation. En 1777, elles reçoivent une généreuse dotation lorsqu’elles se marient dans la paroisse où elles ont été envoyées. De 1774 à 1790, l’école d’Arras envoie ainsi 110 sages-femmes dans 103 villages du département.
En parallèle, des réglementations nationales (édit royal de 1779) et locales (nouvelles précisions sur le statut du métier en Artois en 1780) encadrent plus précisément la pratique de la maïeutique.
En 1782, l’école d’accouchement d’Arras fusionne avec les écoles de chirurgie et d’anatomie. La nouvelle entité s’installe dans un local place des États d’Artois. Des cours d’obstétrique sont alors également dispensés aux élèves chirurgiens.
Des tourments de la Révolution à une fin annoncée
Durant la Révolution, l’école est maintenue par les successeurs des députés de province. C’est dans ce contexte qu’est promulgué l’avis de 1790 que nous vous présentons aujourd’hui.
Le frontispice du document met en avant les attributs agricoles du Pas-de-Calais (une couronne d’épis, une bêche et un râteau) encadrant la devise la Loi et le Roi
.
Le texte évoque le nouveau régime de l’école qui reprend les bases du règlement de 1770. Seule différence, il étend le bénéfice de l’admission aux huit districts du département et inscrit le traitement des professeurs Arrachart et Nonot au premier budget départemental.
Accéder à la transcription de l’ Avis du Directoire du Département du Pas-de-Calais concernant l’école d’accouchemens établie à Arras
L’école d’Arras devient le seul et unique lieu d’enseignement de ce genre sur le territoire, puisque la Révolution a eu raison des autres écoles qui s’étaient développées durant les dernières décennies (Ardres est la première à fermer ses portes, suivie par Boulogne en 1795).
Pourtant, elle aussi subit les affres de cette époque trouble, surtout à partir de l’an III, et continue à péricliter durant le Directoire. Les professeurs, appelés à soigner les victimes des guerres, se raréfient, l’administration de l’établissement s’étiole et les événements extérieurs ne garantissent plus aux élèves des conditions d’enseignement sereines.
L’intervention du préfet Poitevin-Maissemy impulse un nouvel élan à l’école. Un arrêté du 21 thermidor an VIII stipule la réouverture de l’école de chirurgie, d’accouchement et d’anatomie au 10 vendémiaire an IX.
Vingt ans plus tard, la notion d’accouchement n’apparaît plus dans le titre de l’école, malgré le maintien de cours consacrés à l’obstétrique. En 1820, elle s’installe à l’hôpital Saint-Jean. Jusqu’en 1841, elle prend le nom d’école secondaire de médecine et de pharmacie, et de 1841 à 1883, son vocable se résume à école préparatoire.
Elle ferme définitivement ses portes le 23 janvier 1883. Le développement des transports facilite les déplacements et les élèves se rapprochent d’écoles concurrentes (Amiens, Lille qui ouvre deux facultés). La même raison permet d’expliquer les difficultés que rencontre l’école dans le recrutement de ses professeurs.
L’histoire de l’école d’accouchement d’Arras illustre bien l’évolution sociale qu’a connu la maïeutique. Depuis le statut intime et familial, l’assistance aux femmes en couches est vite apparu comme un enjeu sociétal. Les villes sont les premières à s’en emparer, puis les provinces, soucieuses de réduire les inégalités territoriales, légifèrent à leur tour, avant que de grands plans nationaux ne soit esquissés et que cet art ne soit reconnu comme une spécialité médicale à part entière.
Notes
[ note 1] États d’Artois. Assemblées générales et à la main : registre de transcription des documents originaux, 1769-1770. Archives départementales du Pas-de-Calais, 2 C 203.
moragmartin
L'école des sages-femmes à Arras continue après 1883- ce qui est important a dire.
Le 12 janvier 2021 à 17h09